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3.2.1. Fonctions

Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, l’insuline a pour fonction de dimi-nuer les taux de glucose circulant afin de les maintenir ou les ramener dans la gamme normo-glycémique. Elle a pour cela différents effets sur de multiples fonctions métaboliques de l’organisme. Ces effets peuvent être directs ou indirects. Globalement, l’insuline favorise d’une part la captation du glucose par les organes cibles, en augmentant l’expression des transporteurs au glucose GLUT à la membrane des cellules (Bogan 2012), leur permettant de directement utiliser le métabolite, ou le stocker sous forme de glycogène, grâce à une activa-tion de la glycolyse et de la glycogène synthase par l’insuline. Elle stimule également le stockage des lipides dans les adipocytes et contribue à la rétention protéique dans tous les tissus. D’autre part, l’insuline inhibe la production de glucose endogène au niveau des hépa-tocytes et des cellules musculaires principalement. Ces deux actions combinées contribuent à diminuer la glycémie (Cheatham & Kahn 1995). L’insuline régule également les fonctions centrales impliquées dans le contrôle de la prise alimentaire et la régulation métabolique, en agissant sur ses récepteurs présents notamment dans l’hypothalamus (Schwartz et al. 1992, Obici & Martins 2010) (cf. chapitre 1 pour une description plus détaillée concernant les effets de l’insuline sur ses cibles principales).

INTRODUCTION

3.2.2. Structure

L’insuline fut la première protéine à voir sa structure déterminée en 1955 par le groupe de Frederick Sanger, travaux grâce auxquels il obtint en 1958 le premier de ses deux prix No-bel. L’insuline est une hormone qui comptabilise 51 acides aminés pour un poids moléculaire de 6 kDa. Elle est constituée de deux chaines polypeptidiques : la chaîne A qui comporte 21 acides aminés, et la chaîne B composée de 30 acides aminés. Ces deux chaînes sont reliées entre elles par deux ponts disulfures. Un pont disulfure intracaténaire relie les acides aminés 6 et 11 de la chaîne A (Sanger 1959). La structure de l’insuline est presque identique dans toutes les espèces mammifères (Figure 7.A). À pH neutre, dans la gamme des concentrations physiologiques, l’insuline se présente sous sa forme active qui est la forme monomérique.

Cette forme active de l’insuline circule à des concentrations de l’ordre du nanomolaire dans le sang. Ce monomère présente une structure globulaire (Figure 7.B) dont le noyau central est hydrophobe. À pH neutre ou acide et pour des concentrations supraphysiologiques,

Figure 7 : Structure de l’insuline

A: Structure primaire de l’insuline humaine. L’insuline por-cine diffère de l’insuline humaine par 1 acide aminé (en vert), et l’insuline bovine par 3 acides aminés (en bleu).

http://thumbs.dreamstime.com/z/structure-human-insulin-27081204.jpg modifié d’après Magnan et Ktorza (2005).

B: Structure tertiaire tridimensionnelle de l’insuline por-cine: la chaine A est représentée en blanc et la chaine B en rouge. Le volume occupé par les acides aminés figure en transparence.

http://visualscience.ru/en/projects/insulin/3d-model/

LA CELLULE Β INSULINOSÉCRÉTRICE

l’insuline peut spontanément se dimériser. L’association de trois dimères d’insuline pour for-mer un hexamère requiert la présence de deux atomes de zinc. Ces cristaux hexamèriques d’insuline constituent la forme de stockage majeure de l’hormone dans les vésicules de sécré-tion (Magnan & Ktorza 2005, Steiner 2008). Cette forme cristalline de l’insuline, qui est la forme la plus dense de l’hormone in vivo, permet ainsi de stocker de grandes quantités de la protéine dans les petits espaces que sont les vésicules sécrétoires. La structure présentée en Figure 7 est celle du produit terminal de la biosynthèse de l’hormone. Cependant, comme c’est le cas pour toutes les protéines, avant d’aboutir au peptide mature, le précurseur de l’insuline subit plusieurs modifications post-traductionnelles que nous allons maintenant aborder.

3.2.3. Synthèse et maturation

La structure du gène de l’insuline a été remarquablement conservée au cours de l’évolution. Chez les mammifères, il n’existe qu’un seul exemplaire de ce gène, exception faite du rat et de la souris, chez lesquels se retrouvent deux exemplaires non alléliques (Magnan & Ktorza 2005), la raison d’être de cette duplication génétique demeurant inconnue.

L’insuline est produite uniquement par la cellule β. La biosynthèse de l’insuline se fait en plusieurs étapes successives de maturation (Figure 8.A) : la traduction de l’ARNm issu de la transcription du gène de l’insuline se fait au niveau de la membrane du réticulum endoplas-mique rugueux et aboutit à la formation de la pré-proinsuline. Ce précurseur comprend à son extrémité C-terminale la chaîne A de la future molécule d’insuline qui est reliée, par l’intermédiaire d’un peptide connecteur de 30–35 acides aminés appelé peptide C, à la chaîne B. Celle dernière est dotée d’un peptide signal hydrophobe de 24 acides aminés à son extrémi-té N-terminale, qui permet l’adressage du précurseur de l’insuline dans la lumière du RER. Le peptide signal est ensuite clivé du reste du précurseur pour former la proinsuline, qui se replie et acquiert sa structure native avec la formation des trois ponts disulfures. La proinsuline est alors transportée dans l’appareil de Golgi où commence la conversion du pro-peptide en insu-line, qui se termine dans des vésicules de sécrétion immatures tapissées de clathrine sous l’action de deux endopeptidases (les prohormone-convertases 2 et 3) et de la carboxypepti-dase H, activée par une acidification du milieu intravésiculaire qui survient au cours du pro-cessus de maturation de l’insuline (Orci et al. 1987). Ces enzymes opèrent alors le clivage de la proinsuline pour donner l’insuline bicaténaire et le peptide C de 31 résidus aminés.

Simul-INTRODUCTION

tanément, la vésicule perd son revêtement de clathrine. L’acidification du milieu vésiculaire, la présence de la forme finale de l’insuline ainsi que la perte de ce manteau de clathrine carac-térisent les vésicules matures. L’insuline s’hexamérise avec le zinc pour former les cristaux d’insuline. C’est de ces cristaux, denses aux électrons lorsqu’ils sont observés en microscopie électronique, que les granules sécrétoires contenant l’insuline doivent leur nom de « vésicules larges à cœur dense ».

L’insuline et le peptide C sont libérés en quantité équimolaire lors de l’exocytose de ces vésicules (Figure 8.B). Cette dernière étape d’exocytose étant obligatoirement déclenchée par un stimulus, ce mode de sécrétion est nommé « sécrétion régulée ». Dans les conditions physiologiques, il s’agit du mode de sécrétion majoritaire, comptant pour plus de 95% de la libération de l’hormone. Un autre mode de sécrétion, la « sécrétion constitutive », existe éga-lement, mais est minoritaire dans la cellule β (Magnan & Ktorza 2005, Steiner 2008).

D’autres facteurs, contenus dans les vésicules larges à cœur dense, sont également re-largués lors de l’exocytose de l’insuline, comme par exemple le zinc, l’ATP, des peptides tels que l’amyline (encore appelée islet amyloid polypeptide, IAPP) ou les chromogranines A et B, ainsi que des neuropeptides et neurotransmetteurs comme par exemple l’acide γ-aminobutyrique (GABA), la sérotonine (également nommée 5-hydroxytryptamine, 5-HT), le NPY ou encore le PACAP. Si certains de ces facteurs jouent un rôle dans la maturation et le stockage de l’insuline (comme le zinc et les chromogranines) tandis que le rôle physiolo-giques de certains autres est inconnu (comme cela est le cas pour l’IAPP), la plupart jouent un rôle régulateur dans la fonction des îlots par des actions autocrines et/ou paracrines (Braun et al. 2012), ce qui sera l’objet d’un chapitre ultérieur.

En raison de sa fonction sécrétoire, la capacité de stockage de l’insuline de la cellule β est particulièrement élevée afin de pouvoir libérer suffisamment d’insuline en réponse à une augmentation de la glycémie. Les vésicules matures contenant l’insuline peuvent ainsi demeu-rer plusieurs jours dans le cytosol avant de subir l’exocytose. Par conséquent, les mécanismes de contrôle de la biosynthèse et ceux régulant la sécrétion de l’insuline sont forcément dis-tincts. Ainsi, toute molécule influençant la sécrétion d’insuline intervient en modulant les mé-canismes impliqués dans l’exocytose régulée ou son déclenchement, et hormis certains subs-trats énergétiques comme le glucose ou le GLP-1, les stimuli de la sécrétion de l’insuline n’ont pas d’influence majeure sur la biosynthèse de l’hormone (Magnan & Ktorza 2005).

LA CELLULE Β INSULINOSÉCRÉTRICE

Figure 8 : Synthèse et maturation de l’insuline dans la cellule-β

A: Les différents précurseurs successifs de l’insuline. D’après Brass et al. (2010). B: Biosynthèse et sécrétion régulée de l’insuline: 1. Début de la traduction : formation de pré-proinsuline puis de proinsuline (clivage du peptide signal) dans la lumière du réticulum endoplasmique. 2. La proinsu-line est transportée dans des vésicules intermédiaires vers le cis-Golgi. 3. La conversion complète a lieu dans le Golgi et les vésicules issues du trans-Golgi. 4. La proinsuline est clivée pour donner le peptide C et l’insuline. Les molécules d’insuline sont stockées sous forme cristalline dans les vési-cules de sécrétion matures. D’après Magnan et Ktorza (2005).

INTRODUCTION