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Le néo-kantisme : d’un dépassement de Kant à la consécration des sciences sociales .1 L’émergence de la philosophie néo-kantienne

Les fondements philosophiques et méthodologiques des analyses historicistes et institutionnalistes originelles

1.2 Le néo-kantisme : d’un dépassement de Kant à la consécration des sciences sociales .1 L’émergence de la philosophie néo-kantienne

Les années 1840 voient en Allemagne l’émergence d’un « retour à Kant » initié par un groupe de philosophes qualifiés de « néo-kantiens ». A cette époque, l’Allemagne est dominée par l’idéalisme hégélien tandis que le positivisme, sous l’influence d’Auguste Comte,

5 Elle est en tout cas perçue par Veblen (1884).

commence à s’étendre. La philosophie hégélienne connaît néanmoins le début d’un déclin dont elle ne se remettra qu’à la fin du 19ème siècle (Dufour, 2003). Le projet des philosophes néo-kantiens, par-delà leur diversité, est de redonner à la philosophie un statut scientifique de théorie de la connaissance qu’elle avait perdu avec l’hégélianisme. C’est à partir des années 1860 que la philosophie néo-kantienne se constitue à proprement parler, sur la base d’un réexamen et d’un approfondissement de la distinction kantienne entre question de droit et question de fait : « Pour le néokantisme, la théorie de la connaissance est une analyse logique qui, par opposition à l’examen psychophysiologique, porte sur la validité de notre connaissance. La question est de savoir, non pas comment nos représentations se sont progressivement constituées, mais sur quels éléments se fonde leur vérité » (Dufour, 2003, 11). Les philosophes néo-kantiens vont ainsi reprendre, là où Kant l’avait laissée, la question de la possibilité de la connaissance et de la science.

Le développement de la philosophie néo-kantienne au 19ème siècle est essentiel du point de vue des sciences sociales allemandes à plusieurs titres : d’une part, ce développement se produit à un moment où en Grande-Bretagne, la théorie de la connaissance empiriste connaît un renouveau notable avec les écrits épistémologiques de John Stuart Mill (1843).

Associée à la montée en puissance du positivisme d’Auguste Comte, l’épistémologie de Mill mène à une conception de la science s’écartant radicalement de l’idéalisme transcendantal tel que Kant l’avait élaboré. La philosophie néo-kantienne va alors se constituer en principal opposant à la pensée positiviste et orienter les sciences sociales allemandes dans une direction très différentes de celles de ses homologues britanniques et français. D’autre part, en lien avec le point précédant, la philosophie néo-kantienne va largement inspirer les travaux de plusieurs auteurs historicistes, économistes et sociologues (Weber, Simmel, Schmoller dans une moindre mesure). Le développement du néo-kantisme correspond plus ou moins avec l’émergence de la seconde génération de l’école historique allemande, traditionnellement associée aux travaux de Gustav Schmoller. Si pour cette génération, l’influence de la philosophie néo-kantienne est largement indirecte6, elle se fera en revanche largement plus sentir pour les travaux des auteurs de la troisième génération (Weber, Sombart, Spiethoff), ainsi qu’on essayera de le montrer plus loin. Enfin, les auteurs néo-kantiens vont développer

6 Elle est essentiellement le fait d’une « atmosphère intellectuelle » dans laquelle étaient immergés les économistes et sociologues de l’époque. Les références à des auteurs tels que Dilthey sont en effet relativement rares dans les écrits de Schmoller par exemple, et le plus souvent sur des points non spécifiquement méthodologiques. De plus, il ne faut pas occulter le fait que l’hégélianisme, dont l’influence est évidente sur les travaux de la première génération de l’école historique, se manifeste encore à certains endroits de l’œuvre de Schmoller. Cela est par exemple clair dans les passages où Schmoller affirme sa croyance dans la tendance à un progrès des sociétés humaines (voir notamment Schmoller, 1902).

une réflexion d’envergure sur le statut de l’histoire et des sciences « historiques » en reformulant ni plus ni moins la question kantienne : tandis que Kant avait cherché à déterminer, de manière transcendantale, les conditions requises pour permettre la connaissance scientifique, les néo-kantiens se proposent de reprendre le même questionnement, mais de l’étendre au domaine de l’histoire. Il s’agit alors de développer une

« critique de la raison historique », selon les termes de Raymond Aron (1969). Ce sont donc les néo-kantiens qui vont les premiers donner leurs lettres de noblesse aux sciences sociales en fondant en raison leur caractère scientifique et les mettre au même plan que les sciences de la nature. La philosophie néo-kantienne constitue ainsi le point d’entrée à la question de la relation entre théorie et histoire, question dont nous chercherons ensuite à montrer qu’elle traverse l’ensemble des réflexions institutionnalistes en économie.

Il convient de préciser ici l’extrême diversité de la philosophie néo-kantienne. On peut considérer que le précurseur de la philosophie néo-kantienne est Wilhelm Dilthey, même si cette affirmation peut certainement prêter à contestation7. Le néo-kantisme proprement dit se sépare en deux écoles distinctes (Dufour, 2003) : l’école dite de Marbourg, dont les principaux auteurs ont été Hermann Cohen et Paul Natorp, et l’école de Heidelberg, ou encore

« école du sud-ouest ». Constituée de trois figures majeures, Wilhelm Windelband, Emile Lask et Heinrich Rickert, c’est elle qui va poser la question du statut de la connaissance historique. Ces deux écoles se rejoignent sur plusieurs points : la primauté accordée à la théorie de la connaissance, le rejet de la conception de la connaissance comme reproduction de l’objet, le raisonnement transcendantal cherchant à déterminer les conditions a priori de la connaissance. Toutefois, l’approche de l’école de Marbourg n’est que de faible importance étant donnée notre perspective, puisqu’elle s’intéressera exclusivement à la connaissance scientifique de la science mathématique (Dufour, 2003, 33). Sur les plans tant historique qu’analytique, deux auteurs semblent avoir joué un rôle essentiel dans la construction des sciences sociales allemandes à l’origine de la perspective institutionnaliste étudiée ici : Wilhelm Dilthey et Heinrich Rickert, accompagné pour ce dernier par les autres auteurs de l’école de Heidelberg. C’est donc vers eux que notre attention doit principalement se tourner.

7 L’une des spécialistes françaises de l’œuvre de Dilthey, Sylvie Mesure (1990), considère que Dilthey est parti d’une perspective néo-kantienne pour seulement basculer, vers la fin de sa carrière, dans une perspective husserlienne.

1.2.2 Dilthey et les sciences de l’esprit

Wilhelm Dilthey n’appartient pas à proprement parler au courant de la philosophie néo-kantienne. Des désaccords profonds sont notamment apparus au début du 20ème siècle entre lui et les principaux représentants de l’école de Heidelberg, Heinrich Rickert et Wilhelm Windelband. Toutefois, Dilthey, qui a commencé sa carrière universitaire en 1866 à l’Université de Bâle, a été l’un des tous premiers philosophes à entreprendre un retour à Kant pour reconstruire la philosophie en tant que théorie de la connaissance. C’est surtout le premier à avoir posé le principe d’une distinction entre deux types de sciences à un moment où le positivisme et le naturalisme qui l’accompagnent, étaient très influents. Dilthey est ainsi un auteur important à deux points de vue : d’une part, il va ouvrir la voie à une réflexion sur la spécificité des sciences sociales (appelées « sciences de l’esprit ») et l’importance de leur dimension historique ; d’autre part, il va inspirer, de manière plus ou moins directe, les travaux de certains auteurs de l’école historique allemande.

L’œuvre de Dilthey est composée de deux ouvrages majeurs (Guillemin, 1998a ; 1999) : l’Introduction aux sciences de l’esprit (Dilthey, 1883) et L’édification du monde historique dans les sciences de l’esprit (Dilthey, 1910). C’est dans l’Introduction que Dilthey développe les principaux éléments de sa philosophie de la connaissance. L’ouvrage de 1910 démontre un infléchissement de certaines de ses positions sur divers points, comme par exemple sur le rôle et la place de la psychologie. Il marque également un détachement vis-à-vis de la question de la spécificité des sciences de l’esprit au profit d’une tentative de mettre au jour l’ensemble immanent aux sciences dans leur ensemble (Aron, 1969). Pour autant, les positions de Dilthey sur la question qui nous intéresse principalement, à savoir les fondements de la spécificité d’un ensemble de sciences autres que les sciences de la nature, n’évolueront guère au cours de son œuvre, de sorte que nous nous autorisons à aborder cette dernière comme un tout relativement homogène. En nous inspirant du travail de Sylvie Mesure (1990), il est possible de scinder la contribution de Dilthey en trois moments : une critique du positivisme, une caractérisation des sciences de l’esprit et la justification de leur autonomie, et enfin l’explicitation de leur logique.

La critique du positivisme

Dilthey développe sa critique du positivisme dès les années 1870 avec De l’étude de l’histoire des sciences humaines, sociales et politiques publié en 1875 (Mesure, 1990). Elle apparaît également dans les chapitres 14 à 17 de l’Introduction. Par positivisme, Dilthey cible essentiellement deux auteurs : le sociologue français Auguste Comte et l’économiste anglais

John Stuart Mill. Cette critique contre le positivisme est le point de départ de la critique de la raison historique entreprise par Dilthey et de l’objectif qu’elle poursuit : fonder une logique des sciences historiques (ou sociales, ou de l’esprit) à partir d’une démarche transcendantale, similaire à celle adoptée par Kant et donc, démarquer ces sciences des sciences naturelles et physiques. De ce point de vue, le positivisme sous ses différentes formes8 est un adversaire tout désigné : porteur d’un naturalisme épistémologique, il ne parvient à une caractérisation des sciences historiques que par une mise en perspective, souvent comparative, par rapport aux sciences de la nature. Il ne peut alors en ressortir que deux choses : ou bien le caractère scientifique des sciences historiques est nié, car ne répondant pas aux canons de la scientificité au sens des sciences naturelles ; ou bien l’état des sciences historiques est évalué à l’aune du développement des sciences naturelles, avec l’idée que les sciences sociales suivront un chemin d’évolution devant les amener à être identiques aux sciences de la nature.

Pour Dilthey, Comte, et à un degré moindre, Mill, empruntent tous deux la seconde voie. La critique que Dilthey adresse à Comte se place en fait sur deux plans. Dans De l’étude de l’histoire des sciences humaines, sociales et politiques (1875), c’est la classification comtienne des sciences qui est attaquée, ou plus précisément la place qui est conférée à la sociologie au sein de cette classification (Mesure, 1990). A ce niveau, c’est clairement le naturalisme du positivisme de Comte qui est pris pour cible : « Ce que Dilthey vise au premier chef, c’est ainsi la volonté de n’accorder nulle spécificité, nulle autonomie à la sociologie, et, par ce biais, d’assimiler de façon brutale et irréfléchie les sciences de l’esprit (qui, chez Comte, s’épuisent dans la sociologie) aux sciences de la nature » (Mesure, 1990, 34). Tout en créditant Comte d’avoir eu la volonté d’établir un système et une histoire des sciences de l’esprit comparables à ce qui a été fait pour les sciences de la nature, Dilthey estime que cette élaboration s’est faite, contrairement à ce qui a été le cas pour les sciences de la nature, totalement a priori. En d’autres termes, c’est uniquement par référence aux sciences naturelles que Comte a développé son analyse des sciences sociales, sans jamais s’interroger sur leur spécificité. L’objection majeure de Dilthey consiste à estimer que la subordination de la sociologie à la biologie se fonde sur deux présupposés irrecevables (Mesure, 1990, 48 et suiv.) : d’une part, l’idée d’un parallélisme psycho-physique consistant à postuler la réduction des états psychiques à certains états physiologiques, menant ainsi à une certaine forme de

8 On ne discutera pas ici de la pertinence de l’appellation « positivisme » utilisée par Dilthey pour désigner les travaux de Mill et Comte. Il est indéniable que cette expression est ambiguë et qu’elle ne rend pas nécessairement compte de la diversité des approches auxquelles elle renvoie. On entreprendra dans la section 3 de ce chapitre de caractériser les différentes formes de positivisme, d’expliciter leurs liens avec les sciences sociales et notamment la science économique, et de les comparer avec les théories de la connaissance néo-kantiennes et pragmatistes.

déterminisme ; d’autre part, une condamnation de la psychologie que Dilthey défend par ailleurs9 et qui indique qu’il n’existerait pas de lois propres à la vie psychique. Cette subordination de la sociologie aux sciences de la nature, où l’autonomie des sciences sociales que laisse entrevoir Comte est immédiatement annulée par une sorte de réductionnisme physique, conduit de fait à n’appréhender le développement des sciences de l’esprit qu’à l’aune des sciences de la nature, conçues comme la référence du développement de la science.

Cela amène la critique de Dilthey à se déplacer sur un second plan, qui transparaît de manière plus évidente dans l’Introduction. Pour Dilthey, la conception erronée des sciences de l’esprit de Comte (issue de sa classification des sciences) l’a directement conduit à développer une conception des sciences sociales consistant en une « métaphysique naturaliste de l’histoire » :

« le fondateur de cette philosophie, Comte, n’a fait que créer une métaphysique naturaliste de l’histoire qui, comme telle, était beaucoup moins adaptée aux faits du devenir historique que celle de Hegel ou de Schleiermacher. En conséquence, ces concepts généraux sont eux-mêmes beaucoup plus stériles. (…) C’est à partir de la subordination du monde historique au système de la connaissance de la nature que la sociologie de Comte était née en prolongeant l’esprit de la philosophie française du 18ème siècle » (Dilthey, 1883, 266). Le paradoxe est que le positivisme de Comte, pourtant fondé sur une démarche empirique, a conduit ce dernier à reconstruire une philosophie de l’histoire précisément en raison de son incapacité à saisir ce qui fait la spécificité des sciences de l’esprit et de leur objet d’étude. De manière plus générale, toute théorie sociologique ou philosophie de l’histoire sera dans l’erreur à partir du moment où elle ne concevra la description du singulier que comme la simple matière première à de futures abstractions : « Cette superstition, qui soumet les travaux des historiens à un mystérieux processus alchimique pour convertir la matière brute du singulier en or pur de l’abstraction et pour forcer l’histoire à trahir son dernier secret, est au moins tout aussi aventureuse que le rêve du philosophe de la nature qui pensait, grâce à l’alchimie, arracher à la nature son dernier mot » (Dilthey, 1883, 251). L’erreur positiviste naît donc d’une

« présomption fatale » : croire que l’objet des sciences de l’esprit, se caractérisant comme une infinité de singularités, puisse à la manière de ce qui se passe dans les sciences de la nature, se subsumer dans sa totalité en un schéma général fait de lois (historiques).

La critique que développe Dilthey à l’encontre de Mill et de son ouvrage de 1843 est similaire même si elle est plus nuancée. Comme le remarque Dilthey, Mill se place dans une perspective kantienne : il s’agit de déterminer les conditions d’existence des « sciences

9 Même si, comme on le verra plus bas, il s’agit d’une psychologie analytique et descriptive et non d’une psychologie « explicative » qui appartient, elle, au domaine des sciences de la nature.

morales » et leur degré de perfection (Mesure, 1990). Comme dans le cas de Comte, c’est le naturalisme de Mill que Dilthey vise essentiellement. Du point de vue défendu par Dilthey, on peut considérer que Mill s’engage sur la bonne voie puisqu’il reconnaît la spécificité des sciences sociales (Mill, 1843)10. Cette spécificité est issue de la nature de l’objet des sciences morales, à savoir l’action humaine en ce qu’elle a d’irréductible aux phénomènes naturels.

Deux points distinguent le positivisme de Mill de celui de Comte : d’une part, contrairement à Comte et explicitement contre lui, Mill souligne le rôle de la psychologie dans les sciences morales. Mill adopte une position à mi-chemin entre l’idée de nécessité et celle de libre-arbitre : les actions humaines sont le fait de relations de causalité au sens humien, mais pour autant elles ne sont nullement nécessaires et inévitables. Sur cette question, la position de Mill n’est pas en contradiction avec celle de Dilthey (Mesure, 1990). D’autre part, si dans le domaine des sciences de la nature, c’est la logique inductive qui prévaut, la complexité de l’objet des sciences sociales, mais aussi sa nature particulière (qui rend possible l’introspection) font que les sciences morales doivent reposer essentiellement sur une démarche déductive (Guillemin, 1996 ; 1998b). Sur ces deux plans, il semble difficile de distinguer des traces de naturalisme chez Mill, par contraste avec ce que l’on a pu voir chez Comte. Cependant, deux éléments viennent tempérer cette impression. D’une part, et même si cela ne semble pas être mis en avant par Dilthey, l’empirisme de Mill transparaît également dans sa conception des sciences morales puisque l’économiste britannique est explicite sur le fait que les hypothèses de départ des sciences sociales (de l’économie plus spécifiquement), à savoir essentiellement l’axiome de rationalité, sont empiriquement fondées, au moins en principe (Hands, 2001, 22-23). Pour Mill, il n’existe pas de connaissance a priori, même la prémisse majeure d’un syllogisme est nécessairement induite empiriquement. Par ailleurs, point cette fois explicitement mis en avant par Dilthey, la méthode des sciences morales conçue par Mill reste subordonnée au schéma qu’il tire des sciences de la nature (Mesure, 1990). Il y a bien chez Mill une conception moniste de la science où les sciences de la nature servent de modèle, de point de référence à la construction des sciences sociales. Ces dernières ne peuvent être pensées en dehors d’une référence aux sciences de la nature, ce qui renvoie à une forme de naturalisme. Le monisme méthodologique de Mill est étroitement lié à sa conception de la causalité, synonyme de scientificité : « les sciences de l’esprit devront par conséquent soumettre les phénomènes sociaux et spirituels au régime de l’explication causale, donc (les raisons de cette seconde équivalence ont-elles aussi été clarifiées)

10 Voir aussi Guillemin (1998).

rechercher les lois du monde socio-historique et, pour cela, mobiliser toutes les ressources, analysées dans les premiers livres de la Logique, permettant de faire paraître dans la réalité des lois » (Mesure, 1990, 70). Dilthey répond à la position normative de Mill par une description de la « réalité » des sciences morales en montrant le caractère erroné de la

« psychologie explicative » et causaliste de Mill. En se fondant sur la notion de cause, la psychologie de Mill conduit, de fait, à nier aux sciences de l’esprit leur spécificité puisqu’il est supposé que ces dernières sont réductibles à un principe explicatif qui est identique à celui prévalant dans les sciences de la nature : « la subordination méthodologique de l’étude des faits spirituels aux méthodes de la science de la nature, John Stuart Mill, pour le moins, l’a maintenue et défendue » (Dilthey, 1883, 266). Dilthey rejette l’idée que le fondement psychologique (justifié à ses yeux) des sciences de l’esprit implique que les phénomènes sociaux complexes soient réductibles à des phénomènes génériques psychiques isolés. Au contraire, si les sciences de l’esprit doivent tirer partie de la psychologie, c’est dans le but de rendre compte des valeurs, des mobiles et des fins dirigeant l’action des individus. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’expliquer causalement, mais de comprendre : « Si fondation psychologique des sciences de l’esprit il devait donc y avoir, ce qu’à sa manière Mill a entrevu, ce ne saurait être que par référence à une psychologie prenant au contraire appui sur cette expérience intérieure et s’efforçant moins de l’expliquer que de la comprendre. De ce point de vue, la rupture avec le positivisme ouvre directement sur la nécessité d’élaborer une psychologie qui puisse véritablement servir de base à l’édification des sciences de l’esprit et en garantir plus profondément l’autonomie vis-à-vis des sciences de la nature » (Mesure, 1990, 84).

La caractérisation des sciences de l’esprit

La critique à l’encontre du positivisme développée par Dilthey indique déjà clairement l’orientation que le philosophe allemand va donner à sa caractérisation des sciences de l’esprit. L’Introduction est la première et principale tentative de Dilthey pour aboutir à une justification transcendantale de l’autonomie des sciences de l’esprit. Dilthey y contraste

La critique à l’encontre du positivisme développée par Dilthey indique déjà clairement l’orientation que le philosophe allemand va donner à sa caractérisation des sciences de l’esprit. L’Introduction est la première et principale tentative de Dilthey pour aboutir à une justification transcendantale de l’autonomie des sciences de l’esprit. Dilthey y contraste