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3. Développement de l’estime de soi

3.2. Les théories du développement de l’estime de soi

3.2.1. Le développement de l’estime de soi selon L’Ecuyer

L’Ecuyer (1978, 1990, 1997) s’est intéressé au développement du concept de soi de l’enfance jusqu’à la vieillesse chez les hommes et chez les femmes. Il a alors présenté un modèle expérientiel-développemental du soi dont nous avons déjà exposé les bases théoriques précédemment afin de mettre en évidence la structure du concept de soi. Nous allons maintenant nous intéresser à l’aspect développemental de ce modèle. Le modèle proposé est basé sur les observations de sujets de 3 à 100 ans. L’Ecuyer est le seul à avoir étudié le concept de soi sur un éventail d’âges aussi large, en ayant toujours recours à la même méthode d’exploration : la méthode de « Genèse des Perceptions de Soi » (GPS). Cette méthode est auto-descriptive et consiste à poser comme question au sujet « qui es tu ? » afin d'analyser les descriptions de soi qui sont données spontanément par les individus. Ainsi, on peut suivre pas à pas les multiples transformations du concept de soi. Ses travaux lui ont permis de mettre en évidence les évolutions du concept de soi, de distinguer six stades de développement du concept de soi dont quelques-uns comportent des sous-stades, et de préciser les caractéristiques de chaque stade. Ces six stades sont les suivants:

- stade 1 : émergence du soi (0 à 2 ans) ; - stade 2 : confirmation de soi (2 à 5 ans) ; - stade 3 : expansion du soi (6 et 10 ans) ;

- sous-stade 4- a : différenciation du soi (10-12 ans à 15-16 ans) - sous-stade 4- b : adaptation du soi (17-18 ans à 21-23 ans) - stade 5 : maturation de soi (24 à 57 ans) ;

- sous-stade 5- a : polyvalence du soi (24 à 43 ans) ;

- sous-stade 5- b : reconnaissance et accomplissement du soi (44 à 57 ans) ; - stade 6 : permanence du soi (58 à 100 ans)

- sous-stade 6- a : reviviscence du soi (58 à 77 ans) ; - sous-stade 6- b : sénescence du soi (78 à 100 ans).

Dans cette étude, nous nous intéressons plus particulièrement aux enfants de 6 à 8 ans. C’est pourquoi, nous ne présenterons que les caractéristiques des trois premiers stades.

Stade I : Emergence du soi de 0 à 2 ans

La description de ce stade résulte de l’analyse de documentations sur le sujet et non des travaux mêmes de L’Ecuyer (1978, 1990, 1997), puisque les enfants de cet âge sont incapables d’explorer verbalement le contenu des perceptions qu’ils ont d’eux-mêmes. L’Ecuyer s’est alors intéressé aux travaux portant sur le développement de la conscience de soi chez les jeunes enfants, autrement dit sur les différentes manifestations de l’existence d’un soi, comme la reconnaissance de soi dans le miroir, la reconnaissance de soi à partir de photographies ou de films ou encore le passage du « il » au « je » dans le langage. Ainsi, L’Ecuyer rapporte de ses lectures que de 0 à 2 ans, l’enfant va développer une conscience de soi. Entre 12 et 24 mois, l’enfant commencerait à utiliser certaines formes de catégories comme le sexe, l’âge et l’efficacité. Ainsi, il commencerait à organiser ses perceptions de lui- même. Selon L’Ecuyer, cela n’a rien de surprenant étant donné que lors du stade suivant l’enfant peut verbaliser ses représentations de lui-même. Il souligne que l’enfant comprend le langage avant de pouvoir le maîtriser. Plus récemment, une série de recherches effectuée par Rochat et ses collaborateurs ont mis en évidence que bien avant de se reconnaître dans le miroir (vers 18 mois), le bébé manifeste une connaissance de soi comme entité différenciée (Rochat & Hespos, 1997), située (Rochat & Goubet, 1995 ; Rochat, Goubet, & Senders, 1999), agente (Rochat, 2001, 2006) et organisée (Rochat & Morgan, 1995). Rochat (2003, 2006) précise qu’il s’agit d’un Soi perçu et non encore d’un Soi représenté ou d’un concept de Soi à proprement parler.

Stade II : La confirmation de soi de 2 à 5 ans

Cette étape est centrée sur la scolarisation et le développement de la dimension sociale de l’estime de soi. L’entrée à l’école maternelle correspond à une période intense de socialisation ; elle pose les bases des représentations de l’enfant face aux apprentissages, aux interactions et aux règles sociales. De plus, grâce au langage oral, l’enfant peut verbaliser ses ressentis, et se comparer à ses pairs ainsi qu’aux adultes. Ainsi, à partir de deux ans, L’Ecuyer (1997) constate qu’un concept de soi réel existe puisque l’enfant devient capable de verbaliser les perceptions qu’il a de lui-même. Selon L’Ecuyer, le fait que le concept de soi soit déjà bien établi et organisé chez les enfants de 2 à 5 ans apparaît à travers l’analyse des auto- descriptions puisque les cinq structures fondamentales du soi (soi matériel, soi personnel, soi adaptatif, soi social, soi-non-soi) sont en place, de même que 8 des 10 sous-structures et 14 des 28 catégories spécifiques (cf. tableau 1 : Modèle multidimensionnel hiérarchique de L’Ecuyer, 1978, 1990, 1997). Ainsi, on constate que chez de si jeunes enfants le concept de soi est déjà bien développé mais pas encore complètement élaboré. Par ailleurs, les enfants de cette période d’âge s’identifient par l’intermédiaire des autres, sur la base de la ressemblance aux autres, de l’association avec eux ou de la différence par rapport aux autres. L’Ecuyer souligne que ces images d’eux-mêmes sont juxtaposées les unes près des autres sans encore de réels liens entre elles.

Stade III : L’expansion du soi de 6 à 10 ans

L’Ecuyer (1997) a nommé ce stade ainsi car il considère que l'augmentation du nombre et de la variété des nouvelles expériences sont à l’origine d’un élargissement du concept de soi entre 6 et 10 ans. En effet, L’Ecuyer constate que durant cette troisième période, neuf nouvelles dimensions apparaissent chez les garçons et quatre chez les filles mais ce sont surtout les contenus internes de chaque dimension qui se multiplient et se complexifient. A 6 ans, a lieu l’entrée au CP. L’accumulation d’une variété d’expériences sociales, cognitives, affectives, a antérieurement conduit à la structuration progressive du concept de soi chez l’enfant, qui consiste en un ensemble de perceptions auxquelles l’enfant se réfère comme faisant partie de lui. Les réactions de l’entourage renforcent ces perceptions initiales. Cependant, les expériences négatives et les réactions contradictoires de la part de ses parents, amis ou enseignants rendront difficile l’acquisition du sens de consistance interne lui permettant de se reconnaître malgré les changements qui se produisent au cours de son évolution. De nouvelles perceptions s’imposent et il doit les intégrer : réactions de ses pairs et des enseignants à ses succès ou échecs, la réussite ou non dans les différentes matières

scolaires, sa popularité avec ses pairs. C’est une période intense durant laquelle s’accumule et se hiérarchise progressivement une variété d’images de soi. En effet, à 8 ans, des liens commencent à s’établir entre les diverses perceptions de soi. De plus, le concept de soi durant ce stade devient plus cohérent.

Ainsi, nous pouvons constater que le concept de soi évolue quantitativement et qualitativement. Les perceptions qu’une personne a d’elle-même ne sont pas toujours les mêmes d’un âge à l’autre, d’une période de vie à l’autre, ni à l’intérieur d’une même dimension. Cependant, ce modèle développemental comporte quelques limites. D’une part, les groupes étudiés dans les travaux de L’Ecuyer ne concernent que des enfants de 3, 5, 8 et 12 ans. Ainsi, le troisième stade ne comporte que des descriptions d’enfants âgés de 8 ans. L’Ecuyer n’a donc pas pu décrire les nuances possibles de l’estime de soi au cours de cette période d’âge. D’autre part, la méthode qu’il utilise est sujette à critiques. Selon Piolat (1999), cette tâche d’auto-description établit une forme de communication particulière qui est soumise à des contingences diverses, situationnelles et personnelles. Celles-ci orienteraient le les descriptions de soi. C’est pourquoi le modèle développemental de L’Ecuyer est peu pris en compte dans les études sur l’estime de soi. Cependant, d’autres auteurs ont cherché à mieux comprendre le développement de l’estime de soi en se basant sur la méthode du questionnaire sous forme d’échelles d’attitudes. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux travaux de références de Harter et Marsh.