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Chapitre 2 : L’apprentissage de la lecture et ses difficultés

4. Les difficultés d’apprentissage de la lecture

4.6. Les facteurs liés aux difficultés d'apprentissage de la lecture

Afin d'optimiser la prise en charge des enfants en difficulté, il convient de connaître précisément chacun des nombreux facteurs contribuant aux différences individuelles dans l'apprentissage de la lecture au début de la scolarité primaire, ainsi que leurs relations. Dès 1986, Fijalkow fait état de quatre positions théoriques dans la recherche des facteurs liés aux difficultés d’apprentissage. La position organiciste ou médicale considère que les difficultés d’apprentissage de la lecture sont liées à des facteurs d’atteinte cérébrale, de prédisposition héréditaire ou d’immaturité. La position cognitiviste ou éducative consiste à chercher l’origine des difficultés d’apprentissage de la lecture du côté de la perception, de la mémoire à court terme, de l’attention sélective, du langage, des variables métalinguistiques, de l’intelligence et des images. Une troisième position, psychanalytique, pose l’existence de troubles affectifs ou de caractéristiques de personnalité. Cependant, selon Fijalkow (1986), cette position ne permet pas de conclure que les troubles affectifs sont à l’origine des difficultés. Il retient l’hypothèse inverse qui stipule que ces troubles sont plutôt le résultat des difficultés en lecture. De plus, il note que la création des RASED coïncide avec le fait de privilégier les facteurs affectifs. La position du « handicap socioculturel » présuppose des déficits d’ordre sociologique. Enfin, selon Fijalkow, une quatrième position stipule que les facteurs scolaires sont responsables des difficultés d’apprentissage. Cette position renvoie à l’école cette responsabilité. Parmi les variables scolaires susceptibles d’avoir un effet, on retrouve les méthodes de lecture, les comportements pédagogiques des enseignants en classe lors des activités de lecture et les caractéristiques professionnelles et/ou personnelles de l’enseignant. Par ailleurs, il semblerait que les attentes du maître soient déterminantes pour les résultats en lecture des élèves. Plus récemment, Gaux et al. (2007) stipulent que les difficultés de lecture des mauvais lecteurs peuvent provenir de deux axes :

(1) un retard dans l’apprentissage lié à une scolarité irrégulière, un faible investissement consécutif à des problèmes affectifs et émotionnels, un faible intérêt associé à une absence de valorisation de la lecture au sein du milieu familial, ou à des pratiques familiales peu favorables au développement du langage oral ;

(2) de déficits généraux localisés au niveau des systèmes sensoriels (acuités visuelles ou auditive) ou du système cognitif (déficience mentale).

De plus, Gaux (2007) souligne que l’enfant s’approprie les usages de l’écrit à travers différentes pratiques sociales et culturelles. Il importe de considérer le rôle des partenaires de cet apprentissage (Gaux, 2007). Elle stipule qu’il existe deux ensembles distincts mais complémentaires de travaux en psychologie cognitive de l’écrit. Le premier se centre sur les mécanismes cognitifs de la lecture et le second s’intéresse à l’influence des pratiques familiales et éducatives sur l’apprentissage de la lecture.

D’autre part, selon Bouchafa (2007), l’acquisition de la lecture met en jeu divers facteurs sociologiques et psycho-affectifs, mais aussi cognitifs. Elle précise que les facteurs environnementaux seraient à l'origine des faibles performances des enfants qui ne présentent pas de troubles cognitifs ou neurologiques. Parmi ces causes, elle repère un contexte socioculturel défavorable mais aussi un manque de valorisation de la lecture, des problèmes socio-éducatifs, aussi bien que des problèmes de motivation. Enfin, le DSM-IV (2003), précise que les troubles des apprentissages sont généralement associés à une mauvaise estime de soi et à des déficits dans les capacités adaptatives.

5. Conclusion

Les considérations précédentes conduisent aux conclusions suivantes. Pour appréhender le niveau de maîtrise de la lecture, il faut pouvoir appréhender les performances en compréhension et en identification du mot écrit. Les capacités de reconnaissance de mots s’évaluent en distinguant l’utilisation des stratégies de recodage graphème-phonème des stratégies orthographiques. La mise en place de ces mécanismes nécessite un enseignement permettant de passer du stade de pré-lecteur à celui de lecteur novice puis de lecteur expert. La finalité de la lecture est la compréhension. Pour pouvoir atteindre cette finalité, l’élève doit d’abord automatiser les procédures d’identification (Demont & Gombert, 2004 ; Gombert & Colé, 2000 ; MEN, 2008). De nombreux modèles décrivent l’évolution dans le traitement du mot. Deux types de modèles s’opposent : les modèles développementaux et les modèles interactifs. Les premiers envisagent une suite de stades dont l’ordre de succession est stricte et identique pour tous les enfants et font consensus concernant la nécessité de passer par le stade alphabétique pour accéder au traitement orthographique. Les modèles interactifs proposent, non pas une succession, mais une interaction entre les processus d’identification et laissent la place à l’hypothèse d’une coexistence des deux procédures de traitement dès le début de

l’apprentissage. Le modèle de compréhension de Giasson (1990) présente l’avantage de s’intéresser aux dimensions conatives de la lecture. Les instructions officielles (MEN, 2008 ; ONL, 2005) s’appuient sur ces modèles pour orienter les enseignants dans la pratique de l’enseignement. En guise de référence, le modèle développemental de Frith (1985) y est exposé, avec l’idée d’ordre immuable et de progression à respecter pour l’enseignement de la lecture. Celui-ci peut poser problème et entraîner précocement de nombreux élèves à se retrouver en grande difficulté. Afin d’optimiser la prise en charge des enfants en difficulté, de nombreux facteurs sont évoqués. Les aspects cognitifs sont les plus souvent cités, au détriment des aspects conatifs. L’une des raisons est très certainement qu’il est difficile d’évaluer les dimensions conatives et plus particulièrement chez les jeunes enfants. Or, de nombreux auteurs considèrent que l’estime de soi est une dimension conative directement impliquée dans les processus d’apprentissage de l’écrit (Giasson, 1990 ; Siaud-Facchin, 2005). Lorsqu’on sait qu’un redoublement en début de scolarité est prédictif de faibles chances de réussite ultérieure (Cailles, 2004), il importe d’autant plus d’évaluer le rôle de l’estime de soi à ce niveau de la scolarité. En conséquence, le chapitre suivant fera état des connaissances actuelles au sujet de l’estime de soi.