• Aucun résultat trouvé

Sur cette Légion, voir R.Gerwarth, Les Vaincus Violences et guerres civiles sur les décombres des

Dans le document Ordre ou désordre (Page 66-69)

d’Ukrainiens, qui demandent leur rattachement à la Tchécoslovaquie, comme « état autonome ». Enfin, les frontières sont indéfendables, d’où l’ardent soutien apporté à la SDN par le nouvel État.

La Roumanie avait été une alliée malheureuse pendant la guerre, elle est bien pourvue à la paix, ajoutant à la Moldavie et à la Valachie la Transylvanie, le Banat, la Bessarabie et la Dobroudja du Sud. Une « Grande Roumanie » est donc née.

La « Yougoslavie » est, comme la Tchécoslovaquie, une création de 1919. L’idée d’une union des Slaves du Sud était née au XIXe siècle, conjuguant deux mouvements, celui des Slovènes et des Croates, construisant au sein de l’empire austro-hongrois le projet de s’unir dans un État des Slaves du Sud, et celui des Serbes en lutte pour leur indépendance contre l’empire ottoman. Mais c’est la Serbie qui avait été l’occasion de la guerre de 1914. Aussi cette satisfaction donnée aux nationalités méridionales de l’ancien empire d’Autriche-Hongrie s’appelle-t-elle « Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes », avec certes la Serbie, la Croatie et la Slovénie — une bonne partie du territoire de l'Autriche-Hongrie en somme — mais aussi le Monténégro et une partie de la Macédoine bulgare.

Le Monténégro était devenu indépendant de la Turquie en 1874, sous la forme d’une Principauté, transformée en Royaume en 1910.

La Serbie c’était 4 millions d’habitants en 1914 ; le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes contient 14 millions d’habitants en 1920 ! Le nom de Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes est conservé jusqu’en 1929 où il est remplacé par « Yougoslavie » (c’est-à-dire pays des Slaves du Sud). Notons que ce qui restait de la marine austro-hongroise passa en bloc à ce jeune état « successeur » riverain de l’Adriatique.

Le problème des minorités, dites « nationales » mais aussi « religieuses », avait été souligné assez tôt à la Conférence de la Paix. La carte nouvelle attribua à de nombreux nouveaux pays des minorités nationales considérables. De toutes façons, il aurait été difficile d’établir des frontières respectant les nationalités, ce que montrait déjà la carte d'avant 1914. Mais, de plus, les pays vainqueurs ou amis furent favorisés aux dépens des vaincus, et, en dépit de la garantie de « traités de minorités », les populations allogènes furent en général victimes de la politique centralisatrice des gouvernements. En Tchécoslovaquie, sur 14,5 millions d’habitants, on put compter 3,2 millions d'Allemands des Sudètes, 700 000 Hongrois, 550 000 Ruthènes et 25 000 Polonais. En Roumanie, sur 16 482 000 millions d’habitants, cohabitaient 1 308 000 Hongrois, 780 000 Juifs, 723 000 Allemands, 448 000 Ukrainiens, 358 000 Bulgares,

308 000 Russes et 57 000 Serbes. La Yougoslavie comptait, sur 14 millions d’habitants, 467 000 Hongrois, 505 000 Allemands, 439 000 Albanais, 231 000 Roumains et 150 000 Turcs.

L'Europe du Sud-Est

La Bulgarie, pays vaincu sur lequel pesait le souvenir des guerres balkaniques d’avant la Première Guerre mondiale, céda une partie de la Macédoine à la Serbie, la Dobroudja du Sud à la Roumanie et la Thrace orientale à la Grèce. Elle perdit le port de Dédé-Agatch (Alexandropoulis) et tout débouché sur la mer Égée. Par suite de ses prétentions d'avant 1914, l'Italie songea à un démembrement de l'Albanie mais par crainte de voir la Yougoslavie en profiter, elle accepta en 1920 que l'Albanie garde ses frontières d'avant-guerre et entre à SDN. La Grèce, concernée par les traités de Neuilly et de Sèvres, gagna la Thrace orientale et une côte d'Asie mineure. Mais elle se heurta au relèvement de la Turquie.

Comme l’Autriche-Hongrie, l'Empire ottoman (voir plus loin pour le Moyen-Orient) fut démembré au Proche-Orient par création des mandats (voir plus loin pour les détails concernant Syrie et Liban, Irak et Palestine) : Grande-Bretagne et France redessinèrent à leur guise les limites et exploitèrent le pétrole. Dans l’ensemble, le sort de la Turquie, qui s’était au fond battue beaucoup plus longtemps (jusqu’à l’armistice de Moudros, le 30 octobre 1918) que les alliés ne l’avaient supposé, résulte de projets de partage très sévères, élaborés dès 1914 entre France, Russie et Grande- Bretagne, complété avec l’Italie en 1915. Souvent, le partage, par annexions et zones d'administration directe, était prévu intégral ! Au traité de Sèvres (10 août 1920) la Turquie ne garde en Europe que Constantinople et les détroits, neutralisés et entourés d’une zone internationale. La Thrace est cédée à la Grèce ; l’armée est drastiquement limitée (à 15 000 hommes !) ; les finances sont remises à des experts étrangers. C’est le démembrement et l’occupation partielle de l'Empire ottoman. La Turquie du sultan Mehmed VI devient un protectorat de fait, de la Grande-Bretagne pour l’essentiel. La dureté du traité provoque un sursaut nationaliste en juin 1919, dirigé par Mustapha Kemal (1881-1938), lui-même en partie d’origine albanaise d’ailleurs, qui, envoyé en Anatolie, prend la tête d’un mouvement nationaliste opposé aux exigences des alliés et se pose en rival du sultan Mehmed VI. Kemal dénonce le traité de Sèvres, réunit des troupes et entreprend la conquête de l'Asie mineure, partiellement occupée par Grecs. Les Grecs sont vainqueurs en 1920, mais vaincus en 1921 (bataille de la Sakarya, 14 août - 13 septembre 1921). Les Turcs de Kemal procèdent à l’évacuation brutale des Grecs d'Asie mineure et ils marchent sur Constantinople. La France et l’Italie ne soutiennent pas la Grande-Bretagne, qui, seule, ne peut continuer à soutenir le sultan,

qui s'enfuit. En novembre 1922, Kemal dépose le sultan et fait son entrée à Constantinople.

Un nouveau traité, celui de Lausanne, signé le 24 juillet 1923, remplace celui de Sèvres : les Turcs gardent toute l’Asie mineure et, en Europe, l’essentiel de la Thrace orientale avec Andrinople (le gain est de 23 000 km2 en Europe). Ils reconnaissent la cession à la Grande-Bretagne (1878) de Chypre, qui devient colonie de la Couronne en 1925. La convention gréco-turque du 30 janvier 1923 sur l’échange obligatoire des minorités entre Grèce (430 000 musulmans) et Turquie (1,5 million de Grecs, déjà chassés en en majorité) est intégrée au traité, qui définit des garanties applicables aux minorités, dont le sort continuera d’alimenter, de façon récurrente, le différend gréco-turc jusqu’au début du XXIe siècle.

La minorité grecque de Turquie (seulement 300 000 personnes) ne recevra jamais le statut d’autonomie prévu par le traité. Persécutée à diverses reprises, elle ne comptera plus que 3 000 personnes à la fin du XXe siècle. Mais la minorité musulmane de Grèce (100 000 personnes à la fin du XXe siècle) restera socialement défavorisée malgré des mesures officielles de discrimination positive. 1

Le traité de Lausanne sonne la fin des espoirs des Arméniens et des Kurdes, auxquels le traité de Sèvres promettait l’autonomie, d'autant plus que la présence avérée du pétrole d'Irak (ou Iraq) et la volonté des Britanniques d’effacer leur grave échec militaire de 1916 (2) jouent contre ces derniers ! De langue indo- européenne apparentée au persan, les Kurdes sont à plus de 90 % des musulmans, en majorité sunnites ; révoltés contre l’empire turc en 1917, les Kurdes ont aidé les Anglais à occuper la haute Mésopotamie. Leurs délégués à la Conférence de la Paix n’obtiennent que l’autonomie au traité de Sèvres, ruiné par la contre-offensive de Mustapha Kemal. Certes Kemal promet dès 1920 une très large autonomie aux Kurdes, mais le centralisme républicain turc interdira bien vite toute manifestation de particularisme et les révoltes de 1925, 1930 et 1937 seront durement réprimées. Le mot même de « kurde » devient interdit, il faut dire « turc montagnard » ! Un ethnocide…

Quelques mois après le traité de Lausanne, le 29 octobre 1923, la République turque est proclamée, Kemal étant élu président de la République.

Dans le document Ordre ou désordre (Page 66-69)