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L’objet de la première partie de la thèse est de d’identifier les enjeux qui peuvent motiver et justifier la mise en place d’une politique foncière d’échelle régionale en Bretagne. Mais quelle méthodologie utiliser pour dresser un diagnostic foncier d’échelle régionale ? Le terrain étudié est à la fois trop vaste et trop varié pour permettre des analyses cadastrales pertinentes ou bien encore pour discuter de l’équité de politiques foncières locales souvent contradictoires, lorsqu’elles existent (Comby, 2009). En la matière, il n’y a pas de procédure unique ni de règle d’usage reconnue et ce quelque soit l’échelle territoriale d’analyse. En effet, chaque acteur développe à l’échelle de son territoire son propre diagnostic foncier en fonction de ses besoins, de ses compétences et des enjeux qu’il a préalablement identifiés. Ainsi, qu’il s’agisse de l’ADEF (Association des études foncières), d’un service déconcentré de l’Etat en région (DREAL par exemple) ou d’une structure communale, la méthode utilisée et le raisonnement suivi pour dresser le diagnostic foncier du territoire sont à chaque fois renouvelés. Il en découle une grande variété dans les démarches, les analyses, les thèmes retenus, les moyens mis en œuvre, mais également dans la structuration des documents et du raisonnement. Nous ne chercherons pas à expliquer ici ce constat, mais on peut relever que chaque diagnostic est dressé dans une perspective précise et motivé par une finalité politique clairement affichée. Par exemple, un diagnostic devant alimenter la réflexion en vue de l’adoption ou de la révision d’un document d’urbanisme tiendra compte de l’évolution des contextes socio-économique, juridique et spatial puisqu’il est au service d’un projet de développement global (CERTU, 2004a). Cette approche transversale s’oppose à des diagnostics fonciers thématiques plus pointus tels que ceux proposés par l’ADIL (Agence Départementale d’Information sur le Logement) qui ne se concentre que sur un des aspects de la question comme par exemple l’offre et la commercialisation des terrains à bâtir en lotissement à une date précise (ADIL d’Ille-et-Vilaine, 2008). Dans le cadre de notre recherche, l’échelle régionale de l’analyse nous contraint à adopter une approche la

plus transversale possible. Cela impactera la méthode mais également les sources de données que nous avons choisi de mobiliser puisque leur coût d’accès est parfois d’autant plus élevé que le territoire étudié est vaste. Par ailleurs, dresser un diagnostic foncier à l’échelle d’une région dans son ensemble est relativement inédit. Les références en la matière sont d’ailleurs peu nombreuses et il faut chercher du côté des Etablissements public foncier (EPF) les plus anciens (EPF Normandie, 2010) ou des structures spécialisées comme l’ADEF (ADEF, 2008a) pour trouver des diagnostics fonciers formulés à l’échelle d’une région administrative. Toutefois, avec la création dans les années 2000 de plusieurs EPF de compétence régionale (cf. partie 2), les services de l’Etat en région ont développé des diagnostics ou des bilans fonciers régionaux mais sans concertation ni méthodologie commune (DRE Centre, 2006 ; DRE Poitou-Charentes, 2006 ; DRE PACA, 2007 ; EPF Languedoc-Roussillon, 2008 ; etc.). L’absence de cadre théorique susceptible de guider le déroulement d’un diagnostic foncier régional permet en revanche une grande souplesse et une adaptation aux enjeux spécifiques de chaque territoire. Concernant plus particulièrement la région Bretagne, et puisque l’Etat s’est engagé en 2004 dans le Plan d’action stratégique de l’Etat en région (PASER) à créer un EPF d’Etat compétent sur l’ensemble de la région, plusieurs références de littérature grise comportant des éléments de diagnostic foncier d’échelle régionale ont vu le jour. Citons en particulier le plus ancien : Pour une politique publique d’intervention foncière en Bretagne (DRE Bretagne, 2004a) qui constitue le véritable point de départ de la réflexion foncière dans la région, ou bien encore l’Étude préalable à la définition d’une stratégie foncière régionale en Bretagne (ADEF, 2009) qui suit de peu la création de l’EPF breton et comprend un volumineux diagnostic auquel nos travaux ont d’ailleurs directement contribué notamment par le biais de la réalisation de fiches à l’échelle des 21 Pays de la région (Dupont, 2010b).

Que peut-on retenir de cette absence de méthodologie partagée en termes d’indicateurs et de données clefs ? Tout d’abord que les diagnostics sont très dépendants des données auxquelles les commanditaires et/ou les auteurs ont pu accéder. En effet, l’accès aux données foncières conditionne et définit la structure comme l’orientation du diagnostic, il en justifie parfois même l’existence. D’autre part, et au-delà du seul enjeu de l’accès aux données, savoir les analyser et les comprendre motive nombre d’acteurs à mutualiser les moyens et les compétences avec des partenaires (CERTU, 2004b) qui maîtrisent par exemple une technologie spécifique (comme les SIG ou la télédétection) ou bénéficient

d’une expérience ancienne et reconnue (à l’image de l’ADEF ou des EPF les plus anciens). Enfin que la multiplicité des sources d’information et leur imperfection relative permet de s’affranchir de l’exhaustivité d’autant plus lorsque l’échelle du diagnostic est régionale et que comme le rappelait Caroline Gerber, directrice de l’ADEF, lors d’un entretien informel : « il n’existe pas de base de données idéale sur le foncier ». L’objectif pour réaliser un diagnostic foncier est alors de disposer d’un faisceau d’informations suffisamment large et variée afin de disposer d’ordres de grandeur plutôt que de données trop ciblées dont la précision, en particulier dans le domaine du foncier, est parfois très relative (pour des raisons aussi diverses que des difficultés techniques de mesure, une trop faible représentativité, ou bien encore une trop grande marge d’erreur comme nous le verrons par la suite). Comme évoqué dans l’introduction de la thèse, l’importance des données dans un diagnostic foncier et l’absence relative de référence communément admise dans le domaine explique l’intégration dans chacun des quatre chapitres suivants d’un volet de présentation des données utilisées pour dresser le diagnostic foncier régional de la Bretagne et dont le Tableau 1 ci-après en présente la synthèse.

En s’appuyant sur ces données statistiques, le diagnostic proposé dans la première partie de la thèse cherche à identifier les enjeux fonciers soulevés par les dynamiques territoriales à l’œuvre en Bretagne et s’organise autour de quatre chapitres. Le premier chapitre décrit l’occupation du sol et en mesure l’artificialisation. Quelle répartition des espaces artificialisés par rapport à ceux agricoles ou naturels observe-t-on ? Quelles sont les évolutions et tendances en cours ? L’objectif est ici de caractériser l’occupation du sol des territoires bretons en insistant en particulier sur les enjeux fonciers posés par une artificialisation qui s’opère soit par extension soit par densification. Le deuxième chapitre analyse et localise les dynamiques de peuplement passées, en cours et à venir (grâce aux projections de population) de la région. Comment s’articulent les rythmes de croissance de la population d’une part et les rythmes de l’artificialisation du sol mesurés dans le premier chapitre d’autre part ? Nous verrons notamment, bien que non corrélés statistiquement, que ces deux éléments sont intimement liés et que leur action conjointe renforce la pression foncière sur les territoires de la région. Le troisième chapitre questionne les formes de l’habitat en Bretagne : quelle forme urbaine domine le paysage ? Quels en sont les enjeux fonciers ? Ce chapitre décrit en particulier, à partir des données de la construction de logements neufs, les caractéristiques sur le temps long de la construction en Bretagne ainsi que les évolutions les plus récentes.

TABLEAU 1 – BILAN SYNTHETIQUE DE L’ACCES AUX DONNEES STATISTIQUES 1. Données de l’occupation du sol

CORINE Land

3. Données issues du circuit des mutations

Petites

Donnée Nature de

l’information Accès Coût Date et

Périodicité

Accès réalisé dans le cadre de la thèse

4. Données de la construction et du logement SITADEL - Base

Ce chapitre permet de mettre en lumière les attentes des bretons sur le logement et l’impact foncier que cela suppose. Dans le quatrième chapitre, notre diagnostic foncier régional s’intéresse à la mesure des prix du foncier. Après une présentation de la théorie des marchés fonciers et de la formation des prix, ce dernier chapitre de la première partie analyse les niveaux de prix observés et leurs évolutions à partir d’une distinction en plusieurs marchés fonciers. La mesure des prix sera complétée par une présentation de leurs impacts à la fois sur les populations résidentes et les territoires afin d’identifier les enjeux fonciers que posent spécifiquement la question des prix.

L’articulation de ces quatre thèmes autour de quatre chapitres (occupation du sol et son artificialisation ; dynamiques de peuplement ; construction de logements ; prix fonciers) constitue le corps de notre diagnostic foncier régional. Pour faciliter le lien entre eux et au-delà des éléments présents dans chaque conclusion de chapitre, nous proposons à la fin de l’analyse de chacun de ces thèmes, une carte de synthèse permettant de visualiser les éléments les plus marquants issus de l’analyse. Ainsi, à chaque thème, la cartographie s’enrichira successivement d’informations complémentaires reflétant les enjeux fonciers régionaux identifiés par chaque étape du diagnostic. Mais voyons tout d’abord, en guise de préambule, une présentation synthétique de la région.

Préambule

La Bretagne, souvent qualifiée de périphérique par rapport à la nouvelle centralité géographique de l’espace européen (Foncier de Bretagne, 2010), est marquée par son caractère maritime qui explique une opposition territoriale ancienne mais toujours actuelle entre les territoires de l’Armor et ceux de l’Argoat6. Bordée par la Manche au nord et l'océan Atlantique au sud, elle possède environ 2 730 km de côtes et 70 % des entités insulaires de France métropolitaine (Savelli, 2010). Avec une superficie de 27 208 km², la Bretagne compte pour 5 % du territoire national métropolitain selon l’INSEE et comptabilise 3 221 450 habitants au recensement provisoire de 2011. Elle s’organise administrativement en 1 270 communes et 4 départements (Côtes-d’Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine et Morbihan) (Carte 1).

Dans ce territoire dynamique mais excentré, de nombreux voyants sont au vert tant sur le plan démographique que sur le plan de l’emploi (AUDIAR, 2008a). Les évolutions permanentes de l’économie7 obligera peut-être à bientôt relativiser ce constat, mais toujours est-il que sur le plan social la région se distingue puisque les ménages bretons sont moins touchés par le chômage8 et que c’est la région de France où les inégalités de revenus sont les plus faibles (Quesson, 2010). Son économie, qui s’est longtemps appuyée sur un modèle de développement original fondé sur plusieurs secteurs phares (électronique, agro-industrie, etc.), doit aujourd’hui se recomposer à partir de son potentiel de recherche et d’innovation (Foncier de Bretagne, 2010).

6 L’opposition Armor/Argoat : c’est une des oppositions territoriales de la Bretagne les plus marquantes et les plus floues à la fois. Elle distingue les territoires littoraux marqués par la proximité de la mer (Armor en Breton), aux espaces ruraux situés à l’intérieur de la péninsule et caractérisés par le bocage (Argoat en Breton). La frontière entre les deux est d’autant plus difficile à définir que la terre se cultive jusqu'aux limites du rivage marin et que la mer remonte parfois en abers et rias jusque dans l'intérieur des terres.

7 A titre d’exemple, citons les difficultés du secteur industriel : la restructuration du groupe Doux ou bien encore les incertitudes sur l’avenir de la filière automobile à Rennes.

8 Le taux de chômage de l’INSEE exprimée en moyenne trimestrielle de 2012 comptabilise 8,3 % de chômeurs, contre 9,6 % en moyenne nationale.

CARTE 1 – CARTE SYNTHETIQUE DE L’OCCUPATION DU SOL ET DES RESEAUX ROUTIERS EN BRETAGNE

Réalisation : DUPONT J., 2012

Seule ombre au tableau relevée par l’agence d’urbanisme de Rennes dans son tableau de bord (AUDIAR, 2008a) : l'économie bretonne reste à l'écart des grands flux d’investissements étrangers et pâtit d'un faible rayonnement à l'international. En revanche, le territoire breton est très attractif sur le plan touristique (Depoid, 2004) grâce en particulier à la qualité de son cadre de vie également mise en avant pour expliquer son fort dynamisme démographique (ADEF, 2009). Cette croissance démographique et la pression résidentielle et économique qui l’accompagne engendrent une artificialisation importante qui s’exerce aujourd’hui sur une large partie de son territoire (DRE Bretagne, 2006) et dont le premier chapitre, ci-après, se propose d’en mesurer l’ampleur et les évolutions.

Chapitre 1 .

L’occupation du sol et la mesure