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L’ère des chartes et des conventions : du monument au paysage culturel

Concepts et définitions de la thématique de la recherche : la mise en valeur patrimoniale et le développement

Le 16 Juin 1972, une conférence des Nations Unis sur l’environnement humain à Stockholm exposa pour la première fois la question de l’écodéveloppement : un nouveau

1.2.1. Rétrospective sur la notion de mise en valeur en patrimoine architectural

1.2.1.5. L’ère des chartes et des conventions : du monument au paysage culturel

La notion de mise en valeur étant étroitement liée à celle du patrimoine a toujours évolué à travers l’histoire en parallèle à l’évolution de la notion du patrimoine. Au cours de ces trente dernières années, le concept de patrimoine culturel s’est constamment élargi. Autrefois réservé uniquement à l’objet architectural ponctuel le monument, le champ d’action s’est rapidement étendu pour atteindre les ensembles urbains et ruraux. Par ailleurs l’intérêt qu’ont suscité les jardins historiques a poussé la notion du patrimoine à s’élargir vers d’autres concepts tel que les paysages culturels, mettant ainsi en évidence l’étroite relation qui relie aujourd’hui la culture à la nature.

Le XXe siècle va connaitre un bond sans précédent dans l’histoire du patrimoine, grâce à des organisations internationales telles que l’UNESCO ou ICOMOS, les notions seront définies et unifiées selon un langage universel commun.

La première guerre mondiale et ses conséquences sur le patrimoine bâti, a alerté la conscience publique sur les risques qui courent sur le patrimoine et son importance pour l’identité et l’unité territoriale des nations. Dans un conflit militaire, le patrimoine bâti est toujours le premier à être ciblé ; les dégâts sont tels que la communauté scientifique internationale décide de se réunir pour la première fois afin de débattre scientifiquement sur

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25 le devenir du patrimoine bâti. Ainsi du 21 au 30 octobre 1931 c’est déroulé à Athènes le premier congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques.

Pour la première fois, une charte vient unifier la pensée patrimoniale et mettre en place une norme internationale en matière de restauration et de mise en valeur du patrimoine bâti. La charte va mettre fin au conflit intellectuel qui sépare depuis plus d’un demi siècle les adeptes de Viollet-le-Duc, de Ruskin et de Boito. Elle réaffirme certaines doctrines déjà acceptées par tous, comme « le respect de l’œuvre historique et artistique du passé, sans la proscription le style d’aucune époque »36

Selon la conférence, la condition sine qua non dans la mise en valeur du patrimoine est le maintien de l’occupation des monuments. Il faut assurer la continuité de leur vie en les consacrant toutefois à des nouvelles affectations qui soient en respect avec les caractères historiques ou artistiques des lieux. A cette époque on ne parle pas encore de réaffectation ni de réhabilitation mais l’idée est déjà là.

; mais aussi, elle apporte des nouveautés dans le domaine de la restauration tel que « L’emploi judicieux de toutes les ressources de la technique moderne et que ces moyens de confortement doivent être, dans un souci de mise en valeur, dissimulés sauf impossibilité afin de ne pas altérer l’aspect et le caractère de l’édifice ». Dans la conférence on parle aussi de l’anastylose, comme technique de mise en valeur pour les sites qui sont totalement ou partiellement en ruine, qui doit être opérée à condition que les matériaux nouveaux nécessaires à cet effet seront toujours reconnaissables.

Les conclusions soulignent l’importance de la collaboration de toutes les disciplines dans la recherche des méthodes de conservation et de mise en valeur du patrimoine mais malgré la richesse des propos apportés par la conférence, le discours reste accentué exclusivement sur les grandes œuvres monumentales, la notion du patrimoine est encore fortement rattachée au monument. Il faut attendre 1964 et la charte de Venise pour que la définition du patrimoine soit revue en question et élargie au-delà du monument isolé.

Au mois de mai 1964, 611 participants venus de 42 pays se sont réunis à Venise à l’occasion du deuxième congrès des Architectes et Techniciens des monuments historiques dans un but de réexaminer certains principes de la Charte d’Athènes afin de les approfondir et d’en élargir la portée dans un nouveau document. À l’aube de l’industrie du patrimoine, la

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«La Charte d'Athène pour la Restauration des Monuments Historiques.» Premier congrès international des architectes et techniciens des monuments historiques. Athène, 1931, p. 01.

26 Charte de Venise veut anticiper sur une tendance placée sous le signe de la rentabilité qui se généralise un peu partout dans le monde, elle vient stigmatiser des pratiques déjà condamnées au XIXe siècle. Elle définit une philosophie commune en matière du patrimoine et invente de nouvelles modalités de mise en valeur.

La notion de patrimoine réservée uniquement au monument historique va se libérer pour s’étendre aux ensembles urbains modestes et à l’architecture banale, la charte stipule que « la notion de monument historique comprend la création architecturale isolée aussi bien que le site urbain ou rural qui porte témoignage d’une civilisation particulière, d’une évolution significative ou d’un événement historique »37

Parallèlement à cela, la reconnaissance des ensembles urbains ou ruraux entant que patrimoine à sauvegarder, a ouvert la voie à de nouvelles formes de protection jamais soupçonné au par-avant. La sauvegarde des quartiers historique va se retrouver face à une réalité sociale. Contrairement au monument isolé, les sites et les ensembles urbains sont souvent habités par leurs populations d’origine, des populations ancestrales avec leurs traditions et coutumes et qui ne demande que d’être protégées au même titre que leur quartier ou village.

. Ainsi la conservation du cadre traditionnel va s’imposer au même titre de celle du monument ; mais il faudra attendre 1987, pour qu’une charte soit signé pour la protection des quartiers et villes historiques : c’est la charte internationale pour la sauvegarde des villes historiques dite charte de Washington.

En 1989 et pour la première fois la communauté internationale, à travers l’adoption par l’UNESCO de la recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire, va reconnaitre la nécessité d’inclure les aspects immatériels dans la compréhension du patrimoine matériel, elle déclare que «la culture traditionnelle et populaire fait partie du patrimoine universel de l'humanité »38

L’héritage immatériel devient ainsi partie intégrante du patrimoine matériel. Désormais la requalification du patrimoine bâti doit absolument passer par la mise en valeur de patrimoine immatériel, lorsque que ce dernier subsiste encore.

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«La Charte de Venise sur la Conservation et la Restauration des Monuments et des Sites .» IIe Congrès international des architectes et des techniciens des munuments historisues. Venise, 1964, article 1.

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UNESCO. «Recommandation sur la sauvegarde de la culture traditionnelle et populaire.» Conférence générale de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture. Paris, 1989.

27 Tout au long du siècle dernier, la notion du patrimoine n’a pas cessé d’évoluer et de s’élargir allant du monument et des ensembles urbains pour atteindre l’environnement et la nature. En 1972 la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel devient le premier instrument international à protéger ensemble le patrimoine culturel et naturel. Mais il faut attendre 1992 lors de la révision de la Convention pour que la notion de paysage 39

Ainsi s’est invitée la nature dans les processus de la valorisation du patrimoine culturel. Désormais la mise en valeur patrimoniale doit illustrer l’influence de l’environnement naturel sur les établissements et les évolutions des sociétés humaines, elle doit mettre l’accent en particulier sur l’interactivité entre l’homme et son environnement naturel. « Un monument ne se trouve pas là par hasard ; il existe comme une expression du territoire dans lequel il s’inscrit. L’utilisation contemporaine doit prendre en compte, non pas uniquement le monument, mais également tout ce territoire »

soit ajoutée au patrimoine culturel. Les paysages culturels deviennent alors, selon l’article 1 de la Convention, les « œuvres conjuguées de l’homme et de la nature ».

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Les cultures en terrasses, les jardins, les canaux et les lieux sacrés témoignent du génie créateur de l'être humain, de l'évolution sociale, du dynamisme spirituel et imaginaire de l'humanité. Ils font partie de notre identité et de notre patrimoine.