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I. Introduction Générale

I.3. Partie III L’abeille Apis mellifera, modèle neurobiologique des

I.3.3. Les bases neurales de la formation de la mémoire olfactive chez l’abeille

a. Architecture du cerveau de l’abeille

L’abeille possède un cerveau comprenant environ 960 000 neurones (Witthöft, 1967). Il est constitué de trois régions principales : le protocerebrum, le deutocerebrum et le

tritocerebrum.

Le protocerebrum contient les lobes optiques (lamina, medulla, lobula), une paire de corps pédonculés et le corps central (figure 13). Les corps pédonculés des insectes sont généralement décrits comme étant un centre d’intégration d’ordre supérieur nécessaire pour l’apprentissage et la mémoire (Erber, 1976 ; Hammer et Menzel, 1995 ; Strausfeld, 2002 ; Heisenberg, 2003). Chaque corps pédonculé est constitué de deux sous-unités, les calices latéral et médian, qui sont les voies d’entrée des différentes voies sensorielles (vision, olfaction, gustation). Les lobes α et β constituent quant à eux la région de sortie. Le complexe central (corps central et pont protocérébral) connecte les deux hémisphères cérébraux, coordonnant ainsi les informations provenant de chaque coté du cerveau, et serait responsable du contrôle moteur (Homberg, 1984 ; Strausfeld, 2002).

Le deutocerebrum contient les lobes antennaires et les lobes dorsaux (Snodgrass, 1984). Les lobes antennaires sont les centres primaires de traitement olfactif et contiennent approximativement 160 glomérules qui reçoivent les informations sensorielles issues des neurones récepteurs olfactifs de l’antenne. Les lobes dorsaux reçoivent les fibres mécanosensorielles et/ou gustatives de l’antenne (Suzuki, 1975 ; Haupt, 2007).

Enfin, le tritocerebrum est composé de deux lobes bilatéraux relativement petits, situés à la base du cerveau, et adjacents au ganglion suboesophagien. Les compartiments du tritocerebrum sont connus pour avoir des connexions sensorielles et motrices en direction de la bouche et du tractus digestif.

Figure 13. Reconstruction tridimensionnelle d’un cerveau d’abeille en vue frontale réalisée à partir de données de microscopie confocale. Plusieurs neuropiles y sont indiqués : ME : medulla ; LO : lobula ; ME, LO et

Lamina (non visible) constituent les lobes optiques, impliqués dans le traitement primaire de l’information visuelle ; LA : lobe antennaire, le centre olfactif primaire ; LPL : lobe protocérébral (également appelé corne latérale) ; GSO : ganglion suboesophagien (traite les informations gustatives) ; CC, corps central (contrôle moteur). Les deux structures proéminentes et symétriques qui occupent la partie centrale du cerveau sont les corps pédonculés (centre d’intégration). Les calices, latéral (CL) et médian (CM) constituent la région d’entrée des différentes voies sensorielles (vision, olfaction), et les lobes α (Lα) et β (Lβ) constituent la région de sortie. Echelle = 200 µm (adaptée de Brandt et al., 2005).

De nombreuses études ont révélé l’importance des lobes antennaires et des corps pédonculés dans les processus d’apprentissage et de mémoire olfactive (Erber, 1976 ; Hammer, 1993 ; Hammer et Menzel, 1995 ; Hammer, 1997 ; Hammer et Menzel, 1998 ; Komischke et al., 2005 ; Devaud et al., 2007). Afin d’évaluer les modifications induites au niveau central par un conditionnement associatif appétitif olfactif (REP), il est indispensable de connaître les voies de traitement de l’odeur (SC) et de la solution sucrée (SI). Dans le système nerveux central, les zones de convergence entre les voies du SC et du SI sont des zones où la plasticité induite par un apprentissage associatif peut se produire (Lavond et al., 1993). Nous allons détailler, dans le paragraphe suivant, les voies olfactives et gustatives impliquées dans l’apprentissage appétitif olfactif du REP.

b. Traitement de l’information olfactive

Chez l’abeille, comme chez tous les insectes, les molécules odorantes sont détectées au niveau des antennes par des récepteurs olfactifs contenus dans des poils sensoriels spécialisés, appelés sensilles (Goodman, 2003 ; Roberston et Wanner, 2006) (figure 14).

L’information olfactive est ensuite acheminée par le nerf antennaire vers le cerveau, et plus particulièrement au niveau lobe antennaire, premier relais de l’information olfactive. Cette structure, par son anatomie et sa fonction, présente des similarités avec le bulbe olfactif des vertébrés, et son étude fonctionnelle réalisée chez les insectes a permis de comprendre certains principes fondamentaux du traitement olfactif communs à un grand nombre d’espèces (Christensen et al., 1996 ; Hildebrand et Shepherd, 1997 ; Strausfeld et Hildebrand, 1999 ; Firestein, 2001 ; Eisthen, 2002). Le lobe antennaire est composé de structures anatomiques et fonctionnelles appelées glomérules, au cœur desquels l’information olfactive va être codée (Galizia et 1998 ; Galizia et al., 1999b ; Sachse et

al., 1999 ; Fdez Galán et al., 2004). Ensuite, l’information olfactive traitée dans le lobe

antennaire est acheminée vers les centres supérieurs via deux tractus principaux de neurones de projection : le m- et l-ACT (medial et lateral antenno-cerebral tract). Le l- ACT achemine l’information vers le lobe protocérébral latéral puis en direction des corps pédonculés alors que le m-ACT transmet l’information vers les corps pédonculés puis vers le lobe protocérébral (figure 14) (Kirshner et al., 2006). Les corps pédonculés sont composés de différents lobes α, α’, β, β’ et γ (Strausfeld, 2002), et chez la drosophile, leur rôle spécifique dans la formation de la mémoire est bien décrit (pour revues, Heisenberg, 2003 ; Davis, 2005 ; Van Swinderen, 2009). Chez l’abeille, il est clairement admis que les corps pédonculés sont requis pour la formation de la mémoire (Erber, 1976 ; Hammer, 1993 ; Hammer et Menzel, 1995 ; Hammer, 1997 ; Hammer et Menzel, 1998 ; Komischke et al., 2005 ; Devaud et al., 2007).

Figure 14. Représentation schématique du cerveau de l’abeille et de la voie olfactive. Les

molécules odorantes sont détectées au niveau des antennes par des récepteurs olfactifs. L’information est transmise par le nerf antennaire au niveau du premier centre de traitement de l’information olfactive, le lobe antennaire (LA). Ensuite, l’information traitée est transmise par le l-ACT aux centres supérieurs intégrateurs, les calices des corps pédonculés puis le lobe protocérébral latéral (LPL). L’information est aussi acheminée par le m-ACT au LPL puis aux calices des corps pédonculés. Au niveau des corps pédonculés, la voie d’entrée des informations olfactives se situe au niveau des calices et la voie de sortie au niveau du lobe alpha (Lα).

c. Traitement de l’information gustative : la voie du renforcement lors du conditionnement du PER

La voie de traitement du SI mise en jeu dans le cas du conditionnement du REP est encore mal connue. Les récepteurs gustatifs sont présents au niveau des tarses, des antennes et des pièces bucales (Roberston et Wanner, 2006 ; de Brito Sanchez et al., 2007). Lorsque le sucre est perçu au niveau de ces récepteurs, l’information serait transmise au niveau du lobe dorsal et du ganglion suboesophagien (de Brito Sanchez et

al., 2007). Un neurone unique, le neurone VUMmx1 (ventral unpaired median neuron of maxillary neuromere 1), prendrait ces informations dans le ganglion suboesophagien. En

effet, le neurone VUMmx1 a son arbre denditique localisé dans le ganglion suboesophagien, et répond à la stimulation sucrée (Hammer, 1993). De plus, ce neurone innerve les principaux neuropiles impliqués dans le traitement de l’information olfactive, les glomérules des lobes antennaires, les calices des corps pédonculés et le lobe protocérébral latéral (figure 15) (Hammer, 1993). Ainsi, il semble être suffisant pour représenter le renforcement sucré au niveau central (Hammer, 1993 ; Hammer, 1997 ; Schröter et al., 2007). En outre, Hammer et Menzel (1998) ont pu montrer que lors d’un conditionnement olfactif appétitif, l’application d’octopamine au niveau des lobes antennaires et des corps pédonculés peut se substituer à la récompense de solution sucrée et ainsi permettre de former une mémoire olfactive. Plus précisément, l’injection d’octopamine au niveau des lobes antennaires associée à la présentation d’une odeur, permet un apprentissage, mais pas la formation d’une mémoire. En revanche, l’injection d’octopamine dans les calices associée à la présentation d’une odeur, ne produit pas d’apprentissage, mais permet la formation d’une mémoire. Ces résultats supportent la notion suivante : la formation de la mémoire a lieu en parallèle dans plusieurs structures, avec des dynamiques différentes (Menzel et Müller, 1996). Ces résultats ont par ailleurs suggéré que le neurone VUMmx1 pourrait être octopaminergique.

Figure 15. Innervation du neurone VUMmx1 dans le cerveau de l’abeille. A. Innervation bilatérale

de VUMmx1 dans le cerveau de l’abeille avec son corps cellulaire au niveau du ganglion suboesophagien (SOG) B. La partie gauche du cerveau montre son innervation et la partie droite représente la voie olfactive. Son innervation est particulièrement dense dans le lobe antennaire (LA), le lobe protocérébral latéral (LPL) et les calices des corps pédonculés (MB), qui constituent à tous les trois, les centres de traitement de l’information olfactive. Echelle = 250 µ m. (adaptée de Hammer, 1993).

Les lieux de convergences entre le SC et le SI, comme les lobes antennaires et les corps pédonculés, sont donc de potentiels sites de plasticité et donc de stockage de l’information.

I.3.4.

Le cerveau de l’abeille, siège d’une plasticité associée à