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IV. Résultats

IV.1. Chapitre 1 : Rôle précoce du calcium dans la formation de la

IV.1.1. Introduction

La formation de la mémoire à long terme requiert, après l’apprentissage, une phase de consolidation impliquant des modifications synaptiques, au niveau fonctionnel et structural. Ces modifications synaptiques sont associées à une importante vague de transcription de gènes et de synthèse protéique, nécessaire afin que l’information puisse être stabilisée au sein d’un réseau spécifique de neurones (pour revues : Davis et Squire, 1984 ; Kandel, 2001 ; Lynch, 2004). La formation de la mémoire à long terme est dépendante de nombreux acteurs moléculaires, comme par exemple l’AC, la CaMKII, ERK, le facteur de transcription CREB, et le monoxyde d’azote (Kandel, 2001 ; Dudai et

al., 1988 ; Schacher et al.,1988 ; Müller, 1996 ; Mansuy et al., 1998; Schwärzel et

Müller, 2006 : Matsumoto et al., 2006 ; Irvine et al., 2006). Depuis de nombreuses années, des recherches ont été menées afin d’identifier le déclencheur de l’activation de ces cascades moléculaires menant à la transcription et à la synthèse protéique, représentant alors l’élément le plus précoce de la formation de la mémoire à long terme. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, ces recherches n’ont pas été concluantes.

Un candidat particulièrement adapté à jouer ce rôle serait le calcium. En effet, la plupart des molécules citées ci-dessus dépendent directement, ou indirectement du calcium par l’intermédiaire de protéines liant celui-ci. De plus, le calcium joue un rôle central dans la régulation de la transcription (Berridge, 1998 ; Dolmetsch et al., 1998 ; Finkbeiner et Greenberg, 1998 ; Carrasco et al., 2004 ; Weick et al., 2005 ; Greer et Greenberg, 2008), et dans l’établissement de la potentialisation à long teme (PLT), un modèle cellulaire très étudié de la formation de la mémoire (voir Introduction générale

paragraphe I.1.2.c) (Lisman, 2001 ; Reymann et Frey, 2007). En outre, de nombreuses

études indirectes montrent un lien entre le calcium et les processus mnésiques (Quevedo

et al., 1998 ; Blackwell et al., 1999 ; Bauer et al., 2002 ; Woodside et al., 2004 ; Baker et al., 2008 ; Baker et al., 2009). Les auteurs utilisent des agents pharmacologiques pour

bloquer des récepteurs permettant la modulation du niveau de calcium intracellulaire. De plus, la plupart de ces études suggèrent que le calcium est nécessaire pour la formation de la mémoire à long terme mais, à notre connaissance, aucune étude n’a mis en évidence que le calcium est suffisant pour induire ce processus.

Ainsi, le but de ce premier chapitre de mon travail de thèse est de préciser le rôle du calcium dans la formation de la mémoire et de prouver que le calcium, pendant l’apprentissage, peut être non seulement nécessaire mais aussi suffisant pour induire la formation d’une mémoire à long terme. Nous avons choisi un modèle animal particulièrement adapté pour répondre à cette question : l’abeille Apis mellifera (voir

IV.1.2.

Résultats

a. L’augmentation du niveau de calcium intracellulaire pendant l’apprentissage est nécessaire pour la formation de la mémoire olfactive à long terme.

Nous savons que des essais multiples de conditionnement, espacés de 10 minutes, permettent la formation d’une mémoire à long terme dépendante de la synthèse de novo de protéines (Menzel et al., 2001). Cet apprentissage déclenche une amplification des réponses calciques au niveau des lobes antennaires et des corps pédonculés (Faber et al., 1999 ; Faber et Menzel, 2001). Afin de démontrer que le calcium est nécessaire pour la formation d’une mémoire à long terme, nous avons choisi de moduler le niveau de calcium intracellulaire pendant l’apprentissage. Nous avons chélaté le calcium intracellulaire en utilisant le BAPTA-AM (voir Matériels et Méthodes paragraphe

III.1.3.b) et réalisé des expériences du conditionnement appétitif du réflexe d’extension

du proboscis (REP) (voir Matériels et Méthodes paragraphe III.1.2.b) afin d’évaluer l’effet de cet agent pharmacologique sur les performances mnésiques des abeilles.

Deux concentrations de BAPTA-AM ont été testées sur la formation de la mémoire olfactive à long terme. Nous avons injecté dans le thorax des abeilles 1 µl de BAPTA- AM à 500µM ou 50µM. Une heure après l’injection, les abeilles ont été soumises à un conditionnement du REP en trois essais espacés de 10 minutes, puis soumises à un test de rétention à 72h.

Les résultats présentés en figure 36A montrent qu’au cours des essais de conditionnement (C1, C2 et C3), les réponses conditionnées des abeilles augmentent, qu’elles soient injectées ou non avec le BAPTA-AM (Témoin : Q = 60,0 ; P < 0,001 ; BAPTA-AM 50µM : Q = 73,57 ; P < 0,001 ; BAPTA-AM 500µM : Q = 81,0 ; P < 0,001). De plus, aucune différence de performances n’apparaît entre les trois groupes (Témoin vs BAPTA-AM 50µM: U = 269 ; P = 0,74 ; Témoin vs BAPTA-AM 500 µM: U = 278,5 ; P = 0,93 ; et BAPTA-AM 50µM vs BAPTA-AM 500µM : U = 211 ; P = 0,51).

Les abeilles témoins ou injectées avec le BAPTA-AM apprennent donc de la même façon l’association odeur/sucre. Ainsi, l’apprentissage ne nécessiterait pas une importante augmentation du [Ca2+]i.

Figure 36. Comparaison des performances lors de l’acquisition et du test de rétention à 72h entre un groupe témoin et 2 groupes injectés avec le BAPTA-AM (50 ou 500µM). A. Pourcentage de réponse

conditionnée (RC) des trois groupes au cours des trois essais de conditionnement (C1, C2 et C3) (témoins : n = 70 ; BAPTA-AM 50µ M : n = 75 ; BAPTA-AM 500µ M : n = 85). Le % RC augmente pour tous les groupes, les animaux apprennent donc l’association odeur/sucre. B. Pourcentage RC à l’odeur apprise et à une nouvelle odeur pour les trois groupes lors d’un test de rétention à 72 heures. Les réponses spécifiques (RS) représentent la différence entre les réponses à l’odeur apprise et les réponses à la nouvelle odeur. Les RS sont significativement plus importante pour le groupe témoin que pour les groupes BAPTA-AM qui ont des déficits de mémoire à long terme (*: P <0,05 ; **: P <0,01 ;***: P < 0,001 ; NS: non significatif).

Les abeilles sont ensuite soumises à un test de rétention à 72h. Ce test de rétention est effectué en condition d’extinction, les abeilles étant soumises à la présentation de l’odeur apprise (le SC) sans renforcement (le SI). Lors de ce test, une nouvelle odeur est présentée aux abeilles afin de vérifier la spécificité de leur réponse à l’odeur apprise. Les résultats du test de rétention sont présentés en figure 36B et montrent que les abeilles témoins répondent significativement plus au SC (barres noires) que les abeilles injectées avec le BAPTA-AM 50 ou 500µM (témoin vs BAPTA-AM 50µM : χ² = 6,8 ; P = 0,0091 ; témoin vs BAPTA-AM 500µM : χ² = 9,1 ; P = 0,0026). En outre, quelle que soit la concentration de BAPTA-AM injectée, il n’y pas de différence de réponses à l’odeur apprise (χ² = 0,12 ; P = 0,73).

Ainsi, l’inhibition de l’augmentation de la [Ca2+]i pendant l’apprentissage induit une diminution des performances mnésiques à long terme.

En outre, les abeilles témoins et dans une moindre mesure les abeilles injectées au BAPTA-AM 50µM, répondent significativement plus au SC qu’à la nouvelle odeur (barres grises) (témoin : χ² de Mc Nemar = 24,3 ; P < 0,001 ; BAPTA-AM 50µM : χ² de

Mc Nemar = 5,5 ; P = 0,019), ce qui n’est pas le cas des abeilles injectées avec le BAPTA-AM 500µM (χ² de Mc Nemar = 2,04 ; P = 0,15).

Ces résultats montrent notamment pour le groupe témoin, la spécificité de la mémoire à long terme formée lors d’un conditionnement en 3 essais espacés de 10 minutes. Les réponses spécifiques (RS) des abeilles (voir figure 36B), correspondant à la différence entre les réponses au SC et les réponses à la nouvelle odeur, sont significativement plus faibles dans les groupes injectés avec le BAPTA-AM par rapport aux RS du groupe témoin (témoin vs BAPTA-AM 50µM : χ² = 10,66 ; P = 0,0011; témoin vs BAPTA-AM 500µM : χ² = 15,55 ; P < 0,001). De plus, il n’y a pas de différence de RS entre les deux groupes injectés au BAPTA-AM (χ² = 0,12 ; P = 0,73).

Le BAPTA-AM 500µM étant plus actif sur les performances de mémoire à long terme nous utiliserons cette concentration dans la suite des expériences.

La procédure de conditionnement choisie permet, aux abeilles témoins, de former une mémoire à long terme spécifique de l’odeur apprise. Cependant, les abeilles injectées avec le BAPTA-AM, et conditionnées de la même façon, montrent des déficits mnésiques à long terme notamment du point de vue de la spécificité de cette mémoire.

Pour préciser la spécificité temporelle de cet effet sur la mémoire à long terme nous avons reproduit la procédure expérimentale décrite précédemment, et testé les performances des abeilles pour des mémoires plus précoces, à 3h ou 24h après le conditionnement. La figure 37 compare les RS des individus témoins ou injectés avec le BAPTA-AM (500µM) testés à 72h par rapport à ceux testés à 3h ou 24h. Les résultats montrent clairement que le BAPTA-AM, injecté une heure avant le conditionnement, n’a pas d’effet sur les performances des abeilles testées à 3h et à 24h (respectivement : χ² = 0,65 ; P = 0,42 et χ² = 0,43 ; P = 0,51). L’injection du BAPTA-AM a uniquement un effet sur la formation de la mémoire à long terme et non sur des mémoires plus précoces (jusqu’à 24h) ou sur les performances d’apprentissage.

Figure 37. Pourcentage de réponses spécifiques (% RS) lors d’un test de rétention à 3 heures, à 24 heures ou à 72heures. Le % RS (% d’abeilles répondant au SC et non à la nouvelle odeur) est comparé

entre des abeilles injectées avec du BAPTA-AM 500µ M et des abeilles témoins à 3 heures (témoin: n = 125; BAPTA-AM: n = 120), 24 heures (témoin: n = 112 ; BAPTA-AM: n = 117) ou 72 heures après un conditionnement en trois essais espacés de 10 minutes. Le % RS présenté à 72 heures correspond aux données de la figure 1. Le BAPTA-AM associé à trois essais de conditionnement induit spécifiquement une baisse des performances mnésiques à 72h (***: P < 0,001; NS: non significatif).

Pour vérifier que l’augmentation de [Ca2+]i est nécessaire pendant l’apprentissage et non après, nous avons injecté le BAPTA-AM une heure après le conditionnement (trois essais espacés de 10 minutes) et testé les performances des abeilles à 72 heures. Cette expérience nous permet aussi de préciser si la baisse de réponses à long terme des abeilles ne pourrait pas être du à un effet du BAPTA-AM sur la rétention à long terme et/ou d’autres effets non spécifiques comme la perception de l’odeur.

Les résultats obtenus, et présentés en figure 38, montrent que l’injection du BAPTA- AM une heure après le conditionnement n’a pas d’effet sur les performances des RS des abeilles lors de la mémoire à long terme (χ² = 0,49 ; P = 0,48). Le BAPTA-AM à donc un effet sur la formation de la mémoire à long terme et non un effet à long terme sur la rétention ou la perception de l’odeur.

Figure 38. Variation du pourcentage de réponses spécifiques (∆ RS) des individus injectés avec du BAPTA-AM par rapport au groupe témoin lors d’un test de rétention à 72h. Le % RS (% d’abeilles

répondant au SC et non à la nouvelle odeur) sont comparés entre les groupes BAPTA-AM et témoin, injectés une heure avant (barre noire, présenté en détails en figure 1 ; témoin : n = 70 ; BAPTA-AM : n = 85) ou une heure après (barre blanche, témoin: n = 56; BAPTA-AM: n = 50) un conditionnement en trois essais espacés de 10 minutes. Les résultats statistiques correspondent aux comparaisons de RS entre le groupe injecté au BAPTA-AM et le groupe témoin pour lequel le ∆ RS = 0. Une valeur négative de ∆ RS indique une baisse des performances mnésiques à long terme. Cette expérience permet d’évaluer la fenêtre d’action pour laquelle le BAPTA-AM a un effet sur les performances mnésiques à long terme. Seule l’injection de BAPTA-AM une heure avant l’apprentissage a un effet sur les performances mnésiques à long terme. (***: P < 0,001 ; NS: non significatif).

En conclusion, l’augmentation de la [Ca2+]i ne serait pas nécessaire pour permettre aux abeilles d’apprendre ainsi que pour répondre spécifiquement à l’odeur apprise jusqu’à 24h après l’apprentissage, période qui correspond à des mémoires indépendantes d’une nouvelle transcription de gènes (Menzel et al., 2001). De plus, ces résultats suggèrent que l’augmentation de la [Ca2+]i présente au moment du conditionnement, serait à l’origine de l’activation de différentes voies moléculaires qui permettraient la régulation de l’expression de gènes impliqués dans la formation de la mémoire olfactive à long terme chez l’abeille.

b. L’augmentation du niveau de calcium intracellulaire pendant l’apprentissage est suffisante pour la formation d’une mémoire olfactive à long terme dépendante de la transcription de gènes.

Notre hypothèse prévoit que l’augmentation de la [Ca2+]i pendant l’apprentissage doit entraîner l’activation de voies moléculaires qui permettent la transcription de gènes et la synthèse protéique nécessaire au stockage et à la stabilisation d’une information à long terme. Les résultats des expériences précédentes montrent que l’augmentation de la [Ca2+]i pendant l’apprentissage est nécessaire pour déclencher l’établissement d’une mémoire à long terme, mais est-elle suffisante pour induire la formation de cette mémoire ? Pour répondre à cette question et afin de mieux comprendre le rôle du calcium intracellulaire dans la formation de la mémoire à long terme, nous avons, dans cette deuxième partie, augmenté la [Ca2+]i pendant l’apprentissage, et ensuite testé les performances à long terme des abeilles. Nous avons donc choisi une procédure expérimentale au cours de laquelle les abeilles sont soumises à un conditionnement du REP en un essai (une seule association odeur/sucre) dont on sait que les performances mnésiques à long terme sont faibles (Menzel et al., 2001).

Nous avons tout d’abord augmenté la [Ca2+]i, en injectant la caféine. La caféine interagit avec les récepteurs à la ryanodine qui sont présents sur la membrane du réticulum endoplasmique et va permettre de libérer le calcium des stocks du réticulum vers le cytoplasme, entraînant ainsi une augmentation de la [Ca2+]i (McPherson et al., 1991).

Il n’existe aucune information concernant l’effet de la caféine sur la [Ca2+]i chez l’abeille, nous avons donc vérifié en imagerie calcique sur le cerveau de l’abeille l’effet de cet agent pharmacologique. Le signal calcique est enregistré pendant 60 minutes au niveau de trois structures du cerveau de l’abeille impliquées dans la formation de la mémoire olfactive (le lobe antennaire, le lobe alpha des corps pédonculés et le lobe protocérébral latéral (figure 39A). La caféine (10 µl à 20 mM) est ajoutée à l’hémolymphe du cerveau de l’abeille dix minutes après le début de l’enregistrement.

Figure 39. Fluorescence relative (% ∆F/F0) au niveau du cerveau de l’abeille (A). Fluorescence

relative au niveau du lobe antennaire (B), du lobe alpha des corps pédonculés (C) et du lobe procérébral latéral (LPL) (D) suite à l’application de 10µ l de caféine à 20mM (n = 10) ou de solution saline (témoin, n = 7) 10 minutes après le début de l’enregistrement (flèche) et pendant 50 minutes. Entre 6 à 10 minutes après l’application de caféine, la [Ca2+]i est augmentée pendant 14 à 20 minutes On peut noter que la baisse de fluorescence observée pour le groupe témoin est due au changement du volume de solution entre le cerveau et l’objectif. A. Représentation en 3D du cerveau de l’abeille (http://www.neurobiologie.fu- berlin.de/beebrain/). (*: P < 0,05 ; test t).

Les résultats présentés en figure 39 montrent que l’application de caféine induit une augmentation significative du niveau de calcium intracellulaire pendant 14 minutes au niveau du lobe antennaire (t < 2,71 ; P < 0,05). Cette augmentation dure 20 minutes au niveau du lobe alpha (t < 2,36 ; P < 0,05) et 16 minutes au niveau du lobe protocérébral latéral (t < 2,35 ; P < 0,05). Ces augmentations évaluées au maximum de l’effet sont d’environ 4% dans chacune des structures.

Cette expérience permet donc de confirmer l’effet de la caféine sur la [Ca2+]i dans le cerveau de l’abeille.

L’effet de la caféine a été ensuite testé sur les performances des abeilles en mémoire à long terme. Nous avons injecté, 20 minutes avant un conditionnement en un seul essai, 1µl de caféine à 20mM dans le thorax des abeilles puis, nous avons testé leurs performances à 72h. Nous avons comparé les performances mnésiques du groupe injecté avec la caféine avec deux groupes témoins injectés avec de la solution saline et conditionnés en un essai ou en trois essais espacés de 10 minutes. Ce dernier groupe permet de comparer les performances du groupe expérimental avec un groupe présentant de bonnes performances à long terme (Menzel et al., 2001 ; et figure 36)

L’application de caféine avant un unique essai de conditionnement augmente fortement les réponses à long terme au SC (figure 40) (χ² = 10,3 ; P = 0.0013). Ces réponses ne sont pas différentes de celles obtenues par le groupe témoin 3 essais (χ² = 1,64 ; P = 0.2). En outre, les trois groupes répondent de manière plus importante à l’odeur apprise (le SC) qu’à la nouvelle odeur montrant ainsi que leurs réponses conditionnées à long terme sont spécifiques de l’odeur apprise (témoin 1 essai : Mc Nemar χ² = 14,4 ; P < 0,001 ; Caféine 1 essai : Mc Nemar χ² = 19,3 ; P < 0,001; témoin 3 essais : Mc Nemar χ² = 23,3 ; P < 0,001). Néanmoins, nous observons une augmentation significative des réponses à la nouvelle odeur pour le groupe injecté avec la caféine par rapport au groupe témoin 1 essai (χ² = 4,7 ; P = 0,03). Une telle augmentation suggère une généralisation de la réponse aux odeurs (voir Matériels et Méthodes paragraphe III.1.2.d ; Guerrieri et al., 2005). En effet, une abeille ayant appris une odeur donnée, répondra d’autant plus à une odeur nouvelle qu’elle sera « proche » perceptivement de l’odeur apprise. De plus, la réponse à cette nouvelle odeur sera d’autant plus prononcée que la réponse à l’odeur apprise augmente, comme c’est le cas pour le groupe traité à la caféine ou le groupe témoin soumis à trois essais. Par ailleurs, il n’y a pas de différence de réponse à la nouvelle odeur entre les groupes caféine et témoin 3 essais (χ² = 3,2 ; P = 0,07). Le pourcentage de réponses spécifiques (% RS) (correspondant à la différence entre les réponses à l’odeur apprise et les réponses à la nouvelle odeur) montre que les performances à long terme du groupe traité avec la caféine sont significativement plus importantes que celles du groupe témoin 1 essai (χ² = 3,9 ; P = 0,049). De plus, les RS des individus recevant de la caféine ne sont pas différentes de celles du groupe témoin 3 essais (χ² = 0,9 ; P = 0,33).

Figure 40. Pourcentage de réponses conditionnées (% RC) à l’odeur apprise ou à une nouvelle odeur lors d’un test de rétention à 72h. Le % RC est comparé entre les groupes témoin 1 essai (n = 78),

caféine 1 essai (20 mM, n = 60) ou témoin 3 essais (n = 68). Les réponses spécifiques (RS) représentent la différence entre les réponses à l’odeur apprise et les réponses à la nouvelle odeur. Les comparaisons statistiques présentes sur le graphique sont : la différence de % RC entre l’odeur apprise et la nouvelle odeur, et la différence de RS entre les groupes. La caféine associée à un essai de conditionnement permet d’augmenter significativement les performances à 72h des abeilles (*: P < 0,05 ; **: P < 0,01 ; ***: P < 0,001 ; NS: non significatif).

L’augmentation de la [Ca2+]i provoquée par l’application de caféine lors d’un essai de conditionnement, est suffisante pour induire la formation d’une mémoire à long terme. De plus, les performances à long terme de ces abeilles sont similaires à celle d’un groupe conditionné en 3 essais espacés de 10 minutes.

Nous avons ensuite réalisé des expériences témoins afin de vérifier que les résultats obtenus dépendent bien de l’association odeur/sucre et ne seraient pas dus à la présentation de l’odeur seule dans le contexte d’une augmentation de la [Ca2+]i. Nous avons injecté la caféine 20 minutes avant la présentation de l’odeur seule et avons ensuite testé les performances de mémoire à long terme à 72h. Les résultats présentés en figure 6 montrent que la caféine injectée 20 minutes avant la présentation de l’odeur seule, ne permet pas de former une mémoire à long terme (χ² = 0 ; P = 0,97).

Figure 41. Pourcentage de réponses spécifiques (% RS) lors d’un test de rétention à 72h. Le % RS

est comparé entre les individus témoin et caféine (20 mM) soumis a un conditionnement en 1 essai (SC + SI) ou soumis à la présentation de l’odeur seule (témoin: n = 39; Caféine: n = 40). Les résultats du groupe SC + SI sont ceux présentés en détails dans la figure 2. A près une injection de caféine, seule une association entre SC et SI, permet de former une mémoire à long terme (*: P < 0,05 ; NS: non significatif).

Afin d’établir si l’augmentation de performances à long terme obtenue par l’injection de caféine avant un essai de conditionnement est spécifique de la formation de la mémoire à long terme, nous avons comparé les RS des abeilles à 72h avec celles d’abeilles testées pour des mémoires plus récentes, à 3h ou à 24h. Pour cette expérience, nous avons formé un groupe injecté avec la caféine et conditionné en un seul essai, et nous l’avons comparé à un groupe témoin (injection saline) conditionnés en 1 essai. Les résultats présentés en figure 42 montrent que l’application de caféine n’a pas d’effet sur les RS des individus à 3h et à 24h (respectivement : χ² = 0,2 ; P = 0,62 ; χ² = 0,8 ; P = 0,37). En revanche, on observe une baisse des RS des individus du groupe témoin à 72h. Cette baisse représente la baisse naturelle de réponse à long terme des individus soumis à un seul essai de conditionnement (Sandoz et Pham-Delègue, 2004).

Figure 42. Pourcentage de réponses spécifiques (%RS) lors d’un test de rétention à 3h, à 24h ou à 72h. Le % RS est comparé entre les groupes injectés avec la caféine (20mM, 1 essai) ou avec la solution

saline (témoin 1 essai) lors de test de rétention à 3h (témoin: n = 95; Caféine: n = 78), à 24h (témoin: n = 77; Caféine: n = 84) ou à 72h (résultats de l’expérience présentée en figure 3) après le conditionnement. La caféine associée à un essai de conditionnement permet d’augmenter spécifiquement les performances mnésiques à 72h (*: P < 0,05 ; NS: non significatif).

L’augmentation de la [Ca2+]i pendant un essai unique de conditionnement est suffisante pour induire une augmentation spécifique des performances à long terme.

L’augmentation de la [Ca2+]i après l’apprentissage serait-elle également suffisante pour induire la formation d’une mémoire à long terme ? Nous avons injecté la caféine (à 20 mM en intra-thoracique) immédiatement ou une heure après un essai de conditionnement. Les performances des abeilles sont testées à 72h. Nos résultats montrent une tendance à une augmentation des performances lorsque les abeilles sont injectées avec la caféine immédiatement après le conditionnement, mais celle-ci est en limite du seuil de significativité (χ² = 0,49 ; P = 0,078) (figure 43). En revanche, la