Pâte de ciment
III.3 Paramètres dentrée du modèle
III.3.1 Les fractions volumiques des hydrates
Les estimations des paramètres mécaniques et hydromécaniques qui vont suivre nécessitent dobtenir les fractions volumiques dhydrates présents dans les couches interne et externe (Niveau I), les proportions des deux couches dhydrates (Niveau II) et la fraction volumique dITZ considérée (Niveau III). Ces valeurs dépendent de la composition minéralogique du ciment, mais aussi des rapports e/c, s/c (sable/ciment) ou encore du rapport g/c (granulats/ciment). A défaut de données expérimentales, plusieurs modèles dhydratation, sur la base dune approximation de la stchiométrie des réactions dhydratation du ciment fournissent des estimations réalistes des volumes dhydrates présentes en phase. Compte tenu du type dapproche développé dans ce travail, et du souci de construire un modèle analytique qui nécessite un minimum dinformations initiales, nous avons retenu le modèle de Jennings (Tennis et Jennings 2000) qui comme souligné dans le chapitre 1 présente quelques avantages par rapport au modèle de Powers (Powers et Brownyard 1947; Brouwers 2004; Brouwers 2005). Il différencie en effet les deux types de C-S-H (LD et HD C-S-H) et donne séparément pour chaque hydrate formé sa fraction volumique. Le Tableau 3.1 regroupe pour plusieurs valeurs du rapport e/c les fractions volumiques dhydrates formés calculées avec le modèle de Jennings. Nous avons utilisé pour cela un code développé au LECBA par Syriac Béjaoui dans lequel les réactions dhydratation du modèle de Jennings sont mises en équations. Dans le Tableau 3.1 la deuxième colonne relative aux degrés dhydratation est obtenue à partir la formule de léquation 1.1. Il convient par la suite sur la base de ces fractions volumiques de clarifier la répartition volumique de chacune des phases présentes dans le matériau aux différentes échelles.
Tableau 3.1: Fractions volumiques dhydrates dans une pâte de ciment CEM I pour différentes valeurs du rapport e/c. (Béjaoui et al. 2006).
104
III.3.1.1 fractions volumiques dans la pâte de ciment - Niveau I
Ces fractions volumiques sont celles dans le Tableau 3.1. Les notations suivantes correspondent à :
- CP : pores capillaires, - GP : pores du gel de C-S-H, - UC : Grain de ciment anhydre.
A ce niveau il sagit de répartir les fractions volumiques entre les couches interne et externe. Les hydrates qui jouent le rôle dinclusions sont répartis dans les couches interne et externe, de manière proportionnelle à la fraction volumique des HD C-S-H et LD C-S-H contenus initialement dans le matériau. Pour cela on définit les ratios et ¢qui sécrivent :
HD C S H
Dans les couches interne et externe, la fraction volumique de lhydrate quon veut distribuer est donnée par : rappelle que la porosité capillaire CP se trouve exclusivement dans la couche externe et les pores du gel de C-S-H constituent la porosité des LD et HD C-S-H. Pour retrouver les fractions volumiques globales dhydrates fint et fext dans chacune des couches interne et externe, il suffit donc dadditionner les fractions volumiques des hydrates présentes dans cette couche soit :
105
Le gel du LD C-S-H est vu comme une matrice dense dans laquelle on retrouve la porosité GP de 24%. La fraction volumique des pores du gel LD C-S-H et de la matrice C-S-Hint de LD C-S-H sont donc respectivement dans la couche interne :
- - - -
On désigne par fintla porosité totale (pores du gel + pores capillaire) dans la couche interne et par fext celle dans la couche externe :
fint = fGPint (3.14)
fext = fGPex t + fCPext (3.15)
Les Figure 3.3 et 3.4 montrent la variation des fractions volumiques des différents hydrates dans les couches interne et externe, et de la porosité en fonction du rapport e/c. On peut sapercevoir que les fractions volumiques varient peu en fonction du rapport e/c dans les couches, ce qui peut
106
sembler à priori paradoxal. En réalité cette constatation est tempérée par le fait que ce sont plutôt les fractions volumiques globales de la couche externe (resp. interne) qui augmentent (resp.
diminuent) quand le rapport e/c augmente comme lillustre la Figure 3.5.
- Niveau II
Une fois que les différents hydrates sont répartis dans les couches interne et externe, on peut facilement en déduire les proportions volumiques à léchelle II des trois phases du schéma auto-cohérent généralisé. La fraction volumique du ciment anhydre reste celle calculée par le modèle de Jennings, elle diminue suivant que le rapport e/c augmente. Les fractions volumiques globales des deux couches sécrivent :
Figure 3.3 : Fractions volumiques des phases dans la couche interne dhydrates (Niveau I) en fonction du rapport e/c
107
Figure 3.4 : Fractions volumiques des hydrates dans la couche externe dhydrates (Niveau I) en fonction du rapport e/c
Figure 3.5 : Fractions volumiques des phases du ciment anhydre, de la couche interne et de la couche externe du schéma à trois phases en fonction du rapport e/c.
III.3.1.2 Fractions volumiques dans le mortier/béton
La démarche ici est de déterminer dans un premier temps les fractions volumiques de lITZ fITZ et de la pâte de ciment « saine » fhcp à partir des données sur la formulation du mortier/béton (granulométrie, e/c, s/c, ag/c etc ). Dans un second temps les volumes dhydrates calculés initialement (Tableau 3.1) seront répartis entre la pâte de ciment « saine » et lITZ proportionnellement à leurs fractions volumiques. On peut dores et déjà écrire que :
hcp g ITZ 1
f + f + f = (3.18)
0,00 0,10 0,20 0,30 0,40 0,50
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65
F rac ti o n v ol u m iq u e
e/c
GP CH AF C-S-H ext CP
0,00 0,20 0,40 0,60 0,80 1,00
0,25 0,35 0,45 0,55 0,65
F rac ti o n v ol u m iq u e
e/c
Ciment anhydre Couche interne Couche externe
108 avec fg la fraction volumique des granulats.
- Estimation des fractions volumiques de lITZ et de la pâte de ciment « saine »
LITZ est supposée uniforme et son épaisseur constante autour des granulats (Neubauer et al.
1996; Garboczi et Bentz 1997; Li et Zheng 2007). (Lu et Torquato 1992) sur la base de la théorie du « nearest-neighbor distribution» qui caractérise la probabilité de trouver une particule voisine à une certaine distance à partir dun point de référence dans un système de particules interagissant, ont proposé une méthode analytique permettant destimer la fraction volumique de couronnes autour de particules sphériques de tailles différentes et distribuées aléatoirement. (Garboczi et Bentz 1998) ont appliqué la formule à lestimation de la fraction volumique de lITZ dans le béton. La méthode prend en compte les recouvrements éventuels de lITZ quon peut observer lorsque sa fraction volumique est importante dans le matériau (Figure 3.6).
Figure 3.6 : Schéma de recouvrement de lauréole de transition dépaisseur constante autour des granulats.
La fraction volumique de la pâte de ciment « saine » est obtenue par la variable statistique e tv
( )
, t étant lépaisseur de la couronne. Pour une épaisseur de lITZ r=tITZ sa fraction volumique est donnée par (Lu et Torquato 1992) :( )
ITZ 1 g v ITZ
f = - f -e t (3.19)
avec fg la fraction volumique des granulats et le terme e tv
(
ITZ)
est donné par (Lu et Torquato 1992) :( )
= -(
1) (
-pr(
+ 2 + 3) )
v ITZ ag ITZ ITZ ITZ
e t f exp ct dt gt (3.20)
avec r le nombre de granulats par unité de volume ;c, d et g des coefficients moyennés sur la distribution de la taille des granulats obtenue en exploitant la courbe granulométrique (Garboczi et Bentz 1998) :
ITZ
granultas
109 expliquent que le terme contrôlé (3ème terme à droite de léquation (3.23) ) par ce paramètre est négligeable devant la fraction volumique totale de lITZ. De plus selon les auteurs, sur la base de comparaisons avec des résultats numériques exacts, le choix A=0 donne systématiquement les plus petits écarts. Dans la suite A est pris égal à zéro. Lestimation des paramètres N, R et R2 nécessite la connaissance de la granulométrie des granulats utilisés. Elle est donnée sous la forme de pourcentages massiques de particules passant au travers de tamis successifs de maille Di. Considérant M le nombre de mailles utilisées et ci la fraction volumique de particules ayant un diamètre compris entre Di et Di+1, on a la relation (Garboczi et Bentz 1998) :
å
M i =1i
c (3.24)
Les pourcentages massiques considérés sidentifient à des pourcentages volumiques pour des granulats de même densité. Souvent la distribution de taille de granulats entre deux tamis successifs nest pas connue. Elle peut être assimilée soit à une distribution uniforme de volume soit à une distribution uniforme de diamètre de granulats. Dans le premier cas la fraction
110
La relation (3.24) peut se réécrire sous forme intégrale :
+
( )
On en déduit lexpression de r sous la forme (Garboczi et Bentz 1998)
(
31 3)
1et les moyennes du rayon, du carré du rayon sécrivent respectivement sous la forme (Garboczi et Bentz 1998) :
Notons que les grandeurs 2 R , p R2 représentent le rayon et la surface moyens des granulats dans le matériau. Nous proposons dillustrer la méthode avec les formulations dun mortier CEM I à e/c = 0.5 et s/c =3 et dun béton e/c = 0.48 et g/c =5.48. La fraction volumique du sable dans le mortier est de 50% et celle des granulats dans le béton est de 66%. Les courbes granulométriques utilisées correspondent aux spécifications EDF (Granger 1996) et sont tracées sur la Figure 3.7. On montre sur la Figure 3.8 lévolution des fractions volumiques de lITZ et de la pâte de ciment saine dans le mortier et le béton. On constate quà une même épaisseur de lITZ, sa fraction volumique est évidemment beaucoup plus importante dans le mortier que dans le béton.
111
Figure 3.7 : Courbes granulométriques du sable 0/5, des granulats 5/12.5 et 12.5/25 des bétons de référence EDF (Granger 1996; Reviron 2009).
Figure 3.8 : Evolution des fractions volumiques de lITZ et de la pâte de ciment saine dans le mortier et dans le béton.
- Répartition des phases et porosité dans lITZ
On ne détaille ici que lestimation de la porosité dans lITZ, les hydrates sont répartis de la même manière que dans le cas des couches interne et externe. Cette manière-ci de répartir les hydrates rend en partie compte du fait que la microstructure de la pâte de ciment nest pas la même que celle ci était comprise dans un mortier/béton. Le rapport entre la porosité de lITZ et celle de la
0,0 20,0 40,0 60,0 80,0 100,0
0,0 10,0 20,0 30,0 40,0
Tamisats %
Diamètre des tamis (mm) Sable 0/5 Granulats 5/12.5 Granulats 12.5/25
0,0 0,1 0,2 0,3 0,4 0,5
0,00 20,00 40,00 60,00 80,00
Fraction volumique
Epaisseur de l'ITZ (µm)
ITZ_mortier hcp_mortier ITZ_béton hcp_béton
112
pâte de ciment est souvent estimé à environ 1.5 avec une certaine dispersion dans la littérature (Bourdette et al. 1995). On propose comme alternative ici destimer la porosité de lITZ en fonction de la porosité à leau f du mortier/béton obtenu expérimentalement. Cette façon de procéder suppose que lon attribue à lITZ lexcédent de la porosité du mortier par rapport à la pâte de ciment « saine » qui la constitue, telle que (Stora 2007) :
f f
fITZ = - hcp hcp
ITZ
f
f (3.32)
avec fITZ, la porosité globale de lITZ, soit la somme de la porosité capillaire et de la porosité du gel de LD C-S-H contenues dans lITZ.