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3. Gestion agronomique des risques phytosanitaires 133 

3.3. Conduite des plantes et des couverts 146 

3.3.1. Architecture des plantes et des couverts 146 

L’architecture des plantes et des couverts désigne la répartition topologique des organes dans l’espace, mais aussi son évolution dans le temps au fur et à mesure de la croissance et du développement des plantes. Elle est déterminée en partie par le génome de la plante, mais aussi par les modes de conduite (densité de plantes dans les couverts, taille ou éclaircissage…) qui influent fortement sur la dynamique de croissance et de développement, et sur les relations de compétition/compensation entre individus au sein des couverts (Costes et al., 2013).

Un ensemble de travaux, souvent assez anciens désormais, montrent un impact parfois important de l’architecture sur le développement épidémique, tant pour des maladies aériennes (Tivoli et al., 2013) que pour des maladies telluriques (voir Desgroux et al., 2016 pour un exemple récent).

3.3.1.1. Génétique et architecture

Il n’est guère étonnant de constater, lors de travaux de cartographie génétique, des colocalisations souvent fortes entre loci gouvernant des caractères architecturaux ou développementaux (date de floraison, précocité, ramification…) et QTL de résistance partielle. Ces colocalisations, dont la causalité n’est pas toujours établie du fait de la largeur des intervalles de confiance bordant ces QTL, concernent aussi bien des traits impliqués dans des pathosystèmes aériens (par exemple Giorgetti, 2013) que racinaires (Desgroux et al., 2016 ; Figure 3.3-1). Etablir une relation de causalité derrière ces colocalisations suppose dans un premier temps de pouvoir prouver que les allèles en cause sont physiquement localisés au même endroit (effets pléiotropies), et non simplement juxtaposés à des emplacements voisins sur les chromosomes. Cela implique donc de réaliser des cartographies génétiques très fines, à haute densité de marqueurs, ce que les technologies de séquençage massif de SNP (Single Nucleotide Polymorphism) rendent désormais accessible. Une fois cette identité de localisation établie, il faudrait également pouvoir montrer, dans une approche de génétique fonctionnelle, que la modification d’un allèle conduit à un changement simultané du phénotype d’architecture et du phénotype de résistance, ce qui, à notre connaissance, n’a encore jamais pu être réalisé.

Un exercice de conception d’idéotypes architecturaux pour lutter contre les maladies aériennes de divers types de plantes (pérennes ligneuses, annuelles à croissance déterminée ou indéterminée), mené dans le cadre du projet Archidemio a montré que les types recherchés devraient posséder plusieurs caractéristiques communes : tiges peu nombreuses et plutôt hautes, surface foliaire modérée à faible, entre-nœuds longs, afin de favoriser une plus grande porosité du couvert et donc l’établissement d’un microclimat défavorable à la plupart des maladies cryptogamiques (faible durée d’humectation des feuillages, circulation d’air importante ; Andrivon et al., 2013). Il s’avère que ces types sont le plus souvent ceux qui ont été contre sélectionnés dans les programmes modernes de création variétale, qui ont au contraire favorisé des types courts (tenue de tige et résistance à la verse), au feuillage abondant et à la canopée dense pour une meilleure efficacité photosynthétique et un rendement accru. La tendance récente à l’inversion de ces critères de sélection pour des variétés adaptées à une conduite agroécologique (blés plus hauts pour une meilleure compétition contre les adventices par exemple ; Drews et al., 2009 ; Loyce et al., 2012 ; Rolland et al., 2017) prouve toutefois l’intérêt de la prise en compte, et surtout de l’exploitation, des caractéristiques architecturales des plantes et des couverts pour des systèmes à faibles intrants pesticides.

Figure 3.3-1. Un exemple d’association génétique entre loci impliqués dans la croissance et le développement et loci impliqués dans la résistance aux maladies : le cas du pathosystème pois - Aphanomyces euteiches

(Source : Desgroux et al., 2016)

3.3.1.2. Gestion de l’architecture via la conduite

Pour les cultures pérennes ligneuses, la densité de plantation, la vigueur obtenue par le choix du porte-greffe et l’intensité de la taille vont influencer la structure végétale au sein de la parcelle, et ainsi impacter le microclimat au sein de la frondaison des arbres -- paramètre important pour le développement de nombreuses maladies. De même, la conduite de la plante peut influencer la phénologie, la physiologie de la plante et les rythmes de croissance des pousses. Cela peut permettre par exemple de favoriser le développement d’un agent pathogène en lui permettant de disposer de jeunes feuilles sensibles plus longtemps si la croissance est prolongée en saison par les choix de conduite effectués. Enfin, la forme de la plante peut également influencer le dépôt sur les organes des inocula, mais aussi des produits de protection des plantes (Tivoli et al., 2013).

 Pommier

En Hongrie, trois vergers commerciaux conduits en agriculture biologique, constitués de variétés sensibles et peu sensibles à la tavelure, et recevant trois traitements de taille différents (fortement taillé, modérément taillé et non taillé) ont été suivis pour le développement de la tavelure (Holb, 2005). Ces 3 vergers reçoivent une protection phytosanitaire fongicide à base de cuivre et de soufre. La modalité fortement taillée permet de diminuer le développement de la tavelure sur feuilles et fruits par rapport à la modalité non taillée pour toutes les variétés sur les 3 sites, et de diminuer le développement de la tavelure sur feuilles par rapport à la modalité modérément taillée. Dans cette étude, le microclimat de la canopée n’est pas affecté par l’intensité de taille. En revanche, la qualité du dépôt sur la canopée de la pulvérisation des fongicides est meilleur dans la modalité fortement taillée (Holb, 2005). En France, dans la Drôme, deux modes de conduite de l’arbre ont été comparés pour le développement de la tavelure dans un verger de pommier de la variété sensible à la tavelure Smoothee® conduite en agriculture biologique (Simon et al., 2006). La conduite en solaxe des arbres a été comparée à la conduite centrifuge des arbres.

Ce sont deux modes de conduite basés sur la formation d’un axe central de l’arbre à partir duquel partent des branches fruitières. Dans la conduite centrifuge, la suppression de tous les rameaux sur le premier quart de la branche fruitière permet la constitution d’un puits de lumière au centre de l’arbre. Ce puits de lumière associé à des extinctions artificielles de bourgeons dans la conduite centrifuge est supposé permettre d’obtenir une frondaison plus aérée, séchant plus vite après une rosée ou une pluie, et donc moins favorable au développement de la tavelure. Smoothee® étant une variété très sensible à la tavelure, la protection fongicide à base de cuivre et de soufre a été maintenue dans cet essai. Durant 2 années à forte pression tavelure, un moindre développement de la maladie sur feuilles et fruits est observé pour la conduite centrifuge durant la phase des contaminations primaires au printemps. La tavelure se développe ensuite plus rapidement en été sur la modalité centrifuge, et plus aucune différence n’est observée à la récolte des pommes. Dans la modalité de conduite centrifuge, la croissance des pousses a continué en été, entrainant la présence de jeunes feuilles sensibles à la tavelure et permettant plus facilement le développement de la phase secondaire de l’épidémie (Simon et al., 2006).

 Abricotier

Dans les régions à hiver froid, la bactériose de l’abricotier, due à Pseudomonas syringae, est une maladie difficile à contrôler en agriculture biologique comme en agriculture conventionnelle. Les applications de cuivre réalisées à l’automne lors de la chute des feuilles et au débourrement au printemps n’apportent qu’une protection très partielle, et de nombreux arbres peuvent dépérir à cause de cette bactériose. En France, un essai réalisé en Ardèche sur la variété Bergeron a montré que le choix du porte-greffe, qui influence directement la vigueur et le développement du greffon, avait un rôle prédominant. La mortalité des arbres atteignait 100% pour les abricotiers greffés sur abricotier franc ou sur pêcher Higama, contre 63% sur pêcher Montclar ou pêcher GF 305, et aucun pour les abricotiers greffés sur pêcher Rubira (Edin et al., 2000). La hauteur de greffage a également un rôle très important. Dans un essai implanté en Ardèche en 1994, toujours sur la variété Bergeron, Prunier et al. (2005) ont montré que les abricotiers greffés à 140 cm de hauteur avaient bien mieux résisté à 4 hivers à forte pression bactériose que les abricotiers greffés de manière classique à 20 cm de hauteur. En effet, 7 années après la plantation, tous les arbres greffés à 20 cm étaient morts ou très affectés par la bactériose, alors que 87% des abricotiers greffés à 140 cm étaient sains ou restaient productifs.

 Houblon et vigne

La pratique du ‘pruning’, consistant à éliminer une partie du feuillage dès le printemps, conduit à réduire la sévérité du mildiou et de l’oïdium d’un facteur 2 à 4 selon la qualité de l’effeuillage, retarde les premières infections (1 à 2 semaines) et permet donc de réduire la quantité de fongicides appliquée (Gent et al., 2012). Cette pratique est proche de celle utilisée en viticulture, essentiellement contre l’oïdium et le botrytis, et qui permet en outre d’assurer un ensoleillement plus fort des grappes et de favoriser la maturation des baies (Valdes-Gomez et al., 2008 ; Valdes- Gomez et al., 2011).