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Isothérapie, préparations homéopathiques et préparations biodynamiques 130 

2. Les méthodes alternatives à l'usage du cuivre 19 

2.6. Isothérapie, préparations homéopathiques et préparations biodynamiques 130 

D. Andrivon

2.6.1. Définitions et principes d’action

L’isothérapie est fondée sur le principe consistant à ‘traiter le mal par le mal’, fréquemment employé – sous diverses formes – en médecine humaine et vétérinaire (vaccination…), et parfois en santé végétale. Sa déclinaison principale en santé des plantes consiste à employer des préparations hautement diluées et dynamisées de l’agent pathogène ou de plantes/organes infectés. Ces préparations, à base d’organismes vivants ou morts (cendres résultant de l’incinération de ravageurs par exemple), sont ensuite appliquées sur les plantes à traiter par pulvérisation. D’autres formes d’isothérapie ont également été employées, parfois avec succès, en santé végétale. C’est le cas des protocoles de prémunition par des souches atténuées de virus ou d’inoculation de plants avec des souches ‘hypovirulentes’ de champignons (Sneh, 1998).

L’homéopathie repose pour sa part sur un principe voisin, mais un peu différent par la nature des principes actifs. Elle emploie de hautes dilutions d’extraits naturels (plantes, sols…) dynamisés, dont certains peuvent être fortement toxiques à dose plus forte, et exploite la désormais célèbre "mémoire de l’eau". En effet, certaines préparations homéopathiques sont tellement diluées qu’elles ne peuvent statistiquement plus contenir une seule molécule de la substance d’origine ; les tenants de cette méthode prétendent que l’activité de ces préparations proviendrait alors de la capacité de l’eau à conserver l’empreinte moléculaire de ces substances. Comme l’isothérapie, il s’agit d’une forme assez répandue de médecine "douce", en santé humaine et animale.

Les préparations biodynamiques sont un ensemble de neuf préparations (désignées 500 à 508) dont les recettes ont été décrites par le fondateur du mouvement biodynamique, R. Steiner (Tableau 2.6-1). Ces préparations, elles aussi fortement diluées, sont censées favoriser la croissance, le développement et la capacité des plantes à résister à leurs ennemis. Elles peuvent être préparées par l’agriculteur lui-même ou achetées auprès de fournisseurs spécialisés.

Tableau 2.6-1. Composition des neuf types de préparations biodynamiques (d’après Chalker-Scott, 2013)

Préparation Ingrédients 500 501 502 503 504 505 506 507 508

Fumier de vache incubé dans une corne de vache

Silice issue de quartz finement broyé, mélangée à de l’eau de pluie et incubée dans une corne de vache Capitules floraux d’achillée (Achillea millefolium) incubés dans une vessie de cerf

Capitules floraux de camomille (Matricaria sp.) fermentés dans le sol Décoction / purin d’ortie (Urtica sp.)

Ecorce de chêne (Quercus sp.) incubé dans une boite crânienne d’un animal domestique Capitules floraux de pissenlit (Taraxacum officinale) incubés dans un intestin de vache Extrait de fleurs de valériane (Valeriana officinalis)

Purin / décoction de prêle (Equisetum arvense)

Au-delà de l’aspect quelque peu surprenant du mode d’obtention de certaines de ces préparations, il faut noter que plusieurs d’entre elles, comme par exemple le purin d’ortie (504) ou de prêle (508), sont parfois employées seules dans des contextes non biodynamiques, mais qu’il est souvent difficile d’en avérer une efficacité phytosanitaire répétable dans des essais factoriels classiques (cf. supra, section 2.2).

2.6.2. Effets phytosanitaires

Il existe très peu de travaux scientifiques publiés, et tous le sont dans des sources ‘grises’ de littérature (revues techniques, rapports sommaires, pages web grand public), sur l’efficacité de l’isothérapie par des préparations

fortement diluées et dynamisées de tissus malades ou de l’agent pathogène lui-même. La plupart de ces sources ne différencient d’ailleurs pas clairement les procédés relevant de l’isothérapie de ceux relevant de l’homéopathie. Si l’on se concentre sur le cas des maladies contrôlées ou visées par les traitements cupriques :

 Divers essais menés sur moniliose des fleurs d’abricotier montrent que les préparations isothérapiques à 2, 4, 8 et 12 DH (Décimales Hahnemanniennes) s’avèrent nocives, puisqu’elles augmentent la gravité de la maladie. Ces résultats sont issus de plusieurs années successives d’essais concordants (Ondet, 2009; Ondet and Roux, 2014).  Un rapport d’expérimentations ponctuelles en productions maraîchères, d’un homéopathe et jardinier amateur (Berger, 2011), montre un effet neutre ou délétère du traitement isothérapique sur mildiou de la tomate en application curative (p. 66), de même que sur la bactériose à Corynebacterium. La conclusion de l’auteur (p. 67) est toutefois sensiblement différente ("il se passe quelque chose" et "des traitements ont été efficaces", alors que la plupart du temps, les plantes traitées sont mortes ou restées gravement malades), et qu’il admet volontiers que la plupart des essais ne sont pas analysables statistiquement faute de témoin ou d’effectif suffisant. Les essais rapportés ne concernent en effet que quelques plantes à chaque fois, et ont été réalisés à l’occasion de l’observation d’un début d’attaque. De ce fait, tous les traitements ont été positionnés en applications curatives plutôt que préventives.  Un "retour d’expérience" sur céréales d’un agriculteur belge utilisant des préparations décrites comme isothérapiques, mais contenant également "des oligo-éléments et des extraits hydro-alcooliques" de nature et concentrations non décrites, rapporte des résultats prometteurs (Blondiaux, 2007). Toutefois, les imprécisions concernant la nature des préparations elles-mêmes interdisent d’attribuer les effets observés à la composante isothérapique de ces préparations. Par ailleurs, l’article signale qu’un recours à une protection chimique additionnelle se révèle parfois nécessaire.

Concernant l’homéopathie (hautes dilutions d’extraits végétaux – Arnica, Solanum spp –, ou minéraux – arsenic, soufre), la seule référence trouvée dans le Web of Science (Modolon et al., 2012) ne rapporte aucun effet positif statistiquement significatif de telles préparations pour lutter contre les ravageurs de la tomate au champ, et des effets parfois délétères pour la gestion de maladies parasitaires (en particulier la septoriose des feuilles). Des résultats plus encourageants ont été obtenus dans un essai sous serre, mais cette expérimentation n’a pas été répétée et les résultats sont donc seulement indicatifs, en l’absence de confirmation ultérieure.

Un ouvrage entier, promettant "les principaux remèdes homéopathiques utilisés dans les maladies les plus communes comme par exemple, les taches noires du rosier, le mildiou de la tomate, le feu bactérien des arbres fruitiers, la cloque du pêcher, le cancer, la pourriture, la fumagine, ainsi que dans les infestations de limaces et les problèmes de croissance", a été publié récemment (Maute, 2013). Il rapporte une collection de "recettes", sans données vérifiables et testables statistiquement à partir de l’ouvrage lui-même concernant leur efficacité réelle. Il s’agit donc d’une collection d’expériences et d’observations ponctuelles, difficiles à évaluer selon les critères propres à un travail scientifique formel.

Enfin, une méta-analyse des divers essais publiés sur l’effet individuel de chacune des neuf préparations biodynamiques montre qu’aucune d’entre elles n’a d’activité biologiquement démontrable en expérimentation factorielle classique (Chalker-Scott, 2013). L’auteur insiste toutefois sur le fait que ces résultats globalement négatifs ne disqualifient pas l’ensemble des pratiques biodynamiques, dont l’emploi de ces préparations n’est qu’une partie : ils signent seulement le fait que l’emploi de chacune des neuf préparations biodynamiques n’apporte pas de bénéfice mesurable sur la santé des cultures. Il peut être important de noter que Steiner lui-même n’invoquait pas une démarche scientifique, mais plutôt spirituelle, à l’appui de ses pratiques : il considérait donc que celles-ci n'avaient pas besoin d'être confirmées par des essais scientifiques traditionnels, mais étaient plutôt "vraies et correctes" en tant que telles (Kirchmann, 1994). Signalons par ailleurs qu’une analyse approfondie de la composition élémentaire et microbiologique de plusieurs sources de préparation 500 a montré que cette préparation contient une population microbienne élevée (environ 2.108 CFU (colony-forming units) / g), très riche en Bacillus spp. (environ 90% de la microflore totale) et responsable d’une activité fermentaire importante résultant de fortes activités β-glucosidase, alkaline-phosphatase, estérase et chitinase, et d’une activité auxinique importante en conditions contrôlées vis-à-vis de plantes tests, compatible avec celle pouvant être attendue au champ aux concentrations de préparations utilisées en biodynamie (Giannattasio et al., 2013). Il est donc possible que cette préparation ait une action promotrice de croissance, sans effet phytosanitaire ni impact sur la structure physique des sols.

2.6.3. Eléments de conclusion

Au vu des rares publications traitant de l’emploi phytosanitaire de préparations hautement diluées et dynamisées d’origines diverses (tissus malades, préparation homéopathiques ou biodynamiques), il est possible de conclure qu’aucune de celles testées jusqu’à présent ne semble posséder une efficacité phytosanitaire directe quelconque ; pire, certaines seraient plutôt nocives, l’application de ces préparations (en particulier celles utilisant des agents pathogènes vivants) s’apparentant à une inoculation. Ce type de préparations recèle donc un potentiel fort limité en protection des cultures.

Il faut noter également que, à l’exception peut-être des préparations biodynamiques, la plupart des essais rapportés concernent des applications curatives, et non préventives des infections. Il est donc possible que de meilleurs résultats puissent être obtenus avec des positionnements différents ; il est également possible (voire vraisemblable) que les quelques succès rapportés après applications de ces préparations tiennent soit aux conditions météorologiques particulières ayant suivi le traitement et ayant freiné les progressions épidémiques, soit aux autres pratiques (observation précoce des symptômes, intervention immédiate…) mises en œuvre par les expérimentateurs. Celles-ci sont malheureusement mal ou non documentées dans les références disponibles, imposant de conserver à cette conjecture son statut d’hypothèse.

Références bibliographiques citées

Berger, M., 2011. Expérimentation d’isothérapiques en culture maraîchère. Cahiers de Biothérapie, 228: 64-67.Texte intégral

Blondiaux, M., 2007. Isothérapie : l'homéopathie pour les plantes. Cultivar, 608: 20-24.

Chalker-Scott, L., 2013. The science behind biodynamic preparations: A literature review. Horttechnology, 23 (6): 814-819. Texte intégral

Giannattasio, M.; Vendramin, E.; Fornasier, F.; Alberghini, S.; Zanardo, M.; Stellin, F.; Concheri, G.; Stevanato, P.; Ertani, A.; Nardi, S.; Rizzi, V.; Piffanelli, P.; Spaccini, R.; Mazzei, P.; Piccolo, A.; Squartini, A., 2013. Microbiological features and bioactivity of a fermented manure product (preparation 500) used in biodynamic agriculture. Journal of Microbiology and Biotechnology, 23 (5): 644-651.Texte intégral

Kirchmann, H., 1994. Biological dynamic farming - an occult form of alternative agriculture. Journal of Agricultural & Environmental Ethics, 7 (2): 173-187.Texte intégral

Maute, C., 2013. Homéopathie pour les plantes. Editions Narayana, 160 p.

Modolon, T.A.; Boff, P.; Boff, M.I.C.; Miquelluti, D.J., 2012. Homeopathic and high dilution preparations for pest management to tomato crop under organic production system. Horticultura Brasileira, 30 (1): 51-57.Texte intégral

Ondet, S.J., 2009. Monilia sur fleurs d’abricotier et isothérapie. Arbo Bio, 138: 2 p.Texte intégral

Ondet, S.J.; Roux, M., 2014. Stratégie de maîtrise du Monilia laxa par isothérapie sur abricotier.Texte intégral

Sneh, B., 1998. Use of non-pathogenic or hypovirulent fungal strains to protect plants against closely related fungal pathogens. Biotechnology