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Comment nous l’avons abordé au cours du chapitre précédant, les oscillations de l’activité des îlots se retrouvent à différents niveaux de la séquence d’évènements du couplage stimulus-sécrétion. Comme le montre le Tableau 3, ces rythmes peuvent comporter différentes fréquences. Cependant, les fréquences recensées dans la littérature dépendent fortement des propriétés de la technique utilisée (Porksen et al. 1995) : une méthode d’enregistrement avec une fréquence d’échantillonnage trop faible ne permettra pas de rendre compte d’oscillations rapides. De plus, il est également nécessaire de pouvoir étudier les oscillations à plus long terme, ce qui dépend de la durée des enregistrements réalisables avec les différentes tech-niques.

Les îlots sont des capteurs naturels du glucose. Leur utilisation dans un biocapteur de la demande en insuline pourrait être une solution aux problèmes rencontrés avec les capteurs électrochimiques utilisés actuellement (cf. chapitre 1). Seulement, pour pouvoir exploiter les îlots dans un tel biocapteur, il faut pouvoir effectuer des mesures de leur activité en continu, avec une résolution assez fine pour détecter des variations rapides, et pendant une durée très longue pour avoir un capteur implantable mesurant la demande en insuline. Le choix de la méthode de mesure est donc crucial dans le développement de ce biocapteur.

Les méthodes optiques ont permis l’étude des oscillations métaboliques et des seconds messagers tels que le calcium ou l’AMPc. Ces techniques reposent sur l’utilisation de sondes protéiques fluorescentes, qui sont chargées à l’intérieur des cellules pour y interagir avec l’espèce à mesurer. Depuis la découverte de la GFP et la conception des premières sondes calciques (Grynkiewicz et al. 1985) par Roger Tsien dans les années 1980 (Prix Nobel de Chimie 2008), les protéines fluorescentes n’ont cessé d’être améliorées, permettant des me-sures au niveau cellulaire et subcellulaire (Tsien 2009). Certaines de ces sondes peuvent maintenant être cloisonnées à certains compartiments par exemple. Leur utilisation a donc de multiples applications en biologie cellulaire (Grynkiewicz et al. 1985), et a permis dans la cellule β de mettre en évidence et de caractériser de multiples oscillations comme les

varia-LES MÉTHODES D’ÉTUDE DE L’ACTIVITÉ DES ÎLOTS

tions de [Ca2+]i, de l’activité métabolique (mesure de NADH/NAD(P)H, respiration mito-chondriale…), ou encore de l’AMPc.

Cependant, bien que les mesures optiques constituent de puissants outils dans l’étude des cellules β, elles comportent certaines limites à une étude plus poussée des oscillations. En effet, l’incubation nécessaire au chargement de la sonde dans les cellules peut entrainer une modification de l’expression génique qui ne peut être contrôlée. D’autre part, comme toutes les méthodes basées sur la fluorescence, le temps d’enregistrement est grandement limité par le photoblanchiment de la sonde utilisée. Cette approche nécessite en outre un appareillage précis, comprenant une source de lumière pour exciter la sonde. L’équipement requis pour ces mesures génère donc de la chaleur, et est difficilement miniaturisable dans le cadre du déve-loppement d’un biocapteur. Enfin, la fréquence d’échantillonnage de l’ordre de la millise-conde à une dizaine de millisemillise-condes entraine une résolution temporelle assez faible, qui ne permet pas d’observer des évènements très rapides.

Étant donné que les cellules β génèrent une activité électrique qui implique des cou-rants ioniques, celle-ci peut donc elle aussi être mesurée par électrophysiologie. Les premières études électrophysiologiques réalisées sur les cellules β utilisaient des microélectrodes intra-cellulaires, dites électrodes sharp, pour enregistrer l’activité électrique de la cellule (Dean &

Matthews 1968). Depuis son amélioration par Erwin Neher et Bert Sakmann à la fin des an-nées 1980, le patch-clamp est beaucoup plus utilisé pour étudier l’activité des cellules β. Le patch-clamp est une technique très puissante qui permet l’enregistrement des courants glo-baux d’une cellule, mais également d’étudier les courants de canaux ioniques unitaires, selon la configuration de patch choisie (Hamill et al. 1981). Cette technique a donc été essentielle dans l’identification des canaux impliqués dans l’activité électrique de la cellule β. De plus, cette approche permet de mesurer la capacité de la membrane cellulaire, qui est fonction de la surface de celle-ci, et donne ainsi la possibilité de détecter des évènements d’exocytose (la fusion des vésicules entrainant une augmentation de la capacité de la membrane). Cela a beaucoup été utilisé pour étudier la dynamique de la sécrétion d’insuline et pour l’identification des différents pools de vésicules (Gopel et al. 2004). De plus, le patch-clamp, mais aussi les enregistrements par Sharp, ont une résolution temporelle beaucoup plus élevée que les méthodes optiques, de l’ordre de la microseconde, et permettent donc d’observer des variations se produisant sur de très courtes durées.

INTRODUCTION

Cependant, l’utilisation du patch-clamp pour étudier les réponses de la cellule β au glucose est assez complexe, car elle nécessite une configuration spécifique, le patch perforé, afin d’éviter une trop grande vidange du milieu intracellulaire, et donc des différents facteurs de couplage, dans la pipette de patch. Cette configuration est techniquement difficile à réaliser et demande une grande maîtrise de l’électrophysiologie pour être réalisée efficacement. De plus, ces méthodes sont invasives et ne permettent que des enregistrements de l’ordre de quelques dizaines de minutes au maximum. Elles ne sont donc pas appropriées à l’étude des mécanismes se déroulant sur de plus longues périodes de temps, tels que les rythmes circa-diens par exemple, et ne sont pas applicables au développement d’un biocapteur basé sur la cellule β.

Il faut au contraire pour cela recourir à une méthode la moins invasive possible, per-mettant la survie cellulaire sur de longues durées afin de procéder à des enregistrements « long-terme » de l’activité des cellules, sur plusieurs jours voire plusieurs semaines. D’autre part, afin d’observer un comportement cellulaire le plus proche de la situation physiologique, la méthode employée ne doit pas nécessiter de charger une sonde (ce qui pourrait induire une transgénèse).

Une manière simple de se libérer de ces contraintes est l’utilisation d’enregistrements électrophysiologiques extracellulaires. Une étude a montré la présence d’oscillations de l’activité électrique des îlots enregistrés au moyen d’une électrode extracellulaire (Palti et al.

1996), mais jusqu’à très récemment, aucune autre étude n’avait été réalisée par enregistre-ments extracellulaires sur les îlots. De plus, les oscillations décrites dans cette étude sont as-sez différentes, en termes de fréquences, des oscillations lentes ou rapides recensées dans la littérature. De plus récentes études ont étudié l’activité électrique des cellules β en utilisant une autre méthode extracellulaire : les matrices de microélectrodes (Bornat et al. 2010, Pfeiffer et al. 2011, Raoux et al. 2012, Schonecker et al. 2014).

LES MÉTHODES D’ÉTUDE DE L’ACTIVITÉ DES ÎLOTS

8.2. Les matrices de microélectrodes, dites « Multielectrode