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Jugement de l’enseignant et facteurs les plus prédictifs des performances ultérieures

Chapitre 1 : L’échec scolaire au sein du système éducatif français

4. Le jugement des enseignants

4.6. Jugement de l’enseignant et facteurs les plus prédictifs des performances ultérieures

Enfin dans l’étude de 2001, Guimard et Florin ont examiné la valeur prédictive d’une évaluation des comportements scolaires réalisée par des enseignants en MSM sur les compétences scolaires et principalement en lecture en CP et en CE2. Cette étude concerne une centaine d’enfants suivis de la MSM au CE2. Les enseignants doivent évaluer les élèves sur leurs comportements, leurs capacités à s’intégrer dans la classe, leurs capacités à suivre le rythme de la classe et leur niveau de participation à la conversation scolaire. En MSM les capacités cognitives et langagières ont été appréhendées par l’intermédiaire d’épreuves standardisées. En CP et en CE2 ce sont les capacités en lecture qui sont évaluées par l’intermédiaire de tests standardisés. De plus, en CE2, les auteurs ont considéré les performances des élèves aux évaluations nationales de français et de mathématiques. Les résultats suggèrent que les évaluations comportementales des enseignants en MSM constituent des composantes différentes mais complémentaires de celles obtenues par des évaluations cognitives et langagières standardisées. Les évaluations comportementales constituent donc une source d’information à prendre en compte dans l’adaptation scolaire. De plus, certains comportements scolaires contribuent à expliquer les performances scolaires en CP et en CE2. L’organisation du travail, le pronostic d’adaptation scolaire, le niveau de participation à la conversation scolaire et le niveau de langage sont les comportements des élèves de MSM évalués par les enseignants qui prédisent le mieux les capacités en lecture en CP. La capacité à organiser son travail, la confiance en soi, le pronostic d’adaptation scolaire, le niveau de participation à la conversation scolaire sont les comportements des élèves de MSM évalués par les enseignants qui prédisent le mieux la plupart des capacités en lecture en CE2 révélées par des tests standardisés. De plus, la confiance en soi, le pronostic d’adaptation scolaire, l’autonomie en classe et la capacité à organiser son travail sont les facteurs les plus prédictifs des performances en français et en mathématiques telles qu’évaluées par les évaluations nationales en CE2. Enfin, certains comportements semblent constituer des indicateurs pertinents pour identifier, dès la MSM, des enfants présentant des profils comportementaux « à risque » pour les apprentissages ultérieurs. Selon cette étude il

semblerait que dès la MSM, le jugement émis par l’enseignant concernant la confiance en soi, l’adaptation scolaire, le niveau de participation aux conversations scolaires et les capacités à organiser son travail permettent, dans une certaine mesure, de différencier les élèves qui seront scolairement faibles ou forts en CP et en CE2.

5. Conclusion

Les études concernant l’échec scolaire sont nombreuses, tout comme les critères utilisés par les chercheurs en vue de le définir. Cependant, nous pouvons considérer qu'un élève est en échec lorsque son niveau de compétence réel est en décalage avec les objectifs définis par le système éducatif. Aujourd’hui, on préfère la notion de difficultés scolaires ou de grandes difficultés scolaires à celle d'échec scolaire pour désigner l’écart des élèves face aux objectifs fixés par l’école. Un des objectifs de l'école est d'amener 100% des enfants à la réussite. Chaque année, en France, les élèves sont confrontés à des objectifs spécifiques à leur niveau scolaire. Ainsi, c'est aux enfants désignés comme étant en échec ou en difficulté scolaire que nous nous sommes intéressés. Ces enfants en difficulté pour atteindre les objectifs fixés par le système éducatif sont, à nos yeux, ni plus ni moins que des enfants en difficulté d'adaptation au système éducatif. Par ailleurs, nous pouvons noter que le taux d’élèves en grande difficulté scolaire augmente de 1% entre la fin de l’école primaire et la fin de l’école obligatoire plaçant ainsi plus de 4% de jeunes de 17-18 ans en situation d’illettrisme. Il semblerait donc que le traitement de l’échec scolaire ne soit pas efficace. Pourtant, de nombreuses mesures d’aide sont proposées aux élèves en difficultés d’apprentissage. La plupart des études qui traitent de l’échec scolaire prennent en compte le redoublement comme principal indicateur de l’ampleur du phénomène. La littérature met en avant que le redoublement n’est pas une pratique utilisée par tous les pays de la communauté européenne et on observe alors des différences de performance selon le modèle pratiqué à l’avantage des pays favorisant un passage automatique. D’autre part, il semble que le redoublement soit inefficace, inéquitable et amplificateur des inégalités. Enfin, il ne favorise pas les acquis des élèves ; en début d’école élémentaire, il est prédictif de faibles chances de réussite et affecte négativement le sentiment de performance, la motivation et les comportements d’apprentissage. Ainsi, c’est le traitement de la difficulté scolaire par le redoublement qui ne semble pas efficace. Cependant, concernant les autres types de dispositifs (RASED, CLAD, RA, CLIS…), l’insuffisance des travaux scientifiques en la matière ne nous permet pas d’avoir le même degré d’information. Par ailleurs, nous avons

souligné le fait que les difficultés scolaires sont décrétées par l’enseignant à la suite d’une évaluation. La prise de décision concernant les actions d’aide et de soutien et les procédures d’orientation en découlent. Nous pensons que cette évaluation, peu importe l’aide proposée, place l’enfant sous le statut d’élève en difficulté et le stigmatise. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés aux jugements des enseignants et aux conséquences de ces jugements sur les élèves. Cependant, aujourd’hui, si selon Guimard, Florin et Nocus (2002), le jugement de l’enseignant semble permettre de dépister les difficultés scolaires dès le plus jeune âge et de lutter contre l’échec scolaire, selon Bressoux et Pansu (2003), il aurait aussi des conséquences négatives sur les perceptions de soi. A ce sujet, les dimensions conatives des effets de la grande difficulté scolaire ont été moins souvent pris en compte dans les études, et tout particulièrement chez les jeunes enfants. Mais lorsqu’on sait qu’un redoublement au début de la scolarité est prédictif d’une sortie sans qualification du système éducatif, qu’il est connoté négativement et synonyme d’échec scolaire, on peut se demander quel est son impact sur l’estime de soi et la confiance dans le devenir scolaire des jeunes élèves. Nous pouvons noter que, du point de vue psychologique, la difficulté scolaire se présente comme le résultat d’une construction sociale dans le sens où l’école peut contribuer à la formation de la personnalité et parfois entamer l’estime de soi de l’élève (Garbellini, 1998). Selon cet auteur et son approche systémique de l’échec scolaire, il y aurait une prédisposition subjective de l’élève à l’échec scolaire et une réalité effective de l’échec entraînant des conséquences psychologiques négatives : perte d’estime de soi chez l’élève. De plus, l’une des hypothèses avancée actuellement considère que le redoublement affecterait les processus conatifs des élèves, et en particulier leur estime de soi (Crahay, 2007). Vécue comme un échec personnel, l’expérience du redoublement conduirait les élèves à développer un sentiment d’incompétence ou de résignation apprise (Ehrlich & Florin, 1989) qui aurait pour effet de les démobiliser dans les tâches scolaires et, ce faisant, de les entraîner dans la spirale de l’échec (Crahay, 2007). De plus, de façon générale, des travaux de recherche récents attestent que l’estime de soi est une dimension conative directement impliquée dans les apprentissages scolaires et en particulier ceux de l’écrit (Siaud-Facchin, 2005). C’est pourquoi, les difficultés d’apprentissage de la lecture et l’estime de soi seront abordées de manière plus détaillée dans les deuxième et troisième chapitres de cette approche théorique.

Chapitre 2 : L’apprentissage de la lecture et ses