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L’échec des programmes de soutien aux proches aidants.

2. L’épuisement du « réservoir d’aide familiale ».

2.2. L’échec des programmes de soutien aux proches aidants.

À ce stade de présentation, il est important de mentionner qu’il existe différents programmes de soutien aux proches aidants. De tels programmes sont mis en place au Québec. Cependant, leur présence ne fait pas taire les revendications émanant des divers regroupements d’aidants. En France, grâce notamment aux associations de familles de patients souffrant de la maladie d’Alzheimer, l’aide informelle bénéficie d’une plus grande connaissance dans l’opinion publique et de quelques timides soutiens de la part de l’État. Cela dit, cette question n’est pas encore résolue et la reconnaissance des aidants reste un objectif à construire.

2.2.1. L’art des effets d’annonce.

familles qui souhaitaient jouer un rôle dans le soutien de leurs proches. Ainsi, des changements dans les codes de santé publique ont accordé aux proches aidant un statut spécifique50 qui n’est pas une reconnaissance institutionnelle même si le Ministère de la Santé et des services sociaux déclarait qu’il s’agit d’un « statut reconnu51 ». Cette

reconnaissance est limitée à un accord sur le fait que les proches aidants mériteraient d’être soutenus. Cependant, en aucun cas, il ne s’agit d’une reconnaissance sur la base d’un statut reconnu légalement.

Le proche aidant a besoin d’appui et d’accompagnement pour remplir son rôle. Une gamme de services et des mesures visant à appuyer les proches aidants doivent être graduellement mis en place dans chaque région pour répondre à leurs besoins propres52.

Malgré cet appel au développement de prestations, il est notable que les aidants manquent cruellement de services spécifiques notamment de ceux qui pourraient leur permettre de prendre un court répit. Ainsi, ce même document reconnaît que l’aide informelle doit provenir d’un choix susceptible d’être révoqué à tout moment selon l’évolution des circonstances de la personne aidante ou de l’aidé. Il n’empêche que ce choix ne saurait occulter les obligations familiales entre conjoints et parents et enfants telles qu’elles sont prévues dans le Code civil. Toutefois, à supposer qu’un choix authentique soit possible, on doit accepter qu’il reste difficile à assumer sur le long terme dans la mesure où de nombreux services manquent à l’appel.

Néanmoins, parmi les dispositifs existants, on peut mentionner que le Canada a adopté des mesures fiscales qui sont incitatives afin de maintenir les personnes en incapacité dans leur milieu de vie et à soutenir leurs proches aidants. Le Gouvernement fédéral du Canada accorde sous la forme de crédits d’impôt, une compensation indirecte aux citoyens qui déclarent épauler un proche dépendant. L’assistance financière vise à

50 MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DU QUÉBEC (2003), Chez soi : Le

premier choix, Politique de soutien à domicile, Québec.

51 Op.cit., p. 6. 52 Op.cit., p. 6.

supporter l’organisation des soins informels dans le but de retarder l’institutionnalisation des patients dont l’état de santé peut être géré à domicile. Cette assistance pécuniaire est voulue afin d’encourager les familles à dispenser les soins par eux-mêmes et surtout à en assumer les coûts. Cependant, on peut noter que malgré ces objectifs, les crédits d’impôt ne se révèlent pas intéressants pour les aidants. En effet, de nombreux aidants ne contribuent pas fiscalement puisqu’ils sont sans revenus ou à très faibles revenus. L’inutilité de ce type de mesures rappelle celles que la France a adoptées. Citons par exemple, le « congé de soutien familial » qui existent depuis 2007, mais qui demeure sans effet. Dans la mesure où cette permission n’est pas rémunérée, elle s’apparente à un congé sans solde. Ceci ne résout pas la question de l’affaiblissement des revenus et, de ce fait, il n’est guère intéressant pour les aidants qui souhaitent s’absenter durablement sans quitter leur place dans l’emploi. D’autre part, ce congé est destiné à ne toucher qu’une faible proportion des travailleurs de la dépendance puisque nombre d’entre eux ne sont pas dans la vie active. On voit donc que la question de l’aide aux aidants suscite en France comme au Québec les mêmes effets d’annonce.

Une amélioration de la situation des aidants reste à faire. Cependant, puisqu’il est fait comme si la famille devait toujours prendre en charge les personnes âgées vieillissantes ou un proche en situation de handicap, on peut supposer que cela viendra seulement de mesures volontaristes. En ce sens, il faut revoir la politique de la vieillesse « à savoir [avoir] une réflexion sociale et politique qui prenne en compte le phénomène de vieillissement et de la vieillesse en France53 ».

Une réflexion sur l’avenir de la prise en charge des personnes en incapacité est nécessaire. Cependant, je considère qu’elle doit s’accompagner d’une triple prise de conscience. Premièrement, bien qu’il existe des obligations familiales prévues dans les

Codes civils français et québécois, l’aide informelle doit demeurer un choix qui peut être

révoqué à tout moment dès lors que cela ne nuit pas à l’aidé. Deuxièmement, puisque les femmes sont généralement les aidantes des personnes en incapacité, il faut penser à l’impact de cette tâche sur leurs opportunités sociales et ainsi lutter contre les formes d’oppression liée aux différences statutaires entre les genres. Cet objectif peut être atteint grâce aux mesures de conciliation travail-famille ou des mesures de soutien financier. Troisièmement, l’aide informelle doit être accompagnée. Pour cela, il convient de penser un

continuum de services entre les soins formels et le soutien informel de sorte que les aidants

ne puissent pas devenir eux aussi des sujets à risque pour leur propre santé. Ainsi, l’aide informelle renvoie-t-elle à plusieurs enjeux qui s’inscrivent à la fois dans une perspective d’éthique féministe, de philosophie économique et sociale et d’éthique de la santé publique. Également, malgré l’existence de quelques mesures de soutien aux aidants, ces enjeux méritent d’être interrogés dans une perspective d’éthique publique. Je considère, en effet, que c’est en repensant les politiques publiques destinées à la prise en charge des personnes en incapacité que les apories de l’aide informelle trouveront une résolution. Avant d’aller plus loin dans la réflexion à partir de ces trois éléments, il faut d’abord que l’état reconnaisse que les aidants constituent un « groupe vulnérable » ce qui est loin d’être facile en raison des multiples acceptions de l’adjectif.