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Cité dans A Prost, Les Anciens Combattants et la société française (1914-1939), op cit.

Dans le document Ordre ou désordre (Page 87-94)

terrestres ont fait leur temps, etc.) et une phobie. On le voit bien dans les écrits de l’officier artilleur italien Giulio Douhet (1869-1930, La Maîtrise de l’Air, 1921), du général américain William (Billy) Mitchell (1879-1936), de l’anglais Basil Liddell Hart (1895-1970, Paris or the future of war, 1925, ouvrage dans lequel il imagine le bombardement de Londres par une force aérienne française de 990 avions ! 1

Insistons sur les exemples anglo-saxons. Au Royaume-Uni il y a un pacifisme d’inspiration socialiste, mais aussi une League for Nations Union très favorable à la SDN et la croyant capable de résoudre tous les différends. Aux États- Unis, les organisations des années 20 sont à la fois pacifistes et conservatrices : Dotation Carnegie pour la Paix internationale (1910, voir plus loin), World Peace Foundation (1910), League of Nations Association et Woodrow Wilson Foundation (1923).

L'antimilitarisme vise les officiers coupables d'avoir incarné l'autorité arbitraire et les règlements aveugles. Le montrent bien des chansons de soldats du rang comme La Chanson de Craonne, chanson d'auteur anonyme recueillie par Raymond Lefèvre et Paul Vaillant-Couturier. Elle se chante sur l'air de Bonsoir M'amour (musique de Charles Sablon). Elle a circulé — d’où le grand nombre de variantes, on se dispensera des odieuses variantes « arrangées » en « bon français » et de toute façon peu compatibles avec la diction « Belle Époque » qui a manifestement inspiré l’auteur, ou les auteurs — en 1917, après l'offensive Nivelle, et est symptomatique de la lassitude de la guerre, qui a engendré de nombreuses mutineries. En avril 1917, le plateau de Craonne est un des secteurs les plus disputés à l'est du Chemin des Dames. Sa prise est vitale pour l'armée française : en cas de victoire, les Allemands seraient pris à revers et les artilleurs bénéficieraient du meilleur observatoire du champ de bataille. Mais, en fait, si l'artillerie de Nivelle détruit celle de l'ennemi, elle entame à peine les défenses. Au moment de l'assaut, les vagues fournies de poilus doivent franchir à découvert un marais sans fin, puis escalader une pente abrupte. Les nids de mitrailleuses allemands les massacrent sous un feu croisé. L'offensive Nivelle s'était terminée par un massacre au Chemin de Dames, avec 147 000 tués et 100 000 blessés en deux semaines... Le moral était au plus bas, et certains régiments refusèrent de monter en ligne. Et le phénomène fit tache d’huile. Des mutineries furent constatées dans près de soixante divisions, sur les cent que comptaient l'armée française. Pétain fut appelé pour rétablir la situation, et il réprima sévèrement les refus d'obéissance. Il y eut plus de 500 condamnations à mort, mais beaucoup moins furent exécutées... La Chanson de Craonne, composée lors de ce désastre, obtint un tel succès au front

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Liddell Hart fera campagne pour la création de divisions blindées en Grande-Bretagne et se fera l’historien des guerres mondiales.

qu'elle fut interdite par le haut commandement ; elle le restera jusque dans les années 1970 !

Le contenu social et politique de la chanson de Craonne, malgré ses tournures naïves et ses réminiscences populaires (Chant des canuts, par exemple), donne une idée très précise du ressentiment des poilus à la suite de l’offensive Nivelle et au moment des mutineries. Les injustices y sont dénoncées, ainsi que les véritables vainqueurs de cette guerre dont les poilus sont les « sacrifiés ». Le dernier couplet s'en prend au pouvoir de l'argent. Aujourd'hui, le village de Craonne est reconstruit à quelques centaines de mètres de son site original. Fréquemment des ossements ou des objets personnels remontent à la surface du grand charnier, rappel constant à la mémoire. « Tous unis comme au front », peut-on lire sur le monument aux morts du village martyr.

Quand au bout d’huit jours, le r’pos terminé, On va r’prendre les tranchées,

Notre place est si utile

Que sans nous on prend la pile.

Mais c'est bien fini, on en a assez, [var. : Mais c'est fini, on en a assez] Personn’ ne veut plus marcher.

Et le cœur bien gros, comm' dans un sanglot,

On dit adieu aux civ’lots [Les civils qu'on quitte après les huit jours passés au repos] Mais sans tambour et sans trompette [variante peu logique mais fréquente : Même sans tambour(s), même sans trompette(s)]

On s'en va là-bas en baissant la tête. [var. : là-haut] Refrain

Adieu la vie, adieu l'amour, Adieu toutes les femmes.

C'est bien fini, c'est pour toujours De cette guerre infâme.

C'est à Craonne sur le plateau Qu'on doit laisser sa peau

Car nous sommes tous des condamnés [var. sans « des »]

Nous sommes les sacrifiés. [var. très Chant des canuts : C'est nous les sacrifiés] Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance,

Pourtant on a l'espérance Que ce soir viendra la r’lève Que nous attendons sans trêve.

Soudain dans la nuit et le silence, [var. « dans le silence »] On voit quelqu'un qui s'avance.

C'est un officier de chasseurs à pied

Qui vient pour nous remplacer. [var. sans ce vers, ce qui est doublement illogique] Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe

Nos pauv' remplaçants vont chercher leurs tombes. [var. : Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes. ]

Refrain

C’est malheureux d’voir sur les grands boul’vards Tous ces gros qui font la foire,

Si pour eux la vie est rose,

Pour nous c’est pas la mêm’ chose.

Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués [Hommes qui se débrouillent pour ne pas aller au front en se faisant nommer à l'arrière]

F’raient mieux d’monter aux tranchées [var. peu crédible : Devraient bien monter aux tranchées]

Pour défendre leur bien, car nous on n'a rien. [var. : Pour défendr’ leurs biens, car nous n’avons rien]

Nous autr’s, les pauvr’s purotins [Les pauvres, ceux qui n'ont rien].

Et les camarades sont étendus là, [var. : Tous les camarades sont enterrés là] Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.

Refrain

[dans certaines variantes, le dernier couplet, qui n’a que 8 vers, est dit « dernier refrain] [dans d’autres variantes, un ou deux vers sont bissés,

par exemple Vont tous se mettr’ en grève] Ceux qu’ont l’pognon, ceux-là r’viendront, Car c'est pour eux qu'on crève

Mais c'est fini, nous les troufions [Les simples soldats. Var. : Mais c’est fini, car les trouffions]

On va se mettr'en grève.

Ce s’ra votre tour, messieurs les gros,

De monter sur l'plateau [De Craonne, bien visible sur le terrain] Car si vous voulez la guerre [var. : Si vous voulez encore la guerre] Payez-la d'votre peau.

Sources et bibliographie :

Henri Poulaille, Pain de soldat, CD « L’histoire de France » de l’Anthologie de la chanson française, Pierre Chavot et Jean-Denis Morenne, L'ABCdaire de la Première Guerre mondiale, Flammarion, 2001

Interprétations de Marc Ogeret, Éric Amado, Ginette Garcin, Mouloudji, Rosalie Dubois, etc. ; exposition « Cent ans de chanson française » de la Bibliothèque nationale de France, site Tolbiac (2004)

Les rescapés des tranchées n'ont pas oublié les massacres inutiles, ni les ordres suicidaires pour conquérir quelques mètres de terrain. Au lendemain de

l'armistice, l'antimilitarisme se manifeste par le désir de démobilisation rapide et de retour dans les foyers. Parfois même cette hostilité à l'armée est teintée d'internationalisme bolchevique. Les idées pacifistes, défaillantes en 1914, sont revenues en force avec la prolongation du conflit. Des socialistes des deux camps et des neutres se sont retrouvés en Suisse en pleine guerre, à Zimmerwald en 1915, à Kienthal en 1916 (voir plus haut). À ces idées, Romain Rolland (1866-1944) donne un relief saisissant, dès 1914, en publiant ses réflexions, Au-dessus de la mêlée ; il obtient en 1916 le prix Nobel. Un enseignant philosophe comme Alain (Émile-Auguste Chartier, 1868-1951) ou un démocrate-chrétien comme Marc Sangnier (1873-1950) se font les propagandistes convaincus de ce courant dans les années 1920.

Bilan de la « Grande Guerre »

« 14-18 », bien que surpassée en durée et en destructions par la guerre de 1939-1945 garde à jamais l'appellation de « Grande Guerre », inventée en 1920 par le colonel Charles Repington (1858-1925). Ce n'est pas sans raisons. Elle est Grande Guerre par sa durée, d'abord. Le monde n'avait rien connu de semblable depuis les guerres napoléoniennes. Le XIXe siècle n'avait été marqué que par de brèves campagnes : Crimée 1854-1856, Italie 1859, France 1870-1871, Extrême-Orient 1904- 1905, Balkans 1912-1913. Seuls quelques conflits avaient duré davantage : ainsi la guerre de Sécession aux États-Unis (1861-1865), l'expédition française du Mexique (1862-1867) ou la guerre anglo-boer (1899-1902). Mais il s'agissait de cas localisés, dont l'intensité ne préfigurait en rien la violence des 52 mois d'août 1914 à novembre 1918.

Elle est Grande Guerre par son extension à la planète entière. Les belligérants ont développé le « style indirect », qui « vise à mettre l'adversaire en état d'infériorité par des actions préliminaires qui le disloquent moralement et matériellement » (général Fernand Gambiez, 1903-1989). La première méthode a été l'éclatement : les Puissances centrales ont cherché à soulever les allogènes de Russie contre l'État tsariste, à susciter la guerre sainte dans les possessions françaises, anglaises ou italiennes d'outre-mer. De leur côté, les Alliés voulurent faire éclater l'empire austro-hongrois en y soutenant le mouvement national des Tchèques et des Slaves du Sud. La deuxième méthode a été l'étouffement, par le blocus et la guerre sous-marine, et l’utilisation des mers et océans montre bien le caractère planétaire de la guerre. Enfin, une troisième a été la démoralisation de l'adversaire, par les fausses nouvelles et le contrôle international des informations, le rôle des Américains étant primordial dans le dernier cas. 1914-18 n'a pas de précédent dans l'histoire : c'est bien la première guerre mondiale. 1792-1815 n'avait ensanglanté que l'Europe. Ici, 27

puissances, plus quatre dominions britanniques (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande et Union sud-africaine), se sont coalisés contre l'Allemagne et ses trois alliés. Tous les continents ont envoyé des hommes se battre sur le sol européen : Australiens, Néo- Zélandais, Indiens, Africains... La France seule a recruté quelque 560 000 soldats indigènes, dont 100 000 sont morts.

La Première Guerre mondiale est « Grande Guerre » par les nouvelles techniques mises en œuvre. Les armées de 1918 sont des armées déjà modernes, avec la puissance énorme de l'artillerie, la débauche de munitions, l'importance du camouflage, les uniformes gris-vert (feldgrau) pour les Allemands, bleu horizon pour les Français, kaki pour les Britanniques, vert olive pour les Américains. La logistique devient un élément essentiel : chantiers navals, matériel ferroviaire, livraisons de carburant sont « le nerf de la guerre ». On cite l'appel angoissé de Clemenceau à Wilson au début 1918 : « Si les Alliés ne veulent pas perdre la guerre, il faut que la France combattante, à l'heure du suprême assaut germanique, possède l'essence, aussi nécessaire que le sang dans les batailles de demain ».

Elle est Grande Guerre par les « progrès » opérés dans l' « art de la guerre ». Saisissants sont les contrastes entre les campagnes. Les campagnes de 1914 sont les dernières du XIXe siècle. Elles montrent encore l'importance des charges de cavalerie et d'infanterie, par exemple, mais déjà l'utilisation très rapide des réserves, du côté allemand tout au moins. Les années 1915-1917 voient l'élaboration de stratégies d'usure, le début de l'ère mécanique (canons, camions, avions, chars, etc.). L’année 1918 voit des opérations toutes différentes, appuyées sur un matériel qui annonce 1940. Les premières unités de chars, anticipés par H.G.Wells en 1903, furent appelées en France « artillerie d'assaut », utilisée pour la première fois lors de l'offensive Nivelle, à Berry- au-Bac, dans l’Aisne. Les Alliés disposent de 1 600 chars en juillet 1918, de 3 000 en novembre. Ce sont désormais surtout de petits tanks légers, les chars Renault FT-17 en France, qui font triompher les idées du colonel Jean Estienne (1860-1936). Les Allemands, qui n'ont pas cru en cette arme nouvelle, y trouveront matière à réflexion pour l'avenir. De même en ce qui concerne l'aviation (aucune arme n'a connu de bouleversements aussi rapides, dans la chasse, la reconnaissance, le bombardement...), quasi inexistante en 1914 : l'aviation française a joué un grand rôle dans les batailles de Verdun et de la Somme, près de 200 000 appareils sont fabriqués, au total, pendant la guerre, dont 51 000 en France et 48 000 en Allemagne. Au 11 novembre 1918, la France dispose de près de 4 000 avions en ligne, bien plus qu'en 1940 ! En 1918, les appareils sont mus par des moteurs de 300 CV, font du 220 km/h, le plafond atteint est passé à 6 500 mètres, ils sont armés de trois ou quatre mitrailleuses tirant à travers l'hélice ; les Anglais (3 700 avions) se préparaient, fin 1918, à bombarder Berlin grâce à

un appareil mû par quatre moteurs de 375 CV. L'instruction du général Fayolle du 10 juin 1918 préfigure ce qui sera la tactique allemande en 1939-1940 : « La contre- attaque sera accompagnée de très près par l'aviation de combat et de bombardement (attaque à faible altitude des troupes adverses, à la bombe et à la mitrailleuse). La division aérienne devra également assurer la maîtrise absolue de l'air dans la région de la contre-attaque ». Le champ de bataille ne se limite plus au lieu où se trouvent à terre les combattants... « Désormais il n'y aura plus de distinction entre les soldats et les civils », prophétise le général italien Douhet (voir plus haut) en 1921. C'est bien l'anticipation de la guerre moderne, avec l'emploi coordonné des moyens.

La recherche scientifique et technique a été favorisée dans un but militaire. Lance-flammes (1916), mortiers ou crapouillots, gaz, utilisés par les Allemands dès 1915 obligent l'industrie chimique alliée à rattraper son retard : les sociétés Kuhlmann, Gillet et Saint-Gobain connaissent en France une forte expansion. Les chars d'assaut, ce sont les tanks anglais, les Saint-Chamond ou Schneider français de 1916- 17, lourds et vulnérables, mais surtout les chars légers Renault de 1918, arme de la victoire (voir plus haut). Ils appuient l'infanterie et lui ouvrent le chemin. Les Allemands, qui n'ont pas cru aux chars, répareront cette erreur en 1940 : leur technicien Heinz Guderian (1888-1954) préconise dès 1929 des divisions de chars frappant en « coups de poing » et permettant le retour à la guerre de mouvement. On assiste au développement de l'aluminium, grâce à l'hydroélectricité (production multipliée par 2,5 en France), à l’essor des aciers spéciaux, du caoutchouc, de l'optique... L’essor de l'automobile est montré dès les taxis de la Marne en 1914, les camions de la Voie Sacrée à Verdun jouent un rôle essentiel. En Allemagne, Fritz Haber (1868-1934) a réalisé dès 1913 la synthèse de l'ammoniac ; des succédanés (ersatz) tendent à suppléer les produits manquants (exemple : la saccharine pour le sucre).

La Grande Guerre a eu, enfin, un aspect de guerre totale. Aspect nouveau, encore incomplet à vrai dire en 1914-1918, où il s'est agi, avant tout, de mobiliser le maximum de ressources (économiques, financières, intellectuelles) au service de la décision militaire. 1939-1945 ira jusqu'au terme de cette logique, avec le travail forcé, le rationnement autoritaire, une économie totalement dirigée par un État militarisé. Depuis, une autre conception s'est fait jour : les opérations proprement dites ne sont finalement qu'un aspect de la lutte, comme la propagande, la diplomatie, l'économie... et ces aspects-ci peuvent aussi bien forcer la décision (le meilleur exemple en étant le Viêt-nam). La guerre de 14-18 marque le tournant ; déjà les Allemands avaient compris le rôle de la guerre idéologique en rapatriant Lénine en Russie. Et la crise du moral de 1917, comme les grèves de 1917-1918 exigeant la définition des buts de guerre, ont posé la question : la guerre militaire seule est-elle capable d'atteindre les objectifs

politiques assignés ? Ainsi commençait-on à redécouvrir l'enseignement de Carl von Clausewitz (1780-1831), pour qui la guerre n'est que la continuation de la politique par d'autres moyens. La guerre totale, cela avait aussi été la mobilisation financière, industrielle, celle de la main-d’œuvre, une guerre des peuples. Ceux-ci connurent, pour l’essentiel, la paix dans la décennie suivante.

La première guerre mondiale a atteint profondément les pays belligérants, particulièrement les États européens, provoquant de très lourdes pertes humaines, matérielles et financières qui vont peser gravement sur eux de longues années durant. L'Europe sort de la guerre matériellement sinistrée. Ses pertes en vies humaines, la destruction d'une partie de son infrastructure économique, le déséquilibre de ses finances et de son commerce extérieur, ont accentué dans des proportions considérables un déclin déjà amorcé à l'aube du siècle. Ce « déclin de l'Europe », les habitants du vieux continent en prennent conscience : c'est le titre d'un livre du géographe Albert Demangeon paru en 1920, tandis que le philosophe allemand conservateur Oswald Spengler (1880-1936) avait intitulé le plus célèbre de ses ouvrages Le Déclin de l'Occident (paru entre juillet 1918 et 1922), dont le « pessimisme aristocratique » influença toute une génération, à droite essentiellement. L'impression générale au sortir de la première guerre mondiale était que le vieux continent était ruiné pour longtemps et mettrait du temps à se ressaisir, si tant était que ce fût encore possible. En témoignent les succès de librairie et en France on cite toujours la phrase de Paul Valéry : « nous autres civilisations savons désormais que nous sommes mortelles ». Jean-Jacques Becker et son éditeur ont d’ailleurs repris le mot de « civilisations » pour titrer un recueil d’articles mis à jour publié à l’occasion du centenaire de 1918 (1). Mais il est d'autant plus difficile aux vainqueurs d'enrayer le déclin que leurs divisions et leurs problèmes politiques ont généralement été aggravés par la guerre. Il en résulte une profonde crise morale et une remise en question fondamentale des valeurs jusqu'alors les moins contestées de la civilisation occidentale.

L’Europe est un continent meurtri et affaibli. En 1914, malgré certaines limites plus ou moins aperçues — puissance américaine, montée du Japon, contestation naissante dans les colonies — l'Europe était le centre du monde par le dynamisme démographique maintenu, l’émigration, la force économique globale sans équivalent, avec plus de 50 % de la production industrielle de la planète. Les effets de la guerre, ce sont les millions de victimes, un déficit des naissances préoccupant pour l'avenir, des régions en ruines, l'inflation menaçant partout la stabilité des monnaies,

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