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Introduction ` a la th´ eorie de nucl´ eation

Comme nous l’avons d´ecrit pr´ec´edemment pour la croissance ´epitaxiale par jets mol´eculaires (MBE), des atomes sont ´evapor´es, `a partir d’une source, vers la surface cristalline [4]. Le param`etre caract´erisant l’arriv´ee des atomes sur la surface est nomm´e « le flux (F ) » qui s’exprime de fa¸con g´en´erale en monocouche ( nombre d’atomes ) par seconde. Une fois l’atome d´epos´e sur la surface, plusieurs processus de diffusion peuvent survenir. L’atome peut rester coll´e l`a o`u il a atterri, s’´evaporer, diffuser sur la surface, se combiner avec un autre atome pour former un dim`ere ou encore s’ins´erer dans la surface (cf.fig 1.3). Les taux ( ou probabilit´e ) auxquels ces processus se produisent d´ependent de la surface, de la temp´erature T et de la nature des atomes d´epos´es. Par exemple, dans le cas de la diffusion sur une terrasse cristalline, la fr´equence de saut d’un site `a l’autre peut s’exprimer par :

ν = ν0exp(−Em

kBT ) (1.1)

o`u kB repr´esente la constante de Boltzmann (1, 38.10−23J.k−1), Emest la barri`ere de diffusion ressentie par l’atome en mouvement et ν0 la fr´equence d’essai qui peut ˆ

etre vue comme la fr´equence `a laquelle l’atome oscille au fond du puits de potentiel, et donc au nombre de fois qu’il tente de d´epasser la barri`ere d’´energie Em par seconde. En g´en´eral, on prend comme constante cette grandeur avec une valeur comprise entre 1011 et 1013 Hz et on suppose celle-ci ind´ependante de la temp´erature. Cette image de saut d’un site `a l’autre n’est cependant valable que dans la limite o`u kBT << Em, c’est-`a-dire quand le temps pass´e par l’atome dans le puits de potentiel est beaucoup plus grand que le temps pass´e dans l’´etat interm´ediaire lors de la transition. Entre deux sauts, l’atome perd la m´emoire de son pr´ec´edent site et ´evolue, par cons´equent, selon une marche al´eatoire. La fr´equence de saut de l’atome est directement reli´ee au coefficient de diffusion de l’atome sur la surface par [5, 6, 7] :

D = a

2n

2d ν (1.2)

o`u d est la dimensionalit´e du mouvement, a le param`etre de maille ´el´ementaire de la surface, et n le nombre de directions de sauts autoris´ees depuis le site o`u il se trouve. Par exemple, notons que n = 3 et d = 2 pour une surface fcc(111), ou encore n = 4 et d = 2 sur une surface fcc(100) [6, 7]. Ce param`etre D s’av`ere tr`es important car, bien que d´ecrivant le taux de diffusion des monom`eres, il d´etermine aussi la densit´e d’ˆılots cr´ees.

1.3 Introduction `a la th´eorie de nucl´eation

Figure 1.3 - Processus atomiques lors de la croissance ´epitaxiale par jet mol´eculaire (MBE)

La croissance des ˆılots form´es par MBE peut ˆetre divis´ee en quatre ´etapes cons´ e-cutives : la nucl´eation pure, la nucl´eation avec croissance, la croissance d’ˆılots pure et finalement la coalescence. Au cours du d´epˆot, les atomes arrivent avec un flux F (exprim´e en ML/s ) sur la surface et diffusent avec une fr´equence ν jusqu’`a rencon-trer un autre atome (lui aussi diffusant) et ainsi former un dim`ere. Supposons, pour simplifier, que le dim`ere reste stable (i.e. il ne se dissocie pas avant de capturer un troisi`eme atome) et immobile. Au cours du temps, le nombre de dim`eres va grandir quasi-lin´eairement jusqu’`a ce que leur concentration n2 devienne comparable `a celle des monom`eres n1 . A partir de l`a, la probabilit´e pour un monom`ere de former un nouveau dim`ere est comparable `a celle de rejoindre un dim`ere existant. La croissance des ˆılots apparaˆıt donc comme un processus concurrent `a la formation de nouveaux ˆılots. Lorsque la densit´e d’ˆılots stables nx (nx =P ns , ns ´etant la densit´e d’ˆılots de taille s stables) a suffisamment augment´e, tout atome d´epos´e ne participera qu’`a la croissance d’ˆılots. Nous avons alors atteint la densit´e de saturation, nsatx . A ce mo-ment, le libre parcours moyen des atomes diffusants peut ˆetre assimil´e `a la distance moyenne entre ˆılots et les monom`eres ont beaucoup plus de chance de s’attacher `a

un ˆılot plutˆot que de se rencontrer pour en former un nouveau. En approchant d’un recouvrement suffisament grand (de l’ordre d’une demi-monocouche), des ˆılots vont commencer `a coalescer, faisant, par cons´equent, chuter la densit´e d’ˆılots totale nx.

La figure 1.4 illustre la variation de la densit´e d’ˆılots en fonction du recouvrement.

Figure 1.4 - Courbe de densit´e d’ˆılots compacts stables, en fonction du recouvrement, pour divers rapports DF. [source : H.Brune et al.[8]]

La th´eorie du champ moyen pour la nucl´eation et la croissance [9, 10, 11] repose sur la r´esolution des ´equations de taux d´ecrivant l’´evolution de la densit´e d’ˆılots. La formation d’ˆılots peut ˆetre d´ecrite alors par un ensemble d’´equations de taux coupl´ees qui d´ecrivent l’´evolution de la densit´e des monom`eres et des clusters stables en fonction du temps. Les ´equations 1.3 et 1.4 donnent les ´equations de taux dans le cas de dim`eres stables.

dn1 dt = F − 2σ1Dn 2 1− σxDn1nx− F (F t − n1) − 2F n1 (1.3) dnx dt = σ1Dn 2 1+ F n1 (1.4)

1.3 Introduction `a la th´eorie de nucl´eation

Dans ces ´equation, n1 et nx , repr´esentent respectivement la densit´e des atomes et des clusters stables, (en nombre d’atomes par site), F est le flux d’atomes arrivant sur la surface, D est le coefficient de diffusion d´ecrivant le d´eplacement moyen d’un adatome, σ1 et σx sont respectivement les taux de capture de monom`eres et de tous les clusters de taille x . Dans ces ´equations la coalescence n’est pas consid´er´ee.

Le premier terme `a droite de l’´equation 1.3 repr´esente la cr´eation de monom`ere due au d´epˆot d’atome. Le second et le troisi`eme termes repr´esentent respectivement la diminution des monom`eres due `a la formation de dim`eres (ou perte de monom`eres par nucl´eation) et la capture d’atome diffusants par un cluster stable (ou perte de monom`ere par rencontre monom`ere-ilˆots). Les deux derniers termes d´ecrivent respectivement la perte ou la diminution des monom`eres due `a l’impact direct sur les ˆılots stables et les monom`eres.

Dans l’´equation 1.4, le premier terme `a droite repr´esente l’augmentation de clus-ters stables due `a la rencontre ´eventuelle de deux atomes pour former un dim`ere stable. Le second terme de droite concerne la formation de tels dim`eres li´ee `a l’impact direct dˆu au d´epot d’atomes `a cˆot´e d’un monom`ere. L’int´egration de ces ´equations coupl´ees conduit `a des lois d’´echelle, lorsque l’on suppose les ˆılots compacts et les surfaces sans d´efauts. Ces lois, approuv´ees par l’exp´erience ainsi que par des simu-lations Monte-Carlo cin´etique [8, 12], relient la densit´e d’ˆılots stables `a saturation, nsat

x , au flux de d´epˆot F et au coefficient de diffusion D et s’´ecrivent g´en´eralement comme :

nsatx F D

χ

(1.5)

o`u χ = i+2i repr´esente l’exposant d’´echelle et i correspond `a la taille critique de l’agr´egat. Cette taille est d´efinie comme ´etant celle `a partir de laquelle un agr´egat devient stable si on lui ajoute un atome. On peut ´egalement d´efinir la stabilit´e d’un ˆılot par une probabilit´e de croˆıtre sup´erieure `a celle de r´egresser au cours du d´epˆot. Par exemple, pour un syst`eme o`u les dim`eres sont stables, i = 1 et χ = 13 . On constate que l’on peut ais´ement contrˆoler la densit´e d’ˆılots `a saturation (cf. Fig 1.4) en modifiant, au choix, le flux de d´epˆot ou la temp´erature de l’´echantillon (car D d´epend de T suivant l’´equation 1.1). La figure 1.5 illustre la densit´e d’ˆılots `a saturation en fonction de la temp´erature du d´epˆot Tdep , dans les cas o`u les dim`eres sont stables (i.e. i=1) pour le syst`eme Ag/P t(111) . Nous verrons dans ce travail de th`ese (chapitre 5) comment ´etendre ces lois d’´echelle aux surfaces pr´esentant des d´efauts p´eriodiques ou non.

Figure 1.5 - Densit´e d’ˆılots `a saturation,en fonction de la temp´erature de d´epˆot, dans le r´egime o`u les dim`eres sont stables (i.e. i=1). [source : H.Brune et al.[8]].

1.4 Croissance auto-organis´ee

La croissance obtenue par MBE sur une surface cristalline isotrope est parfaitement al´eatoire. En particulier la position des ˆılots ainsi que leur forme exacte ne peuvent pas ˆetre totalement contrˆol´ees. Pour de nombreuses applications et exp´eriences, il est n´ecessaire de faire croˆıtre les nanostructures `a des emplacements d´esir´es ou selon une forme particuli`ere. Une solution pour influencer le processus de nucl´eation est d’utiliser un substrat textur´e qui favorise la croissance `a des endroits pr´ecis, ou un substrat anisotrope pour favoriser la croissance selon des directions privil´egi´ees. On peut, par exemple, utiliser comme substrat une surface de type (110). En effet, les atomes de cette surface sont arrang´es en lignes parall`eles s´epar´ees par une rigole (image 1.6 a)). La barri`ere d’´energie `a surmonter pour passer d’une rigole `a l’autre est plus ´elev´ee que celle qui s´epare deux sites le long de cette derni`ere. Par cons´ e-quent, lorsque l’activation thermique n’est pas assez ´elev´ee, les atomes d´epos´es sont contraints `a se d´eplacer le long de ce canal jusqu’`a rencontrer un autre atome seul ou appartenant `a un ˆılot stable avec lequel ils pourront se lier. La figure 1.6 illustre

1.4 Croissance auto-organis´ee

ce mode de croissance pour des ˆılots de Cu, ayant une forme allong´ee selon l’axe [1¯10] , sur la surface Pd(110).

Pour contrˆoler l’emplacement des nanostructures lors du d´epˆot, il est aussi pos-sible d’utiliser une surface qui comporte un r´eseau p´eriodique de dislocations cr´ee par exemple lors d’une croissance h´et´ero´epitaxiale. La diff´erence de maille entre les deux esp`eces engendre une contrainte dont l’´energie g´en`ere des dislocations afin d’accommoder les deux r´eseaux. La r´epulsion `a longue port´ee existant entre les es-p`eces peut mˆeme conduire `a la formation d’un r´eseau r´egulier de dislocations. Lors du d´epˆot, la diffusion des atomes est fortement perturb´ee par ces dislocations qui agissent souvent comme des barri`eres r´epulsives. Ainsi, si l’activation thermique est suffisamment basse pour empˆecher les atomes `a traverser les lignes de dislocations, un agr´egat va se former dans chaque cellule d´efinie par le motif du r´eseau p´eriodique de dislocation. Un exemple est montr´e sur la figure 1.7 o`u le r´eseau de dislocations partielles est cr´ee en d´eposant 2 ML de Ag sur la surface de Pt(111). Le param`etre de maille volumique de Ag est 4.3 % plus grand que celui de Pt.

Figure 1.6 - a)Image STM de 0.1 ML de Cu sur Pd(110) `a 300K. b)Repr´esentation d’une surface fcc(110) o`u l’on voit les canaux orient´es dans la direction [1¯10] . [Image STM : J.P.Bucher et al.[13] ].

Figure 1.7 -a)Image STM d’un r´eseau de dislocations obtenu en d´eposant 2 ML de Ag sur Pt(111) `a 300K puis recuit `a 800K. Les lignes noires sont des dislocations partielles s´eparant des zones fcc et hcp. b)Un d´epˆot de Ag `a 110K forme un ˆılot au sein de chaque cellule selon le r´eseau d´efini par les dislocations. [Image STM : H.Brune et al.[14]].

Chapitre 2

Mod´elisations et simulations

num´eriques

Sommaire

2.1 Introduction et principe des simulations num´eriques . . 22 2.2 Historique de simulation num´eriques . . . 22 2.2.1 La dynamique mol´eculaire (DM) . . . 24 2.2.2 M´ethodes Monte-Carlo Metropolis . . . 26 2.2.3 M´ethodes Monte-Carlo Cin´etique (KMC) . . . 26 2.3 Historique des simulations num´eriques de croissance . . 27 2.3.1 Mod`ele DLA : Diffusion Limited Aggregation . . . 27 2.3.2 Mod`ele de Vicsek . . . 28 2.3.3 Mod`ele de Nagatani . . . 29 2.3.4 Mod`ele DDA : Deposition, Diffusion, Agregation . . . 29 2.3.5 Mod`ele de Type KMC r´eversible : FRKMC . . . 30 2.3.6 Mod`ele de type SLKMC : Self-Learning Kinetic

Monte-Carlo . . . 30 2.4 Mod`ele KMC utilis´e pour l’´etude de la croissance sur

surfaces vicinales . . . 31 2.4.1 Le d´epˆot . . . 32 2.4.2 Diffusion et agr´egation . . . 32 2.4.3 Potentiel d’interaction utilis´e dans nos calculs KMC . . . 36 2.4.4 Am´elioration de l’algorithme . . . 37