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primaire au Burkina Faso

I. Concepts et évolution de la formation continue

I.3. Formation continue : mobilité socioprofessionnelle

La formation continue participe à la professionnalisation de l’adulte en situation de travail. Ainsi, elle constitue une occasion et un processus de transformation des compétences en rapport avec un processus de transformation d’activités.

Pour WITTORSKI (1998), le mot « professionnalisation » revêt trois sens différents correspondants à trois types d’enjeux distincts, selon qu’il s’agit :

• de professionnaliser des activités, voire des métiers au sens de l’organisation sociale d’un ensemble d’activités (création de règles d’exercice de ces activités, reconnaissance sociale de leur utilité, construction de programmes de formation à ces activités) ; il s’agit ici de constituer une profession

• de professionnaliser des acteurs, au sens de la mise en place des savoirs et de la production des compétences nécessaires pour exercer la profession auxquelles s’ajoute la construction d’une identité de professionnel; il s’agit ici d’accroître la professionnalité des individus concernés

• de professionnaliser des organisations ; il s’agit ici de formaliser un système d’expertises par et dans l’organisation

Nous retiendrons pour l’essentiel que la professionnalisation « met en scène » des acquis personnels ou collectifs tels les savoirs, les connaissances, les capacités et les compétences dans l’optique de les améliorer et de les spécialiser pour une activité professionnelle déterminée. De ce fait la formation continue apparait comme vecteur moteur de la professionnalisation dans le sens où elle permet aux acteurs engagés de se parfaire, de perfectionner leurs compétences et de tendre ainsi vers la professionnalisation.

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De ce qui précède, nous sommes autorisés à établir le lien entre formation continue et mobilité professionnelle. En effet, si la formation continue contribue à la professionnalisation de l’individu et du métier à travers l’amélioration des compétences et des pratiques, elle participe de ce fait à la mobilité des acteurs. Un travailleur qui bénéficie de nouvelles compétences peut bénéficier d’une mobilité interne (au sein de son entreprise) ou externe (vers une autre entreprise) pour valoriser ses nouvelles connaissances. En outre l’entreprise qui renouvelle les compétences de ses agents améliore certainement sa productivité ou évolue vers d’autres domaines d’activités.

A cet titre, selon le Conseil central de l’économie belge (CCE, 2007), d’un point de vue microéconomique l’impact est bénéfique tant pour les employeurs que pour les travailleurs. En effet, le changement induit par la formation continue se révèle positif tant en matière de productivité du travailleur, d’augmentation de son revenu que de ses chances d’obtenir et de conserver son emploi, sans négliger les apports positifs de l’augmentation du capital humain en termes de santé, de cohésion sociale et de citoyenneté.

PERRENOUD 178(1994), suite à une série d’études dresse 15 niveaux possibles de changement liés à la formation continue. Ces changements concernent aussi bien l’individu que son organisation.

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Philippe Perrenoud est Professeur honoraire, membre du Laboratoire de recherche LIFE Innovation-Formation-Education, à la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation (FPSE) de l’Université de Genève

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Tableau 20 : Enjeux pour les personnes et pour l’organisation Philippe Perrenoud, 1994

Pour les personnes Pour l’organisation

1. Accroître ses propres

compétences et qualifications, donc sa maîtrise professionnelle, son plaisir, sa confiance en soi.

Accroître les compétences et les qualifications des collaborateurs, donc l’efficacité et l’efficience de l’organisation.

2. Apprendre les règles en vigueur pour mieux s’intégrer (fonction de socialisation).

Assurer la conformité de chacun aux règles en vigueur (fonction de socialisation).

3. Contribuer à sa propre

professionnalisation, devenir plus responsable et autonome.

Contribuer à la professionnalisation, à la responsabilisation des collaborateurs.

4. Participer à la construction d’une identité collective, d’une culture partagée.

Développer une identité collective, une culture partagée.

5. Contester la légitimité du pouvoir en place, savoir négocier.

Asseoir la légitimité du pouvoir en place sans pour autant réduire chacun au conformisme. 6. Devenir expert,

personne-ressource dans l’atteinte d’objectifs nouveaux ou ambitieux.

Mobiliser les collaborateurs sur des objectifs nouveaux ou ambitieux.

7. Donner une bonne image de soi à l’intérieur et l’extérieur de l’organisation (collaborateur motivé, consciencieux).

Donner une bonne image de l’organisation à l’intérieur et l’extérieur (modernité).

8. Se donner les moyens d’une

mobilité interne ou externe (horizontale ou verticale).

Favoriser la mobilité interne des collaborateurs (horizontale ou verticale).

9. Ajuster ses qualifications personnelles à son emploi/poste de travail lors de l’arrivée dans l’organisation ou lors d’un changement de poste.

Ajuster les qualifications aux emplois/postes de travail lors de l’arrivée de nouveaux

collaborateurs dans l’organisation ou lors d’un changement de poste.

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10. Compenser les manques éventuels de sa formation initiale avant qu’ils ne créent des problèmes.

Compenser les manques ou les biais structurels ou occasionnels de la formation initiale des

collaborateurs (décalage temporel, niveau d’abstraction).

11. Participer à la réflexion sur les pratiques et les qualifications, et plus globalement sur le

changement dans l’organisation.

Constituer une noosphère (groupe d’experts élargi aux formateurs et à certains formées) pour penser les pratiques et les compétences, et plus

globalement le changement dans l’organisation. 12. Se donner les moyens de

participer au changement en général ou à des innovations spécifiques.

Stimuler le changement en général ou des innovations spécifiques (par ex. informatisation des tâches).

13. Rencontrer des formateurs ou des formés d’autres secteurs ou organisations.

Ouvrir l’organisation à des apports externes en invitant des experts ou en envoyant des

collaborateurs se former ailleurs. 14. Accéder à une formation continue

comme récompense, reconnaissance d’un mérite personnel.

Disposer d’une source de récompense (la formation continue comme reconnaissance d’un mérite) ou de sanction (comme stigmatisation d’un manque).

15. Trouver un point de chute, un secteur loin du front si l’on est un collaborateur inefficace, fatigué, mal aimé ou trop créatif…

Avoir un secteur où mettre hors circuit des collaborateurs inefficaces, fatigués ou trop créatifs…

Ainsi qu’il apparait, la formation continue induit nécessairement le changement, une mobilité tant au niveau du travailleur qu’au niveau de l’organisation.

Toutefois, à la lecture du tableau des enjeux de PERRENOUD, qu’elle soit de l’initiative du travailleur, de son employeur ou décidée d’un commun accord par les deux, le changement en terme de mobilité suscité par la formation continue se répercute sur l’un et l’autre à la fois. Aussi, si l’attention est plutôt portée sur l’intérêt de l’enseignant du primaire en ce qui nous concerne, il conviendrait alors d’ajuster le débat et de positionner la formation continue de l’enseignant parallèlement au service du changement du système éducatif. En effet, pour PERRENOUD (1994), « C’est à coup sûr l’une de ses fonctions, en particulier lorsqu’elle

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relève du ministère de l’éducation ; elle est alors un instrument de la politique de l’éducation et en particulier de la modernisation du système éducatif. »