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De l’énergie du transport

Dans le document Gimli, Hervé THRO (Page 79-83)

10 - Construire son nid

27. De l’énergie du transport

Il reprit les chemins, seul cette fois, avec une vague pensée, pas encore un souvenir. De belles rencontres et une vallée paisible où il ferait bon passer des jours à s’imprégner de l’harmonie des lieux, les mélodies naîtraient d’elles même.

Les propos de Manouk rebondissaient dans sa tête.

Il n’était guère avancé sur son état. Son périple à la recherche de ses étranges songes ne faisait peut-être que commencer. Une longue et sinueuse route s’étalait devant lui avec des croisements sans indication, des gouffres insondables, des méandres où se perdre. Dans son inconscient souillé d’images surgies d’un passé révolu, nul panneau indicateur, nulle direction franchement expliquée, mais en revanche un épais brouillard et des explications sous forme d’énigmes.

Son esprit obnubilé par ces interrogations l’empêchèrent de remarquer l’arrêt de la pluie. Un timide soleil embrumé faisait luire les feuilles à présent. La chaleur de ses rayons provoquait quelques brumes à la cime des arbres, l’impression de fumées s’élevant au firmament, emportant de lourds secrets dissimulés à jamais à l’entendement du commun des mortels, sauf peut-être des Jardinels qui auraient percé quelques confidences sylvestres.

Ces pensées métaphysiques avaient ralenti le pas de Fantusieni. Quand il s’en rendit compte, il s’élança au pas de course. Il aimait sentir l’air filer autour de ses cheveux, apprécier la force de ses muscles dans leur fonctionnement. Cette agréable sensation de ne faire qu’un avec la nature, avec le monde. Il aimait se déplacer au pas de course, depuis son Tour du Monde il avait prit du plaisir à fendre l’air. La majorité des gens de son village couraient comme la plupart des habitants des autres villages. Quelques-uns utilisaient chevaux ou zèbres pour parcourir des distances mais le plus souvent ils étaient réservés au transport de marchandises légères. Les denrées les plus lourdes, comme les arbres des Jardinels étaient convoyées par voie d’eau.

Fantusieni s’était déjà essayé à cavaler sur le dos d’animaux divers avec des succès mitigés. Il n’en avait été que plus fermement convaincu de l’excellence de ses jambes. Chevaucher demandait une certaine adresse et ne lui apportait pas la griserie de courir par lui-même.

Il avait croisé toutes sortes de moyens de transport durant son périple de jeunesse. Ce qui l’avait le plus intrigué, passionné, était l’effervescence régnant en bord de mer. De tous les ports qu’il avait visité en ressortait une cascade, une avalanche d’objets variés qu’il n’avait jamais vu, pas même en schéma, certains auxquels il n‘avait même jamais pensé. Cela tranchait avec la douceur et la joie de partager des Jardinels.

Les villages situés en bord de mer ou sur les berges de fleuves étaient de véritables carrefours où se croisaient une foule de gens divers, où les échanges n’étaient pas que gestes et idées, mais la plupart du temps concernaient des marchandises, transitant de par le monde.

Un peu trop de monde, trop d’activité, telles de vraies ruches ou fourmilières, pour l’esprit vagabond et solitaire de Fantusieni. Mais il avait apprécié ce qu’il avait découvert, les yeux grands ouverts sur tant de nouveautés.

Des chariots, des remorques attelées à divers animaux robustes arrivaient chargés de tissus, de pots de miel, de liqueurs, d’épices et d’une quantité hétéroclite d’objets lui étant inconnus pour la majorité.

Fantusieni connaissait les barques utilisées pour transporter les marchandises lourdes sur les rivières, le bois étant bien souvent flotté et simplement dirigé.

Là, devant ses yeux, s’élevaient des constructions gigantesques, pouvant emporter dans leurs flancs des villages complets. D’autres navires arrivaient chargés de marchandises venant du monde entier. Fantusieni avait même pensé s’embarquer avant de remarquer qu’il était sujet au mal des mers. Un habitué des océans lui avait signifié dans un grand rire qu’au bout d’une semaine il ne s’en rendrait même plus compte, il n’avait cependant pas tenté l’expérience et avait continué à l’aide de ses jambes son long périple qui allait être un demi tour du monde. Qu’importe les paysages traversés, l’important était de cheminer intérieurement, à la découverte de sa propre personne.

Le vrai problème était celui du transport. De nombreux spécialistes s’étaient penchés sur l’utilisation de l’énergie afin de ne pas réitérer les erreurs des temps oubliés.

Tout comme les étoiles dont certaines brillaient d’un éclat aveuglant mais mourraient très vite tandis que d’autres, à peine visibles, consommaient leur hydrogène sur des milliards d’années lumières, on dénombrait quelques ascètes passant leur vie prolongée, tels des solitaires, dans une économie de forces et se nourrissant d’un rien. Il en était de même en ce qui concerne le transport : plus on désirait de la vitesse, plus cela demandait d’énergie. La société étant basée sur l’échange, pas seulement d’idées mais aussi de biens, les difficultés apparaissaient. On s’était donc résolu à garder une certaine lenteur et l’expression « demain le jour se lèvera » était passée dans le gestuel courant en effectuant juste un léger moulinet de la main droite.

Trois sources principales étaient utilisées pour fournir l’énergie nécessaire à certaines activités, en particulier les recherches scientifiques, extrêmement gourmandes. L’énergie solaire, transformée par capteurs s’inspirant de la photosynthèse des plantes, produisait des impulsions électriques. Des hélices actionnées par la force du vent ou par la vigueur de l’eau amenaient au même résultat en faisant tourner des turbines. Fantusieni aperçut au loin une de ces structures utilisant la force des marées.

Le défi était d’intégrer ces constructions dans le paysage, soit par une discrétion absolue, soit par une apparence artistique. L’intérêt principal, primordial, fondamental était le respect de l’environnement, de sa biodiversité. Nulle construction ne pouvait s’arroger le droit de détruire quelque écosystème que ce soit, du moins devait-on minimiser l’impact écologique de chaque édification. De nombreux tests, d’incessantes simulations étaient pratiqués avant de mettre en place les fondations d’un nouvel appareil visant à produire de l’énergie ou, plus généralement, toute fabrication élevée dans le milieu naturel.

Objets et marchandises transitaient sur terre par petites quantités, habituellement tractés par de robustes animaux. Les voies d’eau permettant le transport de quantités plus importantes ou de matières plus lourdes.

On confectionnait, on cultivait, on produisait, on fabriquait à l’endroit où cela devait être utilisé ou consommé lorsque cela était possible.

L’art de la proximité était largement répandu comme une tradition, une manière de vivre, une volonté collective, un objectif partagé par tous. Si le déplacement des personnes était souhaité, encouragé, stimulé, le transit des marchandises devait être le plus limité, autant qu‘envisageable.

Ainsi se croisaient sur les nombreux chemins davantage de voyageurs à pied, parfois accompagnés d’un animal portant une charge légère, assurant plus une compagnie qu’un portage. Rarement le transport servait à acheminer des marchandises d’un point à un autre, mais plutôt, à l’image de nombreux marchands ambulants, nomades dans l’âme, de desservir quantité de villages au long d’une éternelle route.

A la philosophie selon laquelle le chemin parcouru valait plus que la destination atteinte, il était admis qu’il valait mieux aller vers le monde qu’attendre que le monde vienne à soi.

Dans le document Gimli, Hervé THRO (Page 79-83)