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I NTRODUCTION GENERALE

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 21-26)

En France l’industrie nucléaire est la principale source de production d’électricité. Elle représente en effet actuellement près de 80% de la production totale. La sureté nucléaire et la gestion des déchets radioactifs constituent donc une préoccupation majeure des pouvoirs publics. A ce titre le Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives (CEA) participe à de nombreux projets de R&D relatifs à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l’arrêt et au démantèlement des installations nucléaires de base, ainsi qu’au stockage et à l’entreposage des substances radioactives dont l’objectif est de prévenir les accidents ou d’en limiter les effets.

Cette thèse est le fruit d’une collaboration entre le Laboratoire d’Etude du Comportement du Béton et des Argiles (LECBA) du CEA et le Laboratoire de Mécanique et de Technologies (LMT) de l’Ecole de Normale Supérieure de Cachan (ENS-Cachan).

Parmi les ouvrages de génie civil du parc nucléaire français qui nous intéressent dans cette étude, nous pouvons citer les parois en béton des enceintes de confinement, les aéroréfrigérants (Figure 0.1), les ouvrages de stockage et d’entreposage des déchets radioactifs (Figure 0.2). Souvent le choix des matériaux cimentaires pour ces ouvrages relève d’un compromis entre des considérations économiques, technologiques et surtout scientifiques en termes de durabilité et de propriétés de confinement des radionucléides. On dispose en effet d’une large gamme de matériaux, avec la possibilité de les adapter afin d’avoir non seulement des résistances mécaniques très élevées, mais aussi de faibles perméabilités et de faibles coefficients de diffusion de solutés (diminution de la solubilité de certains radionucléides du fait de la barrière chimique que constitue le béton). De plus les matériaux cimentaires bénéficient d’un retour d’expérience non négligeable dans le domaine du génie civil depuis une centaine d’années.

Par exemple pour le projet EPR de Flamanville 3, il a été retenu une double paroi en béton sans peau d’étanchéité pour l’enceinte de confinement. La paroi interne est en béton à haute performance (BHP) précontraint de 130 cm d’épaisseur pour le cylindre et de 90 cm pour le dôme. La paroi externe est en béton armé de 130 cm d’épaisseur. Le béton joue dans ce cas à la fois le rôle de structure mais également de barrière étanche. Son comportement mécanique ainsi que sa faculté à ne pas se laisser traverser par des fluides sont des points essentiels pour l’évaluation de la sureté des installations nucléaires. En France ces enceintes sont testées sous une pression équivalente à celle qui pourrait y apparaitre en situations accidentelles afin de vérifier leur résistance et leur étanchéité. Une situation accidentelle est celle qui se produit lorsqu’il y a rupture d’une tuyauterie du circuit primaire ou d’un circuit secondaire provoquant un fort relâchement de vapeur d’eau dans l’enceinte. Il s’en suit une élévation de température et de pression importante de l’atmosphère de l’enceinte (environ 150°C, 4 bars relatifs). Selon que la rupture est apparue sur le circuit primaire ou secondaire l’accident est appelé APRP (Accident par Perte de Réfrigérant Primaire) ou RTV (Rupture de Tuyauterie de Vapeur). Les essais correspondants appelés épreuves de l’enceinte ont lieu avant la mise en service du bâtiment, puis périodiquement (normalement tous les dix ans, parfois tous les 5 ans).

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Figure 0.1 : Aéroréfrigérant de la centrale nucléaire de Civaux (www.edf.com ).

Figure 0.2 : Représentation d’un colis de déchets MAVL (Tiré de (Drouet 2010)).

Il est à noter que pour obtenir un chargement qui soit complètement représentatif des chargements des conditions de l’accident dans l’enceinte, il faudrait ajouter au chargement de pression, le chargement thermique qui lui ne peut être simulé lors de l’épreuve. Ajoutons que les parois internes de l’EPR eux devront en particulier résister à une pression accidentelle plus élevée que celle de l’APRP en l’occurrence environ 5.5 bars relatifs.

Malgré la qualité des essais effectués, des rapports de groupes d’experts français et allemands soulignent que l’absence de chargement thermique de l’enceinte lors des épreuves ne permet pas d’assurer la représentativité de ces essais vis-à-vis des situations accidentelles réelles (http://www.sénat.fr; Rapport sur le contrôle de la sureté et de la sécurité des installations nucléaires). De plus le retour d’expérience montre que pour passer l’épreuve plusieurs enceintes ont dû faire l’objet de travaux destinés à améliorer l’étanchéité de la paroi interne (pose locale d’un revêtement d’étanchéité sur des zones dites singulières, initialement fissurées lors de la construction de l’ouvrage, ou difficiles à précontraindre). Par exemple, les résultats des dernières épreuves de tranches Cattenom 3, Flamanville 1 et Cattenom 2 montrent la particulière sensibilité

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constituée par l’accès matériel, où des microfissures traversantes sont apparues, lors des épreuves après quelques années de perte de précontrainte due au fluage du béton. A ce titre, on estime que les simulations numériques permettant de prédire le comportement thermo-hydro-mécanique des parois en béton des enceintes de confinement avec prise en compte de la fissuration pourront donc servir d’appui technique et d’aide à la décision aux autorités de sureté. La modélisation du comportement du béton face à ce type de sollicitations permettra également de mieux appréhender les dimensionnements des futures enceintes ou de simuler les taux de fuite lors des épreuves des enceintes existantes.

En ce qui concerne les déchets radioactifs, leur mode de gestion repose sur une classification tenant compte du niveau d’activité des déchets et de la période des radionucléides. Deux types de filières de prise en charge peuvent être identifiés en fonction de ces deux paramètres principaux (Tableau 0.1).

Tableau 0.1 : Classification des déchets radioactifs en fonction de leur niveau d’activité et période d’après le Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs.

Une stratégie de gestion des déchets radioactifs est l’entreposage comme étape préalable et complémentaire au stockage (durée séculaire), afin de prendre en compte les flux de production et la décroissance radioactive. Après l’entreposage, le stockage en couche géologique profonde est considéré comme une solution pérenne (jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’années) pour les déchets de hautes et moyennes activités à vie longue (HA-MAVL). La radioactivité des déchets est caractérisée par l’émission d’une forte puissance thermique au moment où ils sont produits.

Dans le concept d’entreposage (ou de stockage en phase d’exploitation), il est prévu un procédé de ventilation permettant de dissiper la chaleur émise par les déchets et de limiter l’élévation de la température à 80°C aux points les plus chauds de la structure. Dans ces conditions, le béton est soumis simultanément à un échauffement dû à l’exothermie des déchets, au séchage lui-même accéléré par l’élévation de la température de l’air prélevé à l’extérieur entrainant la chute de l’humidité relative. Le béton peut dans ces cas se fissurer ce qui va accélérer les transferts hydriques à travers la structure.

En définitive le béton que ce soit dans les enceintes de confinement en fonctionnement accidentel, ou dans les ouvrages de stockage et d’entreposage en fonctionnement normal peut être soumis à des contraintes thermo-hydro-mécaniques (THM) modérées en présence de fissuration. Cette thèse s’inscrit dans le cadre de l’étude de la modélisation et de la simulation du

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comportement THM et du fluage des bétons au CEA/LECBA mis en place depuis quelques années. Les études ont conduit notamment au développement du modèle THMs (Bary et al.

2008; Bary 2011). Elle rentre également dans le cadre du projet national CEOS.fr piloté par EDF auquel contribue le CEA/DPC/DM2S qui traite de la fissuration et du retrait des ouvrages spéciaux en béton, et dont l’objectif est de fournir des outils fiables et robustes capables d’estimer et de prédire l’état de fissuration lié à l’endommagement des éléments de structure en béton armé ou précontraint. En effet bien que les effets des chargements THM sur le comportement macroscopique soient relativement bien connus, les modèles restent encore insuffisamment précis, en particulier en présence de fissuration. De plus ils incorporent généralement peu, voire pas du tout d’informations microstructurales, si bien que des essais plus ou moins complexes pour identifier les paramètres des modèles phénoménologiques sont généralement nécessaires afin de pouvoir prédire le comportement d’un nouveau matériau. Le modèle THMs est un modèle simplifié dans le sens que la phase gazeuse est supposée constituée uniquement de vapeur d’eau, ce qui diminue le nombre d’équations à prendre en compte dans le système. En effet un grand nombre de paramètres et grandeurs physiques interviennent dans les équations du système, et ceux-ci varient généralement en fonction des variables d’état (par exemple le coefficient de perméation varie en fonction de l’état de saturation, de déshydratation de la phase solide, de la température, …). Ainsi il n’est pas forcément nécessaire de développer un modèle extrêmement performant prenant en compte de nombreux phénomènes, si l’identification expérimentale des fonctions et paramètres introduits, indispensable à son utilisation, n’est possible qu’avec un degré de précision bien moindre que celui du modèle. Un premier objectif de cette thèse est de limiter dans le modèle THMs le nombre de paramètres phénoménologiques à identifier en intégrant des informations issues de l’échelle de la microstructure des matériaux cimentaires. L’idée est de construire une modélisation multi-échelle basée sur une description précise de la microstructure permettant d’estimer les paramètres mécaniques et hydromécaniques à l’aide de techniques d’homogénéisation analytiques. Le second objectif de cette thèse est de décrire numériquement de façon plus fine que les modèles macroscopiques existants, la fissuration du béton soumis à des chargements THM. En l’état actuel des recherches la fissuration reste assez bien maitrisée en termes d’ouverture et d’espacement de fissures sur des structures élémentaires type tirant, poutres en flexion, mais les outils dont on dispose ne permettent pas toujours de déterminer un état représentatif de la fissuration lorsqu’il s’agit d’ouvrages spéciaux et où les chargements sont plus complexes (sollicitations thermiques et hydriques sévères)(www.ceos.fr). Afin de répondre à cet objectif, on a envisagé dans cette thèse le recours à la méthode des éléments discrets. Cette méthode se base sur une description du matériau non pas à l'échelle macroscopique, mais à une échelle proche de la microstructure du matériau. Ainsi, un modèle particulaire représentant le matériau comme un assemblage de particules pouvant se rompre sous sollicitations est considéré.

Avec cette approche, la fissuration est représentée explicitement, permettant une analyse directe de l'ouverture de fissure. Un des avantages de la méthode est qu’elle intègre naturellement une variabilité spatiale des propriétés physiques des matériaux telle que celle identifiée pour un matériau hétérogène quasi-fragile comme le béton. Le modèle utilisé est celui développé par Arnaud Delaplace au LMT Cachan (Delaplace et al. 2003; Delaplace et Desmorat 2007; Delaplace et Hild 2007), que nous avons intégré et couplé au modèle THMs, implanté dans le code de calcul par éléments finis Cast3M (www-cast3m.cea.fr). Outre l’apport concernant la représentation de la fissuration, l’intérêt de cette méthode réside dans le fait que les transferts hydriques dans les

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fissures seront estimés de manière fiable à l’aide d’approches appropriées. Les flux obtenus seront réintroduits dans le calcul THM réalisé à l’échelle macroscopique. Cet aspect est en effet essentiel vis-à-vis de la prédiction de la durabilité et de la durée de vie des structures.

Ce manuscrit est subdivisé en quatre chapitres. Le premier chapitre est consacré à l’analyse bibliographique de la microstructure des matériaux cimentaires. Cette analyse est primordiale pour construire une représentation multi-échelle réaliste du matériau. On passe en revue dans ce chapitre les aspects microstructuraux qui caractérisent les matériaux obtenus à partir d’un mélange avec la pâte de ciment.

Le second chapitre est également consacré à une analyse bibliographique, cette fois-ci concernant la modélisation couplée THM des matériaux cimentaires. Dans la première partie l’accent est mis sur l’identification des paramètres de couplage HM notamment le coefficient et le module de Biot et ceci en conditions saturées mais également en conditions partiellement saturées. La deuxième partie présente les techniques d’homogénéisation en élasticité linéaire et leurs applications aux milieux poreux que sont les matériaux cimentaires. Cet aspect représente le soubassement de la modélisation proposée par la suite.

Le chapitre 3 a pour objectif la mise au point d’un modèle d’estimations des paramètres mécaniques et hydromécaniques dans les conditions du matériau saturé ou partiellement saturé, sain et fissuré, drainé et non drainé, estimations qui serviront de données d’entrées au modèle THMs. Les applications porteront respectivement sur une pâte de ciment, un mortier et un béton et les résultats seront confrontés à des valeurs expérimentales afin de procéder à la validation de la modélisation proposée.

Le dernier chapitre est consacré à la procédure de couplage éléments finis (EF)/éléments discrets (ED) dont l’objectif est principalement de raffiner l’étude de la fissuration dans une zone globale d’endommagement obtenue par EF. La procédure est présentée et appliquée à une série de cas-test correspondant en premier lieu à un chargement purement mécanique permettant de cas-tester la faisabilité de la méthode et en second lieu, d’analyser la réponse du modèle en termes de transferts de masse dans un cas de chargement complet THM.

Enfin sont détaillées les conclusions et perspectives qui se dégagent de ce présent travail.

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C HAPITRE I

G ENERALITES SUR LA MICROSTRUCTURE DES MATERIAUX

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