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A l’échelle locale

Dans le document Contribution à l'Hydrogéodesie (Page 89-96)

Les processus de redistribution de

4.1.3 A l’échelle locale

La seconde variable de couplage consiste cette fois-ci à étudier l’état interne d’un sous-ensemble de l’unité hydrologique : la variation de hauteur d’eau dans une fracture, la teneur en eau d’un sol. L’utilisation d’un modèle hydrologique, forcé par différents flux à l’échelle de l’unité hydrologique est également nécessaire, mais il faut également se reposer sur la qualité de description des flux internes liée à cette sous-partie du modèle.

1

Cette remarque est à moduler, puisque les flux de ruissellement et d’évapotranspiration sont déter- minés à partir de l’état interne de l’unité hydrologique

4.2. Flux hydrologiques et leur mesure 61

4.2

Flux hydrologiques et leur mesure

Cette section sera consacrée à la description des principaux flux de redistribution des masses d’eau. A l’échelle de la Terre, le tableau 4.2 synthétise et quantifie les principaux flux qui composent le bilan hydrologique.

Tab. 4.2 – Contribution annuelle moyenne des principaux processus de redistribution d’eau à la surface des continents : P précipitations, Qs ruissellement de surface, ETR évapotranspiration réelle, d’après

(Brutsaert, 2005).

Domaine Surface P Qs ETR rapport

ETR/P Unité [M km2] [ mm.an−1] [ mm.an−1] [ mm.an−1] [ % ]

Afrique 30 690 140 550 80% Amérique du Nord 20.7 670 290 380 80% Amérique du Sud 17.8 1650 590 1060 64% Asie 45 720 290 430 60% Australie 8, 7 740 230 510 69% Europe 9, 8 730 320 410 56% Global 132, 3 800 310 490 61%

Le flux majeur en hydrologie reste les précipitations, puisqu’il constitue le seul apport pour la surface continentale. Ensuite, la part des précipitations rendues à l’at- mosphère sous la forme d’évapotranspiration est plus importante que celle qui va alimenter les cours d’eau.

Nous allons décrire dans cette section les principaux flux qui composent le cycle hydrologique et les méthodes de mesure. Blöschl & Grayson (2000) décrivent trois paramètres essentiels dans la mesure environnementale, nommés scale triplet, et qui permettent de définir les capacités d’un réseau d’observation : le pas d’échantillon- nage spatial, la surface échantillonnée et la représentativité latérale de la mesure. En général, une approche itérative est nécessaire pour bien appréhender les flux hydro- logiques : choisir les sites de mesure pour qu’ils soient suffisamment représentatifs et établir un schéma d’échantillonnage optimal en fonction de la variabilité que l’on souhaite mesurer (des données étant nécessaires à la base pour connaître cette varia- bilité).

4.2.1 Précipitations

Types de précipitations

Les précipitations sont un phénomène majeur pour la détermination des variations de stock. Il en existe plusieurs types (voir figure 4.1) :

1. les précipitations orographiques qui résultent de la rencontre entre une masse d’air chaud et humide et une barrière topographique qui oblige ces masses d’air à s’élever. Elles présentent une intensité et une fréquence assez régulière. Vetter (2004) met en évidence de forts contrastes entre les contreforts du massif, qui reçoivent des cumuls importants, et les vallées intérieures plutôt sèches. Blöschl & Grayson (2000) montrent que l’altitude est corrélée avec les précipitations

62 Chapitre 4. Les processus de redistribution de l’eau continentale

Fig. 4.1 – Différents types de précipitations, d’après http://hydram.epfl.ch/e-drologie/ .

Fig. 4.2 – Image radar d’un front (à gauche), d’un chapelet de cellules orageuses (à droite), d’après MétéoSuisse

.

moyennes annuelles. Cette corrélation décroît vers zéro pour des échelles tem- porelles de l’heure ou de la journée. Dans la plupart des climats, l’augmentation des moyennes annuelles de précipitations avec l’altitude est principalement due à l’augmentation de la fréquence des événements pluvieux, plus qu’à des inten- sités plus importantes (Obled, 1990).

2. les précipitations stratiformes, associées aux surfaces de contact entre deux masses d’air de température, de gradient thermique vertical, d’humidité et de vitesse de déplacement différents. En général, ces précipitations sont longues, étendues mais peu intenses.

3. les précipitations convectives, caractérisées par une ascension rapide des masses d’air dans l’atmosphère. Elles sont en général orageuses, de courte durée (moins d’une heure), de forte intensité et de faible extension spatiale.

Structure et variabilité spatiale

Par rapport aux flux d’évapotranspiration et de ruissellement, les précipitations do- minent la variabilité spatiale et temporelle au sein d’un bassin versant (Blöschl & Grayson, 2000) : les orages sont violents courts et très localisés (500 m), alors que les fronts produisent des précipitations homogènes étalées sur des bandes de plusieurs milliers de kilomètres sur une échelle de temps d’une journée (voir figure 4.2).

La variabilité spatio-temporelle des précipitations a un effet significatif sur les écoulements d’un bassin versant et peut induire d’importantes erreurs dans l’estima- tion d’un débit à l’exutoire si cette variabilité n’est pas prise en compte (Houser et al., 2000; Moulin, 2007).

4.2. Flux hydrologiques et leur mesure 63

Fig. 4.3 – Nombre minimal de pluviomètres selon la surface du bassin versant étudié, selon Schaake et al. (2001).

Mesure et régionalisation

Strangeways (2003) consacre un énorme chapitre à la mesure des précipitations. Contrairement à d’autres mesures fondées sur des principes physiques, l’évolution des pluviomètres - et la capacité à faire des mesures robustes - a été une suite de tâ- tonnements (voir en l’occurence Poncelet, 1954). L’action du vent sur la trajectoire des gouttes en présence d’un obstacle (le pluviomètre lui-même pouvant représenter un obstacle) est le principal facteur d’erreur. Le choix du site de mesure et de la position des pluviomètres par rapport aux obstacles environnants est également de première importance. La mesure des précipitations est ponctuelle ; il est ainsi nécessaire de disposer d’un contexte pour apprécier la donnée chiffrée. Une remarque importante, que l’on ne trouve que rarement dans les livres, concerne l’entretien obligatoire des postes pluviométriques pour assurer la qualité des mesures.

L’estimation du flux "précipitation" à l’échelle de tout un bassin versant est éga- lement difficile, puisqu’il n’est échantillonné que sur une très faible surface. Il faut ainsi définir un nombre minimal de pluviomètre en fonction de la surface à explorer. Schaake et al. (2001), dans le cadre du projet MOPEX, propose le critère indiqué sur la figure 4.3. Ce critère ne tient pas compte de la physiographie du bassin ; il est par contre assez sélectif pour être utilisé sur la plupart des bassins. Il est important de noter que même si l’on dispose d’un nombre important de pluviomètres, ceux-ci sont généralement répartis en fond de vallée ou à mi-pente. Les crêtes, qui concentrent l’essentiel des précipitations, sont alors mal décrites.

Les mesures pluviométriques doivent ensuite être régionalisées à l’échelle du bassin versant grâce à des méthodes d’interpolation (Blöschl & Grayson, 2000). On peut citer les méthodes suivantes : l’utilisation de moyennes arithmétiques, les po- lygones de Thiessen (Thiessen, 1911; Smith, 1993), l’interpolation par krigeage (par exemple Creutin & Obled, 1982; Moulin, 2007), la regression avec l’altitude (Smith, 1979). La qualité de ces méthodes est intimement liée à la qualité de l’échantillonnage. Les données radar peuvent être considérées comme une alternative intéressante pour la spatialisation du champ de précipitations. Elles sont malgré tout inséparables des données au sol puisqu’elles doivent être calées sur les données de pluviomètres classiques.

4.2.2 Evapotranspiration

L’évapotranspiration réelle (ETR) est un flux "invisible" qui consomme près de 60% des précipitations et une grande partie de l’énergie disponible, vu la valeur impor- tante de la chaleur latente de vaporisation de l’eau

64 Chapitre 4. Les processus de redistribution de l’eau continentale

Son estimation reste difficile (Grayson & Blöschl, 2000a). Si les processus phy- siques qui influencent l’évapotranpiration sont connus à l’échelle locale (disponibilité de l’eau dans le sol, forçages solaires, type de végétation, déficit en eau de l’air), ils sont interdépendants et il est difficile de savoir comment ils se combinent à l’échelle du bassin versant. L’atmosphère elle-même tend à accentuer (ou uniformiser) le phé- nomène, favorisant le transport d’énergie et d’eau évaporée à l’échelle régionale, ce qui maintient le déficit de saturation de l’air (Morton, 1983; Hipps & Kustas, 2000). Evapotranspiration potentielle

Une méthode largement adoptée consiste à distinguer la demande atmosphérique, l’évapotranspiration potentielle (ETP) de l’ETR qui correspond à la quantité satisfaite, en fonction de la disponibilité de l’eau dans le sol. L’estimation de l’ETP ne nécessite que la connaissance de paramètres liés à l’atmosphère. Ces paramètres sont plus homogènes à l’échelle du bassin et plus facilement mesurables que des paramètres, tels que l’état hydrique du sol.

Il existe plusieurs formules d’estimation de l’ETP, suivant les hypothèses sous- jacentes et le nombre de données nécessaires, notamment :

– la formule de Penmann-Monteith (Penman, 1948; Montheith, 1965), considérée comme la méthode la plus satisfaisante d’un point de vue physique, requiert un nombre important de données atmosphériques (humidité de l’air, température, vitesse du vent, rayonnement net).

– la formule de Turc (Turc, 1954), développée en région parisienne, qui ne néces- site que des données de température et de durée d’ensoleillement.

Le choix d’une équation pour une étude se fait en fonction de ses performances et du jeu de données disponibles. Il est difficile d’inter-comparer les formules d’estimation de l’ETP. Toutes les études confirment que l’évaluation de chaque méthode dépend beaucoup du site considéré et qu’il est difficile de sélectionner telle ou telle formule dans un contexte global (Oudin et al., 2004).

L’ETR est enfin calculée en intégrant cette demande évaporatoire dans un modèle de sol, qui détermine l’eau effectivement évaporée en fonction de l’eau disponible dans le sol. Il faut noter que malgré les fortes différences de variations journalières ob- servées d’une formule à l’autre, les modèles conceptuels peuvent se contenter d’une représentation extrêmement simplifiée de la demande évaporatoire, pour une effica- cité équivalente (Oudin et al., 2005).

Mesure de l’ETP

Il apparaît essentiel que cette valeur puisse être mesurable. A l’échelle locale, la demande évaporatoire peut s’estimer directement par la mesure de l’évaporation de l’eau d’un bac ou par des mesures lysimétriques. Comme le souligne Brutsaert (1982), le bilan d’énergie et les équations aérodynamiques ne permettent pas d’esti- mer l’évapotranspiration pour une surface d’un ordre de grandeur supérieur au km2. Le concept d’ETP à l’échelle du bassin versant, dont la mesure ne peut être qu’ap- proximative, perd ainsi tout sens physique.

Hypothèse de Bouchet

Les méthodes citées précédemment considèrent que l’ETP est indépendante de l’ETR, à l’échelle métrique. Cette hypothèse est justifiée puisque la saturation d’une pe-

4.2. Flux hydrologiques et leur mesure 65

Fig. 4.4 – Schéma décrivant l’hypothèse de Bouchet pour le calcul de l’ETP et de l’ETR.

tite surface de sol ne modifie pas sur les conditions atmosphériques. Cependant, à l’échelle du bassin versant, il est légitime de penser que l’état saturé d’une grande surface aura une influence non négligeable sur les conditions atmosphériques. Ainsi, Bouchet (1963) émet l’hypothèse que, lorsque l’ETR n’est pas à un taux potentiel, un excès d’énergie est disponible sous forme de chaleur sensible, augmentant ainsi la température de l’air et de gradient d’humidité relative de l’air au-dessus de la surface évaporante. L’ETP est alors augmentée, et cette augmentation correspond au déficit d’ETR (voir figure 4.4). Cette hypothèse a conduit plusieurs auteurs au déve- loppement de modèles dits complémentaires, traduisant en équations l’hypothèse de Bouchet (par exemple Morton, 1969). Cette méthode permet donc de s’affranchir d’un modèle de déficit hydrique dans le sol pour calculer l’ETR.

4.2.3 Débit

A l’échelle locale

A l’échelle d’une parcelle, les hydrologues ont répertorié plusieurs types de généra- tion de ruissellement, selon leur cause. Il faut ainsi distinguer :

Les écoulements de surface, représentés par le ruissellement de Horton (1933), lié au dépassement de la capacité d’infiltration d’un sol et le ruissellement par intumescence de nappe, où le niveau de la zone saturée affleure en surface, Les écoulements de subsurface, représenté par le ruissellement de Dunne et al.

(1975), lié à la redistribution horizontale de l’eau en subsurface, Les écoulements de nappe, qui se mettent en place dans la zone saturée.

La mise en place de ces processus dépend de la nature des sols, pente et de la topographie de la surface (Grayson & Blöchl, 2000). Il a fallu attendre la technique de séparation isotopique des hydrogrammes pour déterminer la proportion relative de chaque type d’écoulement.

A l’échelle de l’unité hydrologique

Les ruissellements sont généralement mesurés à l’échelle d’un bassin versant, par le flux d’eau dans les rivières. Cette donnée intégrative est alors une variable essentielle qui contient le comportement hydrologique d’une entité hydrologique. Les rivières

66 Chapitre 4. Les processus de redistribution de l’eau continentale

Qs

IGF

Fig. 4.5 – Schéma représentant les flux d’eau souterraine IGF de la nappe d’accompagnement d’une rivière de débit Qs.

sont généralement associées avec un aquifère d’accompagnement (voir figure 4.5). Le temps de réaction est une caractéristique importante d’un bassin versant. Il indique le temps de réponse moyen de génération d’un pic de débit suite à un apport en précipitations. Il est principalement fonction de la superficie et de la longueur et de la pente du bassin versant. Cette information est importante puisqu’elle marque la limite entre le comportement transitoire et quasi-statique du bassin versant.

4.3. Modélisation des flux hydrologiques 67

4.3

Modélisation des flux hydrologiques

Les deux variables de couplage choisies au début de ce chapitre nécessitent la modé- lisation de deux flux difficilement mesurables à l’échelle d’une unité hydrologique : l’évapotranspiration réelle ETR et les échanges souterrains IGF. Il est ainsi néces- saire de mettre en place une modélisation adaptée qui permettra de les évaluer, à partir des mesures disponibles. Brutsaert (2005) distingue plusieurs approches dans la modélisation hydrologique

Physique : la relation entrée/sortie est déterminée à partir de lois de conservation physiques, avec des conditions aux limites adéquates. Un problème subsiste : les caractéristiques et propriétés d’un système naturel ne pourront que diffici- lement être connues suffisamment précisément, les solutions seront donc déter- minées uniquement pour situations idéalisées.

Empirique : chaque processus est représenté à l’aide d’une boîte noire dont le com- portement est purement fonctionnel. C’est une approche opérationnelle qui ne permet pas de comprendre ce qui se passe, et qui ne permet pas de prendre en compte des processus non stationnaires.

Conceptuelle : les processus physiques sont idéalisés en des boîtes grises qui corres- pondent à des processus identifiés et simplifiés de manière pertinente.

Il met également l’accent sur l’importance de la paramétrisation dans la modéli- sation ; la loi de Darcy est la base physique de l’hydrogéologie, mais peut être consi- dérée comme une approche opérationnelle en mécanique des fluides, pour éviter la complexité de l’analyse de l’écoulement dans un réseau de pores irréguliers et mal définis. Chaque paramétrisation n’est donc valable que pour un nombre limité d’échelles spatiales.

Les phénomènes physiques conceptualisés doivent être considérés à une échelle bien déterminée. La modélisation consiste ensuite à décider d’une stratégie pour décrire un phénomène hydrologique. La question pertinente ne se limite pas à la seule question de préférer une approche physique ou conceptuelle, mais elle consiste à déterminer quelles échelles spatiales sont appropriées à l’étude en cours et ainsi, trouver le bon équilibre entre les capacités de description du milieu et les perfor- mances souhaitées. Deux qualités sont essentielles pour qu’une paramétrisation soit considérée comme appropriée : la parcimonie et la robustesse.

Le processus de déformation par surcharge requière la détermination des varia- tions de lame d’eau selon les trois échelles spatiales continentales, régionales et lo- cales. Une modélisation adaptée à chaque échelle spatiale devra ainsi être mise en place.

A l’échelle globale, nous allons recourir à des modèles existants. Aux échelles lo- cale et régionale, par contre, nous avons préféré mettre en place des modèles concep- tuels, simple à prendre en main et surtout adaptables à volonté selon les besoins. Cette approche pragmatique a tout de même une contrainte : il faut trouver une conceptualisation adaptée à l’objet hydrologique étudié, notamment quand il s’agit d’extraire le fonctionnement d’une sous-unité du bassin versant.

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