• Aucun résultat trouvé

linguistique générale, qu'est-ce qu'un corpus ?

I. 1.2.3.2- L'école contextualiste britannique

Dans la suite de la première moitié du vingtième siècle, l'importance du contexte a été mis en avant par des linguistes britanniques ayant adapté une partie de la théorie anthropologique de Malinowski. John R. Firth est un linguiste de cette école, qui fut parmi les premiers à adapter les méthodologies fonctionnaliste et contextuelle à la linguistique générale, devenant ainsi le premier professeur de linguistique générale en 1944 à Londres (Honeybone 2005). Selon Malinowski, toute institution humaine, toute élaboration humaine (et le langage en fait explicitement partie selon lui) est lié à des besoins fonctionnels, et ne peut donc être comprise qu'au sein d'une culture, d'un contexte. De la même façon que l'on ne peut expliquer tel rite religieux ou de parenté qu'en fonction de tel ou tel contexte, de telle ou telle culture, on ne peut selon Malinowski expliquer tel ou tel énoncé que dans son contexte :

« La culture, où se tient le plus clair de la conduite humaine, est également importante pour tout le monde, pour le psychologue, pour le sociologue, pour l'historien, pour le linguiste. A mon avis, la linguistique de demain, et notamment la sémantique, sera l'étude de la langue dans le contexte d'une culture. » (Malinowski 1968:11)

Il ajoute plus loin :

« Nous avons posé en principe que toute théorie scientifique doit partir de l'observation et y conduire. Elle doit être inductive et se vérifier dans l'expérience » (ibid:60)

avoir appelé de ses vœux une théorie ethnographique de la langue, il va s'attacher à l'élaborer. Des années 1930 à 1950, il a ainsi postulé une théorie contextuelle du sens basée sur une procédure inductive, et en conséquent, sur une étude de phénomènes concrets, que l'on puisse appréhender. Il voyait le langage comme la répétition d'un procédé social, le travail du linguiste consistait ainsi à pouvoir dériver de l'impersonnel à partir du personnel qui était rendu typique. Ce passage du personnel à l'impersonnel était possible grâce à certaines structures, comme les collocations (occurrences répétées et signifiantes de deux mots ensembles) ou les colligations (la proximité répétée de même parties du discours).

« We must expect therefore that linguistic science will also find it necessary to postulate the maintenance of linguistic patterns and systems (including adaptation and change) within which there is order, structure, and function. Such systems are maintained by activity, and in activity they are to be studied. » 14(Firth 1957:143)

Pour pouvoir décrire le langage, Firth se basait sur une observation de la langue, et non pas sur son introspection. D'autre part, il a donné toute son importance à l'étude du sens, comme étant accessible à travers des usages contextualisés, et en notant que les manifestations de la langue étaient observables plutôt que pré-supposables ou ontologiques. Le langage n'était pas dans sa théorie considéré comme un procédé mental ou une entité autonome, mais plutôt comme des événements exprimés par des locuteurs, comme un mode d'action.

« As we know so little about mind and as our study is essentially social, I shall cease to respect duality of mind and body, thougt and word, and be satisfied with the whole man, thinking and acting as a whole, in association with his fellows. (...) Meaning, that is to say, is to be regarded as a complex of contextual relations, and phonetics, grammar, lexicography, and semantics, each handles its own components of the complex in its appropriate context. »15 (Ibid:19)

14 « Nous devons en conséquence attendre de la linguistique qu'elle trouve également nécessaire de postuler le maintien de structures et de systèmes linguistiques (qui incluent les adaptations et les changements) au sein desquels il y a un ordre, une structure, et une fonction. De tels systèmes sont maintenus grâce à l'activité, et c'est via cette activité qu'ils doivent être étudiés. » (ma traduction).

15 « Comme nous ne savons que très peu de choses sur ce qui se passe dans notre esprit, et étant donné que notre étude est essentiellement sociale, je ne reprendrai pas la dualité entre esprit et corps, pensée et mot, mais je me satisferai de l'homme dans son ensemble, qui pense et qui agit comme un tout, en association avec ses pairs. (…) Le sens, en conséquence, doit être considéré comme un ensemble complexe fait de relations contextuelles, de phonétique, de grammaire, de lexicographie et de sémantique ; chacune apportant

Selon lui, ces méthodes purement inductives devaient apporter beaucoup à l'étude de la langue, notamment par l'apport de nouvelles catégories permettant de décrire plus scientifiquement, plus précisément la langue :

« so that the situational and linguistic categories would not be unmanageable. Many new categories would arise from a systematic observation of the facts »16 (Ibid:28)

Il n'hésitait pas à dire que pour être scientifique, la linguistique se devait avant tout de fonctionner de façon inductive, empirique, sans quoi elle risquait de s'abîmer dans des hypothèses fallacieuses, ne rendant pas compte de la réalité du langage. L'influence de Sweet, qui lui même souhaitait que les apprenants procèdent par découverte en contexte de la grammaire après la lecture d'un texte, est présente lorsque Firth explique que la linguistique ne doit pas s'éloigner de la parole en la forçant à entrer dans des systèmes artificiels.

« Sciences should not impose systems on languages, it should look for systems in speech activity, and, having found them, state the facts in a suitable language. » (Ibid:144)17

Son travail a été largement reconnu en Grande Bretagne, que ce soit par le gouvernement (suite par exemple à l'élaboration de cours accélérés d'apprentissage du japonais au cours de la seconde guerre mondiale), ou par la communauté linguistique, il a ainsi été président de la Philological Society (Honeybone 2005:84). Il a influencé certains linguistes des années suivantes tels que Halliday qui écrira dans les années 1950 une thèse où il s'intéressait aux liens entre fréquence et sens dans une langue, ou bien Sinclair qui s'est toujours basé sur des observations de langage authentique en contexte dans ses travaux lexicographiques (Honeybone 2005:85, Williams 2006:153).

D'autres linguistes se sont également mis à travailler sur des ensemble de textes authentiques, observant de façon empirique les données accessibles du langage pour

sa propre composante au complexe selon son contexte approprié. » (ma traduction)

16 « Ainsi donc, les catégories linguistiques et situationnelles ne seront pas insurmontables. Beaucoup de nouvelles catégories émergeront d'une observation systématique des faits. » (ma traduction).

17 « Les sciences ne devraient pas imposer des systèmes sur les langues, mais plutôt rechercher des systèmes dans l'activité orale de langage, et, les ayant découverts, formuler les faits dans une langue appropriée. » (ma traduction)

atteindre la langue. Dans un article, (Léon 2007) Jacqueline Léon donne un aperçu des différents courants théoriques des années 1950 et 1960. Des linguistes d'une filiation Bloomfieldienne, qui avaient pour but d'établir des taxonomies d'éléments linguistiques, ont au cours de ces années travaillé sur des corpus en utilisant des procédures de découverte de type inductif.