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3. Démarche, problématique et hypothèses principales 1 Problématique et démarche

3.2 Hypothèses de travail : les six principes du noyau dur du PRS de l’institutionnalisme historique

empreinte d’une forme de post-modernisme herméneutique dans le sens où les critères définissant ou évaluant la pratique scientifique sont définis par la pratique scientifique elle-même (Hocksbergen, 1994). De la elle-même manière que l’épistémologie du programme de recherche institutionnaliste30, notre étude méthodologique de ce programme de recherche comporte une dimension relativiste. Cet aspect n’est pas considéré ici comme une faiblesse, mais comme une dimension irréductible à tout travail philosophique et méthodologique et dont la méthodologie lakatosienne est elle-même marquée31.

Enfin, on notera que notre rejet du critère d’évaluation des PRS proposé par Lakatos nous amène à modifier quelque peu la MPRS. L’objectif premier de ce travail est de parvenir à caractériser le PRS de l’institutionnalisme historique. Toutefois, il est souhaitable d’essayer d’aller plus loin en apportant une dimension normative (conforme à la MPRS). Cela nécessite cependant d’avoir un critère d’évaluation et éventuellement de procéder à une analyse comparative de différents PRS. L’absence de critère d’évaluation indiscutable rend moins convaincante une telle étude comparative, qui serait du reste très complexe à mener dans le cadre de ce travail32. Par conséquent, l’aspect normatif de l’étude du PRS de l’institutionnalisme historique prendra la forme, non pas d’une évaluation en tant que telle du programme de recherche, mais de propositions de prolongements épistémologiques et théoriques, partant du principe que le noyau dur d’un PRS n’est jamais figé (et ne doit pas l’être) et qu’il peut se recouper avec celui de programmes concurrents.

3.2 Hypothèses de travail : les six principes du noyau dur du PRS de l’institutionnalisme historique

Ce travail va défendre l’idée qu’il est possible de caractériser le noyau dur du PRS de l’institutionnalisme historique par un ensemble de six propositions toutes relatives à la relation entre théorie et histoire. Ces six propositions sont autant d’hypothèses de travail qui

30 Nous développerons ce point notamment dans les chapitres 2 et 3.

31 Feyerabend (1975) a notamment fermement argué que la MPRS de Lakatos devait conduire de manière inévitable à l’anarchisme épistémologique, dans la mesure où il est impossible de justifier de manière rationnelle un critère permettant de départager deux PRS concurrents. Initialement, l’ouvrage de Feyerabend Contre la méthode devait n’être qu’une partie d’un travail collaboratif avec Lakatos dans lequel les deux auteurs auraient échangé sur leurs positions respectives. Le décès prématuré de Lakatos n’a pas permis l’aboutissement de ce projet (Feyerabend, 1975).

32 Au-delà, on peut se demander si une telle étude comparative a un intérêt méthodologique ou théorique. On rejoint ici l’idée de pluralisme méthodologique de Caldwell (1982 ; 1987) selon laquelle les différents paradigmes ou programmes de recherche doivent prioritairement s’évaluer par le biais d’un critique interne. Or, toute comparaison entre programmes de recherche revient nécessairement à définir un ou plusieurs critères plus ou moins compatibles avec les perspectives philosophiques et méthodologiques des différents programmes, et donc à développer implicitement une forme de critique externe.

vont structurer les développements sur chacun des auteurs étudiés. Ces propositions sont de nature soit épistémologique au sens large (ontologique, épistémologique ou méthodologique), soit substantive, c'est-à-dire renvoyant à un contenu théorique. Dans l’ensemble, elles se placent à un niveau d’abstraction élevé, de telle sorte qu’elles sont par nature relativement infalsifiables : conformément à la nature de tout noyau dur, leur acceptation ou leur refus repose davantage sur des conventions méthodologiques, voire même dans certains cas sur des croyances métaphysiques, et l’heuristique négative détourne les critiques adressées à leur encontre.

Il est possible de réunir ces six propositions en deux sous-ensembles qui seront intitulés de manière générique au cours de ce travail « historicisation de la théorie » et

« théorisation de l’histoire ». Autrement dit, nous défendons l’idée que le programme de recherche de l’institutionnalisme historique se caractérise par un double mouvement historicisation de la théorie/théorisation de l’histoire. L’historicisation de la théorie désigne l’idée que, dans une perspective institutionnaliste, la théorisation est toujours relative à un contexte spatio-temporel identifié et que la construction théorique elle-même est dépendante du contexte dans lequel elle est élaborée. La singularité de l’institutionnalisme historique est de tirer des conclusions épistémologiques et théoriques de ce fait qui est considéré comme propre à l’ensemble des sciences sociales (encore appelées sciences historiques ou sciences de la culture). L’historicisation de la théorie se matérialise dans le PRS de l’institutionnalisme historique par trois principes :

P1 : une prise en compte et un traitement du problème de la spécificité historique.

Le problème de la spécificité historique « part du présupposé que différents phénomènes socioéconomiques peuvent requérir des théories qui sont différentes les unes des autres sous certains aspects. Les variations significatives entre les objets d’étude peuvent imposer des limites à la pertinence d’une explication unifiée » (Hodgson, 2001, xiii, notre traduction). Le point de départ est l’observation dans le temps et l’espace d’une grande variété de systèmes socioéconomiques, eux-mêmes caractérisés par une diversité de mécanismes et de relations.

L’idée basique soulignée par le problème de la spécificité historique est que cette diversité est susceptible de rendre impossible, ou non pertinente, un modèle d’explication ontologiquement unifié, c'est-à-dire capable de rendre compte de l’ensemble de cette diversité. Par exemple, une théorie visant à expliquer le fonctionnement d’une économie capitaliste devra mobiliser des hypothèses et des concepts différents de ceux que l’on trouve dans une théorie s’intéressant au fonctionnement d’un système féodal. Une théorie peut tenter de rendre

compte d’un spectre plus large de phénomènes de deux manières (Hodgson, 2001, 25) : l’expansion du domaine sur lequel porte la théorie peut être extensive (élargissement des frontières spatio-temporelles des phénomènes dont il est rendu compte) ou être intensive (le même spectre de phénomènes est analysé plus en détail par la même théorie). Le problème de la spécificité historique postule que cette expansion est nécessairement limitée, nonobstant le fait qu’il peut être accepté que, tous les phénomènes socioéconomiques ayant des caractéristiques ontologiques communes, il puisse exister certains concepts universels communs à un ensemble de théories33. Le problème de la spécificité historique se place à la fois sur les plans ontologique (il trouve son origine dans la diversité ontologique des phénomènes socioéconomiques), épistémologique (les concepts ne sont jamais une copie de la réalité, mais une représentation) et méthodologique (les outils utilisés sont plus ou moins pertinents suivant les phénomènes étudiés).

P2 : l’adoption d’un « institutionnalisme méthodologique » (ou individualisme structurel) et le rejet de la dichotomie individualisme/holisme méthodologiques.

Ce principe à la fois méthodologique et substantif (théorique), indique que l’analyse en sciences sociales ne peut prendre pour point de départ, ni l’individu en considérant comme données ses croyances, ses préférences et les contraintes auxquelles il fait face (l’individualisme méthodologique), ni les structures sociales en postulant que ces dernières ont un effet déterministe systématique sur les individus et leurs actions (holisme méthodologique). L’individualisme méthodologique achoppe sur un problème de régression infinie (Hodgson, 1998a ; 2004a ; 2007c) dans la mesure où les préférences, les croyances et les contraintes doivent être expliquées par les structures sociales. Comme ces structures sociales doivent nécessairement, dans une perspective individualiste, s’expliquer par l’action des individus, il émerge un problème logique. Le holisme méthodologique revient à postuler la préexistence de certaines structures sociales et à considérer que ces dernières déterminent à un certain degré les comportements individuels. Une méthodologie purement holiste est insatisfaisante dans la mesure où elle tend à considérer comme données les structures sociales et à ne pas spécifier la nature de la relation causale « structures actions individuelles ».

L’idée d’un dépassement de cette opposition est récurrente en sciences sociales et se matérialise sous différentes appellations qui ont toutes en commun de proposer un

33 Le problème de la spécificité historique ne conduit donc pas nécessairement au relativisme total. Hodgson (2001, 326-7) propose cinq niveaux d’abstraction qui se réfèrent eux-mêmes à différents niveaux ontologiques.

Le niveau le plus abstrait est fait de concepts qui peuvent s’appliquer à un spectre très large de phénomènes dépassant le seul cadre socioéconomique.

dépassement du réductionnisme méthodologique que partagent l’individualisme et le holisme méthodologiques. Les termes d’individualisme structurel (Mesure, 1990) ou d’individualisme institutionnel (Boudon et Bourricaud, 2004) ont été suggérés. Nous suivons ici Bazzoli (1999) et Bazzoli et Dutraive (2005a) en parlant « d’institutionnalisme méthodologique » :

« L’institutionnalisme méthodologique vise à appréhender la dialectique de l’individuel au collectif par le biais d’une conception relationnelle de la réalité sociale centrée sur la dynamique des relations action/structure » (Bazzoli, 1999, 197). Autrement dit, le principe de l’institutionnalisme méthodologique consiste à considérer que l’action humaine et les structures sociales sont chacune le résultat d’effets émergents provenant de l’autre. Dès lors, aucun des deux pôles ne peut constituer un point de départ logique à l’analyse, ce qui nécessite de situer en permanence l’explication théorique dans un contexte historique et institutionnel donné. Toute explication théorique doit ainsi être historicisée.

P3 : le recours à l’inférence abductive et à la méthodologie des idéaltypes.

De manière générique, ce principe à la fois épistémologique et méthodologique énonce que les concepts théoriques sont toujours fondés sur des plans axiologiques, empiriques et historiques. L’inférence abductive (ou abduction) a été formalisée par le philosophe américain Charles Sanders Peirce (1984 ; 2002 ; 2006)34. Complémentaire à l’induction et à la déduction, l’abduction désigne l’inférence par laquelle un individu va former une hypothèse visant à expliquer un phénomène observé en identifiant les causes qui en sont à l’origine. Il ne s’agit ni d’une généralisation, ni d’une déduction, mais d’un raisonnement fondé sur l’observation reliant un explanandum observable à des explanans non observés et hypothétiques. La méthodologie des idéaltypes, développée essentiellement par Max Weber (1904)35, consiste quant à elle à donner une représentation de la réalité à l’aide de concepts en en accentuant délibérément certains aspects. Cette méthodologie repose sur le postulat (épistémologique) que la réalité n’est pas directement accessible à l’esprit humain et que les concepts doivent de ce point de vue jouer le rôle d’intermédiaires dans une conception activiste de la connaissance. Abduction et méthodologie des idéaltypes aboutissent au résultat que la construction de théories (définies comme un ensemble de concepts et d’hypothèses) est toujours contingente, d’une part au problème spécifique étudié et pour lequel la théorie est construite, et d’autre part au contexte dans lequel elle est élaborée, dans la mesure où la

34 Voir Chapitre 1.

35 Voir Chapitre 2.

formulation des hypothèses ou la construction des concepts répond en partie à un critère axiologique, que Weber (1904 ; 1959) nomme « rapport aux valeurs ».

La théorisation de l’histoire constitue l’autre versant du PRS de l’institutionnalisme historique36. Elle indique que le noyau dur du programme de recherche institutionnaliste est composé de principes (épistémologiques et théoriques) qui orientent les travaux s’inscrivant dans son cadre vers l’étude de la dynamique et de l’évolution dans le temps historique des systèmes socioéconomiques et de leurs institutions. Autrement dit, la perspective institutionnaliste est essentiellement orientée vers l’explication de la dynamique historique des sociétés humaines et de leur économie. Ici encore, on peut identifier trois principes qui vont dans ce sens :

P4 : Un principe d’économie substantive

La notion d’économie substantive est étroitement rattachée aux travaux de l’économiste hongrois Karl Polanyi (1944 ; 1957a ; 1975)37. L’expression est en effet utilisée en premier par Polanyi pour l’opposer à la notion d’économie formelle, qui désignerait la conception de l’économie sous-tendant l’essentiel de l’analyse économique. Même si les autres auteurs institutionnalistes n’ont pas utilisé explicitement cette notion, on considère que le programme de recherche de l’institutionnalisme historique s’articule autour d’un « principe d’économie substantive ». Ce point est également largement mis en avant par Postel (2007) et Postel et Sobel (2009). Les analyses institutionnalistes s’accordent en effet avec l’idée qu’ « il existe toujours un arrière-plan institutionnel à l’économie, qui ne peut pas se désencastrer, et cet arrière-plan est mouvant, y compris sous l’effet des processus et des actions économiques » (Postel, 2007, 81). On peut formuler le principe d’économie substantive autour duquel s’articule l’ensemble des analyses relevant de l’institutionnalisme historique ainsi : il est postulé que le champ de l’analyse économique n’est pas défini par un principe de rationalité et que l’économie n’est pas considérée comme la sphère des comportements maximisateurs. Au

36 Nous utilisons l’expression « théorisation de l’histoire » comme un raccourci sémantique. Dans l’absolu, en effet, cette formulation est incorrecte car elle laisse supposer que l’histoire est une donnée objective qui existe indépendamment des représentations que l’on peut en faire. Ce réalisme ontologique est acceptable (et, de fait, il est adopté par la plupart des auteurs institutionnalistes), mais l’impossibilité d’accéder directement à la réalité historique (autre élément caractéristique de l’épistémologie institutionnaliste) indique qu’il est nécessaire de disposer au préalable de concepts théoriques et d’un point de vue axiologique pour pouvoir accéder à l’histoire.

Une formulation plus satisfaisante serait donc : « théorisation de la dynamique et de l’évolution des systèmes socioéconomiques et de leurs institutions ». Dans la suite de ce travail, on utilisera pour des raisons de convenance essentiellement l’expression la plus courte, mais en gardant à l’esprit ce bémol.

37 Sur l’économie substantive de Polanyi, voir notamment les chapitres 3 et 4.

contraire, il est présupposé que toutes les interactions économiques prennent place au sein d’un cadre institutionnel constitué d’une variété de règles, de normes et d’organisations ; ce cadre institutionnel a pour effet à la fois de borner, mais aussi de rendre possible un ensemble d‘actions de la part d’individus à la rationalité limitée ou procédurale et guidés par des motivations plurielles. L’économie, en tant que sphère de la société, se définit alors comme l’ensemble institutionnel visant à permettre aux individus la satisfaction de leurs besoins, eux-mêmes définis par les institutions en présence. Le principe d’économie substantive repose sur deux concepts majeurs, celui d’institution et celui de rationalité. Les institutions, définies comme des systèmes de règles et de normes sociales structurant les interactions sociales (Hodgson, 2006a, 2), jouent en effet un rôle prépondérant dans l’organisation des relations économiques. Le point de vue substantiviste considère qu’il est impossible de parvenir à une explication satisfaisante des phénomènes économiques en faisant abstraction des institutions en présence. Plus précisément, la diversité des systèmes économiques et le problème de la spécificité historique (cf. principe 1) découlent du rôle joué par les institutions et du fait qu’une variété de configurations institutionnelles (i.e. d’agencement d’institutions) peuvent émerger et perdurer dans le temps. En ce sens, toute économie est encastrée dans un réseau d’institutions qu’il convient d’étudier. La place de l’économie elle-même dans ce réseau d’institutions est changeante. Définie comme l’ensemble des dispositifs institutionnels par lesquels les individus parviennent à subvenir à leurs besoins, l’économie est susceptible d’occuper une place plus ou moins importante par rapports aux autres sphères de la société suivant le mode de définition des besoins et leur origine (religieuse, politique, familiale ou économique dans le sens de la recherche du profit). La rationalité est l’autre pôle de l’économie substantive dans un sens qui s’écarte de celui de la théorie standard. Dans l’optique institutionnaliste, la rationalité des individus s’appuie sur un ensemble de normes et de règles sociales, mais peut également être guidée par une pluralité de logiques d’action.

Autrement dit, dans le cadre substantiviste, la rationalité ne se réduit pas à une relation entre des fins prédéterminées et des moyens dont l’usage doit être optimisé38, mais concerne également le choix des fins et le contexte dans lequel ce choix (volontaire ou imposé) s’effectue.

38 Cette conception relève de la fameuse définition de l’économie donnée par Robbins (1932).

P5 : une perspective évolutionnaire sur les institutions

L’analyse synchronique des institutions ne peut constituer qu’un aspect d’une démarche institutionnaliste. Comme le nom que nous lui avons donné l’indique, le programme de recherche de l’institutionnalisme historique se caractérise par des travaux mettant en avant la dimension historique des phénomènes socioéconomiques. De manière schématique, il est possible de rendre compte de cette dimension historique de deux manières : dans une perspective de développement et dans une perspective évolutionnaire39. Appréhender l’histoire en tant que développement consiste à considérer que cette dernière est porteuse d’une logique de développement lui faisant suivre un schéma prédéterminé. Max Weber (1903-06) qualifiera cette perspective, qui caractérise selon lui le travaux des premiers économistes de l’école historique allemande, Karl Knies et Wilhelm Roscher,

« d’émanatisme ». Le terme d’émanatisme exprime l’idée que, dans une conception de l’histoire comme développement, le développement historique futur est contenu et donc émane du développement historique passé. En d’autres termes, l’histoire comme développement renvoie à une conception déterministe où sont identifiées certaines forces à l’œuvre ayant le statut de lois de développement. La conception évolutionnaire40 de l’histoire est tout autre. Le déroulement de l’histoire est pensé comme indéterminé et contingent, de telle sorte que l’on ne peut indiquer ex ante sa trajectoire. Cela ne signifie pas en revanche qu’il n’est pas possible, ex post, de reconstituer le sentier d’évolution suivi par une société ou une institution, ni même que l’évolution socioéconomique ne répond pas à certains principes.

A bien des égards, la conception évolutionnaire de l’histoire emprunte largement des éléments du darwinisme41. L’institutionnalisme historique développe cette conception évolutionnaire de l’histoire en se concentrant principalement sur la question de l’évolution et de la dynamique des institutions. Autrement dit, une perspective diachronique est mobilisée pour construire une théorie de l’évolution des systèmes économiques, laquelle repose sur certains mécanismes identifiables et explicables, mais ne vise qu’à reconstruire ex post les causes de l’évolution socioéconomique42.

39 Voir Hodgson (1993) pour une réflexion sur la différence entre développement et évolution.

40 Nous préférons le terme « évolutionnaire » à celui de « évolutionniste », dans la mesure où ce dernier connote également l’idée d’évolution déterminée ex ante.

41 Voir notamment les chapitres 5, 6 et 8.

42 C’est ici que se situe peut-être le principal point de clivage entre l’institutionnalisme historique et les approches marxistes. Rattacher le marxisme et le matérialisme historique à une conception déterministe de l’histoire ne va toutefois pas de soi, et on n’abordera pas ici la question de savoir si Marx développe une telle conception dans son Introduction à la critique de l’économie politique (1857). Nous ne rejetons pas a priori la possibilité que le marxisme, notamment dans ses développements contemporains, développe une approche évolutionnaire de l’histoire. Dans ce cas, il existerait probablement une forte proximité entre l’institutionnalisme et certaines approches marxistes. Nous laissons toutefois cette question en suspens et adoptons un point de vue

P6 : Le capitalisme comme système historique spécifique

Ce dernier principe se place sur les plans substantif et théorique, et non méthodologique et épistémologique. Il indique que les analyses s’inscrivant dans le cadre de l’institutionnalisme historique partent du postulat que l’économie capitaliste est un système spécifique dont l’émergence, l’évolution et le fonctionnement doivent être expliqués à partir de ses fondements institutionnels. Le capitalisme est à la fois appréhendé comme un système économique contingent, c'est-à-dire dont l’émergence résulte très largement de la combinaison « accidentelle » d’un ensemble de facteurs, et spécifique, dans le sens où le capitalisme n’est qu’un des modes d’organisation des relations économiques ayant gouverné les sociétés humaines. Toute analyse institutionnaliste du capitalisme doit donc s’attacher à en restituer l’émergence et surtout être en mesure de souligner ce que ce système a de particulier dans son fonctionnement par rapport à d’autres l’ayant précédé. Sur un plan épistémologique, cela indique que le capitalisme est un concept (un idéaltype) construit dans le but de saisir la spécificité des économies occidentales, et non pas un moyen de désigner un ensemble d’institutions considéré comme universel.

L’idée défendue dans ce travail est que le noyau dur du programme de recherche de l’institutionnalisme historique peut se définir par ces six principes et, par conséquent, par le

L’idée défendue dans ce travail est que le noyau dur du programme de recherche de l’institutionnalisme historique peut se définir par ces six principes et, par conséquent, par le