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Chapitre 2 : L’apprentissage de la lecture et ses difficultés

2. Les mécanismes nécessaires à la lecture

2.1.Identification des mécanismes

La lecture est une activité complexe qui implique la mise en œuvre coordonnée d’opérations de différentes natures mettant en jeu des habiletés générales (attention, mémoire, connaissances générales,…), des habilités spécifiques au traitement de l’information écrite

(Demont & Gombert, 2004) mais aussi des habiletés cognitives, sociales et linguistiques (Fayol & Morais, 2004). La psychologie cognitive et la psychologie développementale ont tenté de comprendre les processus mis en œuvre lors de la lecture. Dès 1989, Gough et Juel postulent que lire nécessite la présence simultanée de deux composantes et proposent la célèbre formule : L = R x C où L correspond à la lecture, R à la reconnaissance des mots et C à la compréhension. Depuis, les modèles théoriques considèrent que l’acte de lire fait appel à l’interaction de deux processus essentiels dans le traitement de l’écrit (pour une revue, voir Magnan & Colé, 1992) : une composante spécifique impliquant des processus de traitement qualifiés de bas niveau - la reconnaissance des mots écrits - et une composante non spécifique à la lecture, impliquant des processus de traitement qualifiés de plus haut niveau - la compréhension. En 1998, l’Observatoire National de la Lecture (ONL, 1998, p. 211) rapporte « qu’apprendre à lire, c’est développer des habiletés dans deux domaines : l’identification des mots écrits, et le traitement du sens pour la compréhension de texte ». Cette même définition est reprise dans le rapport plus récent de 2007 (ONL, 2007), ainsi que dans les programmes de l’école primaire (MEN, 2002 ; MEN, 20081). Ainsi, l’identification des mots écrit et la compréhension semblent être les mécanismes de base de l’apprentissage de la lecture. Nous allons alors préciser brièvement de quoi il s’agit.

2.2. Description des mécanismes

2.2.1. L’identification des mots écrits

Identifier les mots consiste à retrouver en mémoire la forme orale des mots et leur sens (Gaux, 2007). Les auteurs s’accordent pour dire qu'il y a deux manières d’identifier les mots : par la voie directe et par la voie indirecte (Bouchafa, 2007 ; Demont & Gombert, 2004 ; Ecalle & Magnan, 2002 ; Fayol & Morais, 2004 ; Gaux, 2007 ; Marivain, 1992 ; MEN, 2008 ; Valdois & De Partz, 2000 ; Queva, 2003).

Concernant l’accès indirect au lexique, on parle également de voie alphabétique (Ecalle & Magnan, 2002), d’assemblage (Marivain, 1992), de déchiffrage (MEN, 2008), ou encore de décodage (Gaux, 2007). Le recours à la voie indirecte permet de retrouver un mot dont l’image orthographique n’est pas mémorisée (MEN, 2008). Dans ce cas, les lettres sont assemblées pour constituer des syllabes prononçables, le mot est prononcé et comparé aux

1 Les programmes de l’école primaire en vigueur lors de la réalisation cette étude, étaient ceux de 2002 (MEN, 2002).

mots proches dont on a déjà l’image auditive en mémoire (Ecalle & Magnan, 2002 ; Gaux, 2007 ; MEN, 2008 ; Quéva, 2003). Le recours à la voie indirecte permet de lire des mots nouveaux et des pseudo-mots (Quéva, 2003). Cependant, elle ne peut pas traiter les mots irréguliers, ni les homophones (Valdois & De Partz, 2000). Lorsque le lecteur dispose déjà, dans sa mémoire, de l'image orthographique d'un mot, l’identification se réalise par la voie directe (MEN, 2008).

Concernant l’accès direct au lexique, on parle également de voie orthographique (Ecalle & Magnan, 2002) ou d’adressage (Marivain, 1992). Cette procédure permet de reconnaître rapidement le mot, à la fois visuellement, auditivement et sémantiquement (MEN, 2008 ; Valdois & De Partz, 2000). Gaux (2007) ajoute que cette procédure consiste à identifier le mot sur la base d'une analyse orthographique globale. Cette voie est indispensable à la lecture des mots irréguliers et des homophones même si elle ne peut traiter que ceux appris auparavant (Valdois & De Partz, 2000). Ainsi, les programmes de l’école primaire (MEN, 2008) précisent que ce mécanisme correspond à la lecture experte. Autrement dit, lire couramment n’est possible que quand les mots sont connus (image orthographique du mot en mémoire) et reconnus (visuellement, auditivement et sémantiquement).

2.2.2. La compréhension

La compréhension consiste à donner un sens aux mots identifiés (ONL, 1998). Pour reprendre les propos de Golder et Gaonac’h (2004), la compréhension est une interprétation car comprendre ce n’est pas extraire la signification d’un texte lu mais la reconstruire activement. Selon l'ONL (2005), l'activité de compréhension consiste en la construction mentale d'une représentation de ce qui est écrit.

Par ailleurs, chez les lecteurs débutants, le niveau de compréhension en lecture dépendrait des capacités en compréhension orale et en identification du mot écrit. Pour beaucoup d’auteurs, la compréhension mise en jeu dans la lecture n’est pas différente de celle qu’on mobilise pour comprendre l’oral (Fayol, 1992 ; Gombert & Colé, 2000 ; Men, 2008 ; Morais, 1999 ; Valdois, 2001) même si elle présente des particularités (Chauveau, 2002). Colé et Fayol (2000) précisent qu’on ne rencontre pas les mêmes types d’énoncés dans les échanges oraux et dans les textes qu’on est amené à lire. Pour Gombert (1990), la compréhension en lecture nécessite une approche plus explicite que la compréhension orale. De plus, comprendre ce qu’on lit constitue la finalité même de l’activité de lecture. Bien que la compréhension ne soit pas une caractéristique propre à l’écrit, elle suppose que le décodage

ne mobilise plus l'attention des élèves (ONL, 2005). Chez les lecteurs débutants, la compréhension écrite est très dépendante de l’identification des mots écrits. Lecocq, Casalis, Leuwers et Watteau (1996) ont en effet montré que la plus grande part de variance des performances en compréhension écrite était expliquée par la rapidité et la précision du décodage. Les bons décodeurs sont donc également ceux qui comprennent le mieux ce qu’ils lisent (Morais, 1999). Tant que les processus d’identification des mots écrits ne sont pas entièrement maîtrisés, la compréhension orale est meilleure que la compréhension écrite (ONL, 2005). Au fur et à mesure que le décodage devient plus aisé, la différence entre compréhension écrite et orale diminue, jusqu’à obtenir une parfaite corrélation entre les deux chez les lecteurs experts (Gombert & Colé, 2000).

Par ailleurs, la compréhension sollicite de nombreuses connaissances -phonologiques, orthographiques, morphologiques, sémantiques, épisodiques et conceptuelles- alors que les ressources cognitives du jeune lecteur sont limitées (Fayol, 1992 ; Golder & Gaonac’h, 2004 ; Gombert & Fayol, 1995). C’est au cours des différentes phases de construction de la représentation du texte que ces connaissances sont activées (Fayol, 1997). De plus, le rapport de l’ONL (2005) précise que la compréhension en lecture fait appel à des capacités de traitement du lexique, de la syntaxe de phrase et de la syntaxe des textes. Ainsi, l'activité de compréhension nécessite de l'attention et un effort important pour coordonner les différents types d'informations et les intégrer en une représentation cohérente (ONL, 2005).