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Les modulations de la sécrétion d’insuline

3.3. Détection des besoins en insuline par la cellule β

3.3.2. Les modulations de la sécrétion d’insuline

o Voie déclenchante et voie amplificatrice

De nombreuses études indiquent que le glucose induit et amplifie la sécrétion d’insuline par deux voies de signalisation différentes (Figure 11). La voie sans laquelle il ne peut y avoir de sécrétion d’insuline est appelée la voie déclenchante (ou voie KATP -dépendante) et est provoquée par l’augmentation de la [Ca2+]i. Le Ca2+ est central dans le dé-clenchement de l’exocytose car l’augmentation des concentrations intracellulaires de calcium est indispensable à la fusion des vésicules sécrétoires à la membrane plasmique. Cependant, le signal calcique n’est pas assez intense, assez soutenu ni assez flexible pour faire face aux be-soins physiologiques. Des études sur cellules clonales perméabilisées ont montré que si l’augmentation de la [Ca2+]i était suffisante pour déclencher une réponse sécrétoire, cette der-nière est potentialisée en présence d’AMPc (Vallar et al. 1987).

LA CELLULE Β INSULINOSÉCRÉTRICE

Ainsi, d’autres facteurs issus du métabolisme du glucose agissent pour amplifier la ré-ponse sécrétoire élicitée par le signal déclencheur qu’est l’augmentation de la [Ca2+]i. Cette seconde voie, dite amplificatrice métabolique (ou voie KATP-indépendante), compte pour 50%

de la sécrétion d’insuline en réponse au glucose (Mourad et al. 2010). Plusieurs candidats métaboliques semblent jouer un rôle dans cette voie amplificatrice, cependant leur importance physiologique n’a pas été déterminée, et d’autres acteurs non identifiés à ce jour pourraient également intervenir. De plus, leurs mécanismes d’action sont plus complexes que ceux de la

Figure 11 : La voie déclenchante et les voies amplificatrices de la sécrétion de l’insuline

La voie déclenchante repose sur l’augmentation de la concentration cytosolique de Ca2+ consécutive à l’ouverture des canaux calciques voltage-dépendants (VDCC) suite à la dépolarisation membranaire causée par l’ouverture des canaux KATP. En plus de cette voie déclenchante KATP-dépendante, des signaux métaboliques générés par le métabolisme du glucose amplifient la sécrétion d’insuline: il s’agit de la voie amplificatrice métabolique, ou voie KATP-indépendante. La sécrétion d’insuline est également ampli-fiée par l’action d’hormones ou de neurotransmetteurs qui génèrent des signaux intracellulaires tels que l’AMPc, le diacylglycérol (DAG) et l’IP3. On parle alors de voie amplificatrice neurohormonale. PKA, phosphokinase A; PLCβ, phospholipase C-β; AC, adénylate cyclase; ACh, acétylcholine; ER, réticulum endoplasmique. D’après Seino et al. (2010) et Seino (2012).

INTRODUCTION

voie déclenchante. Ces signaux métaboliques agissent indépendamment de l’augmentation de la [Ca2+]i elle-même, celle-ci étant néanmoins nécessaire à la voie amplificatrice, qui n’a pas lieu si la voie déclenchante n’est pas opérationnelle (Gembal et al. 1993). Elle fut mise en évidence en découplant le métabolisme du glucose de la sécrétion d’insuline en maintenant le canal KATP ouvert (utilisation de diazoxide), puis augmentant la [Ca2+]i à l’aide d’une dépola-risation membranaire induite par une stimulation au KCl, provoquant ainsi une réponse sécré-toire. Une augmentation du glucose dans ces conditions augmente la sécrétion d’insuline sans modifier la [Ca2+]i déjà élevée (Gembal et al. 1992) suggérant ainsi l’existence d’une voie indépendante du déclencheur calcique pouvant influer sur la sécrétion (Henquin 2000, Henquin 2009, Henquin 2011).

Parmi les mécanismes supposés de la voie amplificatrice métabolique, la voie de l’AMPc (adénosine monophosphate cyclique) est la mieux caractérisée. L’AMPc est produit à partir de l’ATP par l’adénylate cyclase (AC) et agit sur la sécrétion d’insuline par deux voies distinctes : la première implique l’activation de la PKA (voie PKA-dépendante), qui phospho-ryle ensuite diverses protéines associées au processus de sécrétion et augmente la mobilisation des granules d’insuline et ainsi le nombre de vésicules délivrables (Seino & Shibasaki 2005).

La seconde voie est dite PKA-indépendante, et implique l’activation d’Epac2A (exchange protein activated by cAMP), qui interagit par la suite avec la GTPase Rap1 (Ras-related tein 1) ou encore avec Rim2α (rab interacting molecule). Rim2α interagit avec diverses pro-téines impliquées dans l’exocytose, telles que la synaptotagmine 1, tandis que la voie Epac2A-Rap1 agit en augmentant le nombre de vésicules délivrables, contribuant ainsi à augmenter la sécrétion d’insuline (Seino et al. 2011, Seino 2012). Outre l’AMPc, d’autres facteurs de couplage mitochondriaux ont été proposés pour expliquer les mécanismes d’amplification de la sécrétion d’insuline, tels que le glutamate ou encore le NADH et les LC-CoA que nous avons abordés plus tôt (Henquin 2011).

Une autre voie d’amplification, dite la voie amplificatrice neurohormonale, est activée sous l’action de signaux hormonaux tels que les incrétines GLP-1 et GIP, ou neuronaux tels que le VIP ou le PACAP, qui potentialisent la sécrétion d’insuline en agissant au niveau de leur récepteur couplé à une protéine G, qui active l’AC et ainsi la production d’AMPc, stimu-lant les voies amplificatrices PKA-dépendante et PKA-indépendante. La cellule β exprime 8 isoformes de l’AC, les AC 1 à 8 ; chez le rongeur, l’effet potentialisateur du GLP-1 passe par l’activation de l’AC8, qui est importante pour le maintien de la glycémie étant donné qu’elle

LA CELLULE Β INSULINOSÉCRÉTRICE

est nécessaire pour la signalisation calcique induite par le glucose dans la cellule β (Roger et al. 2011, Raoux et al. 2014, Dou et al. 2015). L’effet amplificateur du GLP-1 via l’AMPc compte pour plus de la moitié de la réponse physiologique au glucose (Gromada et al. 1997, Gromada et al. 1998). D’autres mécanismes d’amplification, comme celui déclenché par l’acétylcholine par exemple, impliquent la conversion du PIP2 (phosphatidylinositol-4,5-diphosphate) en IP3 (inositol 1,4,5-trisphosphate) par la phospholipase C (PLC), recrutant ainsi les stocks de calcium intracellulaires du réticulum endoplasmique pour augmenter la [Ca2+]i (Gilon & Henquin 2001).

Les voies amplificatrices sont cruciales dans la réponse sécrétoire de la cellule β au glucose. En effet, il a été montré que de petites augmentations successives par paliers de la concentration de glucose de 2,8 à 12,5 mM ne déclenchaient pas la sécrétion d’insuline dans le pancréas de souris perfusé, tandis qu’en présence de GLP-1 ou d’un analogue de l’AMPc, la sécrétion d’insuline était induite (Fujimoto et al. 2009).

o Les inhibiteurs de la sécrétion d’insuline

En situation physiologique, la sécrétion d’insuline doit parfois être inhibée afin d’assurer un apport de glucose suffisant aux organes utilisateurs, comme par exemple lors d’un exercice physique. Ainsi, certains agents moléculaires vont non pas amplifier, mais atté-nuer l’intensité de la réponse sécrétoire au glucose. Il s’agit des neuromédiateurs libérés par les afférences nerveuses sympathiques, notamment la noradrénaline ou le NPY, mais égale-ment des hormones circulantes, comme l’adrénaline qui agit conjointeégale-ment avec le système nerveux sympathique pour moduler la réponse des îlots en situation de stress, ou encore des hormones insulaires agissant par voie paracrine comme la somatostatine (Magnan & Ktorza 2005). L’adrénaline et la noradrénaline par exemple agissent sur la cellule β via le récepteur α2-adrénergique, en exerçant leur effet soit par l’intermédiaire de l’AC, soit directement au niveau de l’exocytose (Ullrich & Wollheim 1988, Lang et al. 1995, Renstrom et al. 1996).

3.3.3. Dynamique de la sécrétion d’insuline