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2. Définition, structure et principales caractéristiques de l'estime de soi

2.3. L’évolution des approches structurales

Le développement des recherches portant sur la structure de l’estime de soi est lié aux avancées méthodologiques et aux outils d'évaluation qui en découlent. Ainsi, si l’on s’intéresse aux différentes théories portant sur la structure du soi et aux différents modèles qui permettent d’en rendre compte, on peut repérer trois approches qui se succèdent.

La première approche est unidimensionnelle. Le postulat repose sur l’existence d’un seul facteur général pouvant rendre compte de l’estime de soi (Coopersmith, 1967 ; Rosenberg, 1965). En 1967, Coopersmith cherche à savoir si l’estime de soi varie selon les domaines d’expérience. Pour cela, il propose à 56 enfants âgés de 10 à 12 ans un questionnaire de 50 items permettant de distinguer quatre domaines : le scolaire, la famille, les pairs et les références générales au soi. Il ne trouve pas que les enfants s’évaluent différemment selon les domaines et conclut que les enfants n’ont pas la faculté de distinguer des domaines mais qu’ils expriment plutôt un jugement global envers eux-mêmes. Ainsi, les

premiers modèles théoriques de l’estime de soi (pour une revue, voir Marsh & Hattie, 1996) sont créés par analogie au modèle de l’intelligence de Spearman pour lequel le facteur G (facteur général) est censé représenter l’intelligence générale. Selon cette approche, un facteur général domine les dimensions de l’estime de soi et ne permet pas de différencier d’autres facteurs. Pendant de nombreuses années, c’est à cette estime de soi globale que les chercheurs se sont intéressés, et ce, au détriment des évaluations de soi dans différents domaines. Cependant, d'autres chercheurs ont démontré la nature multidimensionnelle de l’évaluation du soi sur la base d'analyses factorielles, et les modèles postulant une perspective globale unidimensionnelle du soi ont été contestés, à la faveur de modèles multidimensionnels du soi (Famose & Guerin, 2002). Cette deuxième approche repose sur l’idée que le sujet s’évalue différemment selon les domaines considérés. Selon Harter (1982), il y a autant d’estimes de soi que de domaines de références pris en compte par l’enfant. Aujourd’hui, l’idée selon laquelle le concept de soi est unidimensionnel est complètement abandonnée au profit des théories multidimensionnelles qui considèrent l’existence de sois multiples. A ce sujet, Famose et Guérin (2002) rapportent que l’on peut différencier deux types de modèles multidimensionnels : les Modèle Multidimensionnel Indépendant (MMI ; cf. figure 2) et les Modèle Multidimensionnel Corrélé (MMC ; cf. figure 3). Ce qui les différencie est le degré de corrélation entre les diverses dimensions. Alors que les MMI requièrent que tous les facteurs ne soient pas corrélés, les MMC requièrent qu’ils le soient. De plus, selon ces modèles, il n’existerait pas d’estime de soi général.

Figure 2 : Modèle Multidimensionnel Indépendant (Famose & Guérin, 2002)

Physique Social ………. Scolaire

Figure 3 : Modèle Multidimensionnel Corrélé (Famose & Guérin, 2002)

Cependant, Harter (1982) propose un modèle multidimensionnel de l’estime de soi (cf. figure 4) qui reconnaît aussi bien l’existence de domaines spécifiques dans l’évaluation de soi qu’une estime de soi générale. Le questionnaire qu’elle a mis au point, le Self Perception Profile (SPP) permet à la fois d’évaluer l’estime de soi générale des enfants et la perception qu’ils ont de leurs compétences dans les domaines social, scolaire, de l’apparence physique, des compétences physiques et de la moralité des conduites. Grâce à ce questionnaire, Harter (1982) a montré que les évaluations que les personnes faisaient de leurs compétences dans ces différents domaines étaient très peu liées entre elles mais, en revanche, qu’elles exerçaient une influence sur le niveau d’estime de soi générale.

Figure 4 : Modèle Multidimensionnel de Harter (1982)

Physique Social ………. Scolaire

Estime de soi générale Compétence physique Apparence physique Social Scolaire Moralité des conduites

La prise en compte du domaine général et des domaines spécifiques de l’évaluation de soi a mené de nombreux auteurs à considérer que le concept de soi est organisé de manière hiérarchique. On a donc vu apparaître une troisième approche dite multidimensionnelle hiérarchique qui permet de rendre compte des relations entre les différentes dimensions de l'estime de soi dont l'estime de soi générale. Cette approche aide les chercheurs à comprendre les mécanismes de changement et offre de nouvelles perspectives au niveau des mesures de l’estime de soi. Shavelson, Hubner, et Stanton (1976) ont proposé un modèle multidimensionnel hiérarchique (cf. figure 5).

Figure 5 : Modèle multidimensionnel hiérarchique d’après Shavelson et al. (1976, p. 413)

Selon ce modèle, l’estime de soi générale est placée au-dessus et les domaines spécifiques du soi au-dessous (Hattie & Marsh, 1996). Ainsi, le concept de soi général se différencie en deux concepts de soi, un scolaire et un non scolaire, qui sont eux-mêmes divisés en catégories sous-ordonnées. Le concept de soi non scolaire comprend le concept de soi physique, le concept de soi émotionnel et le concept de soi social. Le concept de soi Général Concepts de soi scolaire et non scolaire Concept de soi général

Concept de soi non scolaire

Concept de soi scolaire

Français Histoire Maths Sciences

Concept de soi social Concept de soi émotionnel Concept de soi physique Pairs Autres significatif Etats émotionnels particuliers Capacité Physique App. Physique Sous champs des concepts de soi Evaluation et conduite dans des situations particulières

scolaire comprend quatre sous-domaines : lettres, histoire, mathématiques et science. Le concept de soi social comprend deux sous-domaines : pairs et autrui significatifs. Le concept de soi émotionnel comprend un sous-domaine : état émotionnel particulier. Le concept de soi physique comprend deux sous-dimensions : habileté physique et apparence physique. Enfin, chacun de ces sous-domaines se subdivise en des concepts de soi séparés et spécifiques. Par ailleurs, ce modèle permet de rendre compte des relations entre les perceptions d'un sous- domaine et les perceptions générales de soi. Une performance perçue comme positive à une tâche augmente le niveau d'auto-évaluation des domaines et des sous-domaines qui y sont associés. Ce renforcement va également influencer positivement le niveau d'estime de soi générale. Ainsi les perceptions des compétences en mathématiques auraient un impact sur les perceptions des compétences scolaires qui, à leur tour, auraient un impact sur le concept de soi en général.

Enfin, L’Ecuyer (1978, 1990, 1997) a également proposé un modèle multidimensionnel hiérarchique du concept de soi (cf. tableau 1). Il considère qu’en tant que système, le concept de soi serait composé d’un ensemble très varié de perceptions qu’une personne éprouve à son sujet. Ces perceptions seraient organisées en cinq structures qui sont elles-mêmes divisées en plusieurs sous-catégories. Ces cinq structures sont le soi matériel, le soi personnel, le soi adaptatif, le soi social et le soi-non-soi. Le soi matériel est composé du soi somatique et du soi possessif, le soi personnel de l’image de soi et de l’identité de soi, le soi adaptatif de l’estime de soi et des activités, et le soi social des attitudes sociales et de la sexualité. Le soi-non-soi renvoie aux références aux autres et aux opinions des autres. Par ailleurs, il convient de préciser que selon L’Ecuyer (1997), le concept de soi est formé de connaissances descriptives sur soi mais aussi de connaissances auto-évaluatives de soi. Ainsi, le concept de soi défini par cet auteur est constitué d’un versant évaluatif et d’un versant descriptif. Cet aspect évaluatif reflète l’estime de soi.

Structures Sous-structures Catégories

Soi matériel

Soi somatique

Traits et apparence physiques

Condition physique et santé

Soi possessif Possession d'objets

Possession de personnes Soi personnel Image de soi Aspirations Énumération d'activités Sentiments et émotions Goûts et intérêts Capacités et aptitudes Qualités et défauts Identité de soi Dénominations simples Rôle et statut Consistance Idéologie Identité abstraite Soi adaptatif

Valeur de soi Compétence

Valeur personnelle Activités du soi Stratégie d'adaptation Autonomie Ambivalence Dépendance Actualisation Style de vie Soi social

Préoccupations et attitudes sociales

Réceptivité Domination Altruisme

Référence à la sexualité Référence simple

Attrait et expérience sexuels

Soi-non-soi

Référence à l'Autre

Opinion des Autres sur soi

Il est aujourd’hui admis que l’estime de soi est multidimensionnelle. Cependant, nous pouvons constater qu’il n’existe pas de consensus concernant les différentes dimensions. Ceci peut s’expliquer par le fait que l’estime de soi renvoie à une multitude de perceptions, relatives à différents domaines de l’expérience quotidienne, où l’individu est confronté à ses propres capacités, ses propres compétences (Harter, 1998). C’est pourquoi il peut exister autant d’estimes de soi que de domaines de référence pris en compte par l’individu.