Pâte de ciment
III 3.2 Paramètres mécaniques de la matrice de C-S-H
III.4 Aspects hydriques du modèle
III.4.2 Isothermes de sorption-Distribution de tailles de pores
Les isothermes de sorption sont nécessaires pour la connaissance du comportement hydrique des matériaux cimentaires et dépendent fortement de leur microstructure, notamment de la distribution poreuse. Expérimentalement, lessai qui permet dobtenir lisotherme de sorption,
0,0 5,0 10,0 15,0 20,0 25,0
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00
Epaisseur d'eau adsorbée (Å)
Humidité relative CO (Baroghel-Bouny, 2007) CH (Baroghel-Bouny, 2007) BO (Baroghel-Bouny, 2007) (Harkins et Jura)
(Badmann et al, 1981)
0 100 200 300 400 500 600
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00
rayon (Å)
Humidité relative T = 20°C
T = 80°C
T = 200°C
117
consiste à contrôler la perte de masse dun échantillon soumis à la dessiccation à plusieurs humidités relatives données (désorption) et la reprise de masse lors du chemin inverse (adsorption). Pour tenir compte de la cinétique très lente des processus, les paliers de stabilisation à différentes humidités relatives doivent être suffisamment longs. Par conséquent lessai peut durer plusieurs mois. Il est courant dapprocher lisotherme expérimentale par une fonction continue, en se basant sur une approche mathématique permettant une interprétation physique de la structure poreuse du matériau. En sinspirant de lexploitation des résultats de porosimétrie au mercure, on définit une fonction de distribution de rayon de pores qui sécrit :
( ) ( )
avec li le poids de la sous-distribution i. Cette description permet de représenter la porosité sur une large gamme de tailles de pores. (Diamond et Dolch 1972) ou encore (Roy et al. 1993) ont proposé une description de la porosité des matériaux cimentaires par une somme de distributions log-normales généralisées. Ce type de fonctions représente correctement les densités de probabilité de la taille des pores mais a linconvénient dexiger en données dentrée le spectre de porosité (tailles de pores minimale et maximale) sur lequel il sapplique. Une autre fonction, qui elle saffranchit de cette condition et souvent rencontrée dans la littérature est la fonction de distribution de Schulz initialement proposée par (Schulz 1939) et utilisée notamment par (Lu et Torquato 1992; Torquato 2001; Bary et al. 2008). Cette fonction possède des propriétés mathématiques intéressantes et a été choisie dans le cas de notre étude.
III.4.2.1 Loi de distribution de Schulz La fonction de densité de Schulz sécrit :
( )
contexte de la porosité des matériaux cimentaires la variable r joue le rôle de rayon de pores et Ri représente le rayon moyen de la classe i permettant de décrire la localisation du mode poreux. Il peut sécrire en fonction de la distribution par :( )
¥( ) ( )
= =
ò
0i i i
R R ; X R X R f R dR (3.44)
118
mi est un paramètre qui peut être apparenté à lécart type de la distribution et qui indique si le mode poreux est plus ou moins étalé sur laxe des abscisses (Figure 3.12). Le réseau est dautant plus étalé que m est grand et le cas limite mi Æ ¥ correspond à une distribution de tailles de pores identiques. A partir de la fonction de densité de la classe i, on la fraction volumique cumulée de pores sous la forme (Bary 2011) :
( ) ( )
inférieur à r. La fraction volumique totale de pores de la distribution ayant un rayon inférieur àr sobtient donc par :
( )
f( r )=l fi i r (3.46)
Lorsque le paramètre mi est identique pour toutes les classes de pores, mi =mf , la fraction volumique totale des pores ayant un rayon r¢inférieur à r peut se réécrire sous la forme discrète (Bary 2011) :
Dans le cas où les pores de rayon r¢< r sont saturés, le degré de saturation correspondant est obtenu en rapportant la fraction volumique des pores remplis deau f
( )
r à la fraction volumique totale soit (Bary 2011) :( ) ( )
S rl =f r /f (3.49)
avec f f=
(
rÆ ¥ =)
l ki i / mf . Les paramètres li sobtiennent en combinant cette dernière relation avec léquation (3.48) (Bary 2011) :l = f
119
Figure 3.12 : Fonctions de distributions pour différentes valeurs de m lorsque R=20nm
III.4.2.2 Application : pâte de ciment CEM I e/c = 0.3
Nous avons vu précédemment que la loi de Schulz permet de décrire une distribution de taille de pores par la somme de plusieurs sous-distributions. Nous allons décomposer la porosité des matériaux cimentaires en deux grandes classes de pores : les pores du gel de C-S-H et les pores capillaires. Une autre classe pourrait être attribuée à la porosité grossière (bulles dair occlus, air entrainé) mais il est généralement admis que cette porosité nintervient quasiment pas dans les forces responsables du comportement macroscopique, le retrait par exemple (Houst et Wittmann 1989). En conditions de séchage, leau dans ces pores est rapidement évaporée et le rayon du ménisque formé est trop grand pour que la pression capillaire soit importante (Equation de Laplace). De plus la présence de cette porosité dépend des conditions de malaxage et de mise en
uvre du matériau. Dans la suite on ne sattardera pas à décrire de façon précise cette classe de porosité. Si on se réfère à la section précédente, la distribution poreuse du matériau est totalement connue si les paramètres R1, m1 et R2, m2 (les indices 1 et 2 correspondent respectivement aux classes de pores du gel de C-S-H et de la porosité capillaire) sont identifiés pour chaque classe de pores dans les couche interne et externe, les porosités f f1= GP et f2 =fCP étant données par le modèle de Jennings (cf section III.3). Pour identifier ces paramètres la première approche serait dutiliser des résultats de porosimétrie par intrusion de mercure par exemple, ou des résultats obtenus par une autre technique expérimentale et den déduire lisotherme de sorption par la suite. Nous avons plutôt fait le choix didentifier ces paramètres directement sur des isothermes de sorption obtenues expérimentalement plutôt que sur des distributions de porosité brutes. La première raison étant que les résultats de porosimétrie ne représentent pas forcément toutes les gammes de pores présentes dans le matériau et quil faut par conséquent rester prudent sur lexploitation de ces résultats. De plus le but ultime de la modélisation du réseau poreux reste pour nous la courbe disotherme de sorption qui selon (Baroghel-Bouny 1994) est une véritable carte hygro-structurale du matériau. La première étape dans lidentification des paramètres de la distribution poreuse est dexpliciter la relation
0,0 0,2 0,4 0,6
1,00 10,00 100,00
V/r
Rayon r (nm)
m =1 m = 3
m = 5 m = 10 m = 50
120
( )
l = r
S f h pour les couches interne et externe, au niveau I de la microstructure schématisée sur la Figure 3.2. Rappelons quindépendamment des classes de pores explicitées plus haut il existe dans chaque couche deux catégories de pores, celle saturée par leau capillaire et la deuxième partiellement saturée par leau adsorbée, ces deux classes sont délimitées par le rayon capillaire rc. Le degré de saturation au niveau I sobtient par :
f f
· fsat la quantité deau capillaire rapportée au volume total de vides
· fads la quantité deau adsorbée rapportée au volume total de vides
· fj la porosité totale dans les couches interne et externe.
Ces deux premières quantités sobtiennent en moyennant les volumes deau dans les pores sur la gamme de pores auxquels ils correspondent et ceci en faisant intervenir lopérateur de comparée aux résultats expérimentaux dune isotherme réalisée sur une pâte de ciment au même rapport e/c = 0.3 et effectué à T= 23°C (Drouet 2010) . Les deux courbes sont illustrées sur la Figure 3.13. On peut remarquer que lisotherme obtenu par le modèle est très proche des valeurs expérimentales. Les paramètres identifiés Ri et mi pour les deux classes de pores dans les couches internes et externes sont : R1int =R1ext =2 nm, R2ext =25 nm, m1int =m1ext =3 et m2ext =5. Ces valeurs de rayons sont cohérentes aux rayons de pores dans les matériaux cimentaires si on se réfère par exemple à la classification des tailles de pores proposée par Jennings (Tableau 1.4).
Dans cette classification les pores du gel LD et HD C-S-H (ici R1int et R1ext), responsables des phénomènes de retrait sont de tailles comprises entre 1 et 10 nm. . Les pores capillaires (ici R2ex t) eux responsables du retrait et du fluage à haute humidité relative seraient de tailles comprises
121
entre 10 et 50 nm. On peut donc supposer que les ordres de grandeur des tailles de pores identifiés sont satisfaisants.
Figure 3.13 : Comparaison de lisotherme dadsorption du modèle avec des valeurs expérimentales sur pâte de ciment CEM I e/c = 0.3
Les porosités de la couche interne et externe pour la pâte de ciment e/c = 0.3 calculées par le modèle de Jennings sont fint =0 15. et fext =0 43. . La Figure 3.14 montre simultanément lévolution du degré de saturation des couches interne et externe qui représentent le niveau I et celle de la pâte de ciment (niveau II).
Figure 3.14 : Isothermes dadsorption dans les couches interne et externe (Niveau I) et dans la pâte de ciment CEM I e/c = 0.3 (Niveau II).
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00
Degré de saturation
Humidité relative Modèle CEM I e/c = 0.3
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00
Degré de saturation
Humidité relative Pâte de ciment
Couche interne Couche externe
122
A humidité relative donnée le degré de saturation dans la couche interne est supérieur à celui de la couche externe. En effet les plus petits pores (pores du gel C-S-H) sont les premiers à se remplir lorsque lhumidité relative augmente. Les plus gros pores (pores capillaires) qui sont contenus dans la couche externe ne contiennent quune fine couche deau adsorbée et ne sont remplis que pour des humidités relatives proches de 1. On peut remarquer également que le degré de saturation de la pâte de ciment (équation (3.54)) est évidemment comprise entre les degrés de saturation des couches interne et externe, puisquil est calculé comme leur moyenne.
Afin dévaluer leffet des paramètres Ri et mi sur la forme des isothermes, nous avons testé plusieurs jeux de paramètres (Ri,mi) (voir Tableau 3.2) avec les mêmes valeurs de porosité des couches interne et externe correspondant au matériau e/c = 0.3 (fint =0 15. et fext =0 43. ). Les résultats sont présentés sur la Figure 3.15. On peut voir sur le début des isothermes que les courbes avec R1j=2 nm (isotherme CEM I e/c = 0.3, isothermes 1, 2 et 3) se distinguent nettement des courbes avec R1j=10 nm (isothermes 4 et 5). Ces deux dernières sont évidemment en dessous de lisotherme CEM I e/c = 0.3 en traits discontinus sur la figure, car elles correspondent à des matériaux avec des gros pores capillaires (R2ext =80 et 50 nm ). Si on suit ce raisonnement lisotherme 4 serait donc en dessous de lisotherme 5. Ce qui nest pas le cas puisque le réseau poreux est beaucoup plus étalé pour lisotherme 5 (m2ext =5) que pour lisotherme 4 (m2ext =1). On est capable avec la méthode destimation disothermes qui a été présentée de représenter les isothermes de plusieurs gammes de matériaux.
Figure 3.15 : Isothermes dadsorption de la pate CEM I=0.3 pour différentes valeurs de m et deR dans les couches interne et externe (T=20°C).
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00
Degré de saturation
Humidité relative Isotherme 1
Isotherme 2 Isotherme 3 Isotherme 4 Isotherme 5 CEM I e/c = 0.3
123
Tableau 3.2 : Paramètres de la distribution poreuse Matériaux 1
( )
Rint nm 1
( )
Rext nm 2
( )
Rint nm 2
( )
Rext nm m1int m1ext m2in t m2ext CEM I e/c
= 0.3 (référence)
2 2 - 25 3 3 - 5
Matériau 1 2 2 - 25 1 1 - 1
Matériau 2 2 2 - 25 1 1 - 3
Matériau 3 2 2 - 25 3 3 - 1
Matériau 4 10 10 - 80 5 5 - 1
Matériau 5 10 10 - 50 5 5 - 5
Il peut être parfois plus utile dans la modélisation dobtenir la courbe capillaire plutôt que lisotherme de sorption. La pression capillaire dans le matériau est reliée à lhumidité relative hr à travers léquation de Kelvin. Comme la relation entre le degré de saturation et lhumidité relative que nous venons dexpliciter est connue, la courbe capillaire donnant la pression capillaire en fonction du degré de saturation est directement obtenue. Les courbes capillaires correspondant aux isothermes de la Figure 3.14 sont illustrées sur la Figure 3.16. On y voit lévolution de la pression capillaire dans le matériau en fonction des degrés de saturation des couches interne, externe et de la pâte de ciment.
Figure 3.16 : Courbe capillaire dans les couches interne et externe (Niveau I), dans la pâte de ciment (Niveau II).
0 200 400 600 800
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00
Pression capillaire (MPa)
Degré de saturation Pâte de ciment Couche interne Couche externe
124