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I .Brève radiographie de l’évolution du système éducatif burkinabè

I.2. L’éducation burkinabè de 1960 à 1990 : des réformes hâtives et peu efficaces

Les jeunes Etats africains, conscients de l’importance de l’éducation dans le développement, vont, aux lendemains des indépendances, mutualiser leurs approches afin de trouver une réponse collective à la problématique de leurs systèmes éducatifs. C’est ainsi que la Conférence des Chefs d’Etats africains de 1961 d’Addis-Abeba, considérant, que le progrès économique et social et le développement de l'éducation sont indissociablement liés, et face aux besoins urgents d’éducation de l’ensemble des Etats, invitera « les pays africains intéressés à consacrer la plus grande partie possible de leurs ressources au développement de l'éducation dans leurs territoires, conformément aux principaux objectifs du programme de cinq ans et au programme de vingt ans tels qu'ils sont exposés dans "l'Aperçu d'un plan de développement de l'éducation en Afrique"»43

En outre, elle appellera les organismes internationaux, notamment l’UNESCO et la Banque mondiale, à accompagner les efforts envisagés. A cette étape, J. COULIDIATI-KIELEM (2006), observera alors que « la foi qu’ont désormais les gouvernements de ces pays en l’éducation, s’est traduite par une augmentation substantielle des dépenses de l’Etat

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Conférence sur « L’éducation en Haute Volta coloniale » organisée par le Centre national des archives à Ouagadougou le jeudi 11 octobre 2012

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PILON M, YARO Y, (dir.), Le Burkina Faso, Politiques éducatives et système éducatif actuel, in la demande d’éducation en Afrique, état de connaissances et perspectives de recherches, 2001

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Cité par PILON M, YARO Y (dir.), Le Burkina Faso, Politiques éducatives et système éducatif actuel, in la demande d’éducation en Afrique, état de connaissances et perspectives de recherches, 2001

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Conférence d'Etats africains sur le développement de l'éducation en Afrique, Addis-Abéba 15-25 mai 1961, rapport final

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consacrées au secteur de l’éducation »44. Toutefois, au regard des difficultés budgétaires de la plupart des pays concernés, l’aide internationale sera déterminante.

Dès lors, des mesures consensuelles en vue entre autres d’adapter leurs systèmes aux réalités socioéconomiques, culturelles et politiques de leurs peuples ; d’en faire un instrument du développement économique sont alors adoptées par les pays concernés, COULIDIATI-KIELEM, (2006). L’ensemble des mesures de la conférence d’Addis-Abeba visent à l’aboutissement à l’horizon de 1980 d’ « une scolarisation universelle dans tous les pays participants ».

A l’image des autres pays présents, le Burkina Faso, dans cette optique, entamera avec plus ou moins de réussite des réformes de son secteur éducatif. Nous aborderons dans les lignes qui suivent l’essentiel de ces réformes.

Ainsi, au nombre des plus importantes, nous retiendrons les réformes qui suivent:

Ø La révision des programmes de 1962 (réforme GREF). A l’initiative du Directeur de l’enseignement du premier degré, A. GREF, Cette réforme prenait appui sur la première plus grande réforme relative à la ‘‘ruralisation de l’éducation’’ des années 1960 menée par des experts français. Son principal objectif était d’adapter le contenu de l’école « Voltaïque » notamment les programmes et horaires aux réalités locales notamment historiques, géographiques et culturelles. Cependant, selon Marc PILON45, le document final sera abandonné car jugé insuffisant et superficiel par les autorités voltaïques.

Ø La réforme de 1967. Toujours dans la vision de « ruraliser l’école » dans un pays majoritairement agricole et rural, la réforme de 1967 mettra l’accent sur la scolarisation massive des jeunes ruraux de moins de vingt ans, en accordant une place importante au travail manuel et agricole. Elle ambitionnait le triplement du taux de scolarisation par le recrutement des jeunes de 12 à 15 ans et l’accroissement de la productivité agricole par l’apport de connaissances et techniques culturales nouvelles

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COULIDIATI-KIELEM J., les facteurs déterminants de l'efficacité pédagogique des établissements

secondaires : une analyse critique de l'échec scolaire au Burkina Faso, Thèse de doctorat, J.J. PAUL, J. M. DE KETELE (dir.), Université de Bourgogne, 2006

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PILON M, YARO Y (dir.), Le Burkina Faso, Politiques éducatives et système éducatif actuel, in la demande d’éducation en Afrique, état de connaissances et perspectives de recherches, 2001

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aux élèves. A partir de cet instant, on voit s’installer dans le paysage éducatif burkinabè un système bicéphale composé de l’école dite « rurale » et de l’enseignement formel ou école classique. Mais, une fois de plus, cette expérience d’école rurale ne résistera pas à l’évaluation de 1970. Jugé ‘‘couteux’’ et d’une efficacité peu probante (COULIDIATI-KIELEM, 2006), la réforme de 1967 (réforme CRESPIN) sera alors abandonnée.

Ø La réforme de 1976. A la suite du colloque sur l’ « Intégration de l’éducation » de 1972, le service de la planification de l’Education du ministère de l’Education Nationale entreprit de 1973 à 1974 une enquête dans 42 localités du Burkina Faso46. Cette vaste enquête aboutit à la conclusion que les populations ont ‘‘le souci d’avoir une formation utile liée à l’enseignement et à l’apprentissage d’un métier’’. Reprise à son compte par le Président Sangoulé LAMIZANA, cette quête communautaire fera l’objet d’un projet de réforme. En effet, par lettre N°6035 du 21 septembre 197447, le Ministre de l’éducation nationale instruisait sa Direction des études et de la planification d’envisager une réforme de l’enseignement. Après quelques consultations et enquêtes complémentaires, le projet de réforme est bouclé en 1976. Son objet est de décloisonner l’éducation et de la rendre accessible à tous, de marquer l’ancrage des valeurs locales par la revalorisation du patrimoine culturel national avec l’introduction des langues nationales et enfin renforcer et promouvoir le lien entre formation et production. Après quelques ajustements, la réforme sera mise en pratique avec l’accompagnement des partenaires tels l’UNESCO et la Banque mondiale avec une première phase de 7 ans (1976-1984). Mais l’expérimentation ne commencera qu’en 1979 avec 61 écoles pour le volet enseignement de base et 3 villages « moréphones »48 pour le volet éducation préscolaire. L’extension prévue pour la rentrée scolaire 1983-1984 ne verra jamais le jour. En effet, l’avènement du Conseil National de la Révolution (CNR) le 4 Août 1983 mettra fin à cette réforme.

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PILON M, YARO Y, (dir.), Le Burkina Faso, Politiques éducatives et système éducatif actuel, in la demande d’éducation en Afrique, état de connaissances et perspectives de recherches, 2001

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COULIDIATI-KIELEM J., les facteurs déterminants de l'efficacité pédagogique des établissements

secondaires : une analyse critique de l'échec scolaire au Burkina Faso, Thèse de doctorat, J.J. PAUL, J. M. DE KETELE (dir.), Université de Bourgogne, 2006

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Dérivé de « moré », la première langue du Burkina Faso. Il s’agit dans le cas présent de village où est parlée la langue mooré

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Ø L’école révolutionnaire. Le 2 octobre 1983, le Président Thomas SANKARA, face à l’état déplorable de l’éducation burkinabè : 16,4% de scolarisation, 92% d’analphabétisme annonce dans la foulée une réforme. Cette réforme selon le président SANKARA, « vise à promouvoir une nouvelle orientation de l'éducation et de la culture. Elle devra déboucher sur la transformation de l'école en un instrument au service de la révolution. Les diplômés qui en sortiront devront être, non au service de leurs propres intérêts et (de celui) des classes exploiteuses, mais au service des masses populaires. L'éducation révolutionnaire qui sera dispensée dans la nouvelle école devra inculquer à chacun une idéologie, une personnalité voltaïque qui débarrasse l'individu de tout mimétisme. Apprendre aux élèves et étudiants à assimiler de manière critique et positive les idées et les expériences des autres peuples, sera une des vocations de l'école dans la société démocratique et populaire… »49.Ainsi, l’école révolutionnaire envisagée par le Conseil national de la révolution se veut une école en rupture avec le passé colonial et néo-colonial, dépourvue de toute connexion avec l’ « impérialisme » et « ses valets locaux ». L’école révolutionnaire proposera en 1986 une nouvelle approche dont les innovations majeures s’articulent alors autour de l’intérêt collectif. Cependant, soumise à la sanction populaire à travers les Assemblées générales et les Commissions du peuple chargées des secteurs ministériels (CPM), la réforme révolutionnaire ne sera pas retenue du fait de son coût et de sa déconnexion avec l’environnement international (du fait de la non prise en en compte de certains engagements pris auparavant).

Tel qu’on le constate, le système éducatif burkinabè a été marqué de 1960 à 1990 par quatre importantes réformes. Ces réformes dans l’ensemble, ont contribué à améliorer l’état de l’éducation burkinabè. Toutefois, les difficultés auxquelles elles se sont confrontées (insuffisance de moyens, problèmes socio-politiques…) ne leur ont pas permis d’atteindre les résultats escomptés.

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Thomas SANKARA, Discours d’orientation politique (DOP) in

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I.3. L’éducatif burkinabè de 1990 à nos jours : Les effets de la Conférence internationale