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Interpr´etation du nouveau mod`ele

12.4 Un nouveau mod`ele et son interpr´etation

12.4.4 Interpr´etation du nouveau mod`ele

Ce r´esultat montre que la modification du mod`ele de Boulatov donne une somme sur toutes les triangulations d’une amplitude qui est toujours celle du mod`ele de Ponzano-Regge. Seul change le facteur faisant intervenir la constante de couplage pour les triangulations irr´eguli`eres. Il existe mˆeme la possibilit´e de totalement supprimer ces triangulations pour un choix ad´equat de la constante de couplage. Pour λ = 1/2, le mod`ele modifi´e r´ealise la somme de l’amplitude de Ponzano-Regge sur toutes les triangulations r´eguli`eres. Cette somme ´etant uniquement Borel sommable, on dispose d’une d´efinition non-perturbative sans ambiguit´e. Le second point tr`es important est qu’on obtient ce r´esultat dans le r´egime physique du mod`ele c’est `a dire pour des valeurs positives de la constante de couplage.

Notre mod`ele poss`ede donc deux propri´et´es nouvelles tr`es importantes permettant de donner un sens `a la somme non-perturbative sur les topologies. N´eanmoins, le prix `a payer est une modification du poids associ´e aux triangulations irr´eguli`eres. Comment interpr´eter ce r´esultat ? Mon point de vue est que la modification que nous proposons n’est que mineure, en ce sens qu’elle n’affecte qu’un type particulier de triangulations, qu’on aurait mˆeme pu exclure a priori de la somme. En effet rien ne prescrit exactement sur quels types de triangulations on doit sommer, et il peut ˆetre naturel de d´efinir cette somme comme une somme sur les triangulations r´eguli`eres uniquement, qui sont une d´efinition math´ematique tout aussi l´egitime. L’id´ee de se restreindre `a de ’bonnes’ triangulations pour pouvoir sommer sur les topologies est ´egalement celle qui motive certains mod`eles de triangulations dynamiques lorentziennes [121].

Un autre point de vue sur ce r´esultat consiste `a dire que la modification que nous avons effectu´ee est drastique et a pour cons´equence que notre mod`ele ne d´ecrit plus des amplitudes de gravit´e quantique. Un argument en faveur de cette id´ee est fourni par l’examen du cas des mod`eles de matrices en 2D. Le potentiel de ces mod`eles est cubique et les d´eveloppement perturbatifs associ´es sont non-Borel sommables. En modifiant ces mod`eles par l’ajout d’un terme quartique, on stabilise le potentiel (`a la mani`ere de ce que nous avons fait ici) et on peut obtenir des mod`eles Borel-sommables. En revanche, la physique en est drastiquement chang´ee. On peut en effet montrer que ces mod`eles d´ecrivent alors la gravit´e quantique 2D coupl´ee `a de la mati`ere non-unitaire. Cependant, notre point de vue est que cet argument ne s’applique pas ici. En effet d’une part les amplitudes modifi´ees ne concernent qu’un type particulier de triangulations, d’autre part notre modification concerne l’ajout d’un terme potentiel de mˆeme degr´e. Or ce type d’ajout est naturel de part l’exp´erience que nous avons en th´eorie des champs, o`u les arguments du groupe de renormalisation nous indiquent que pour les termes potentiels d’une action tout ce qui n’est pas interdit par les sym´etries est obligatoire. En tout ´etat de cause, seul un examen approfondi des propri´et´es de ce nouveau mod`ele permettra de trancher cette question. Une piste particuli`erement int´eressante concerne l’examen des propri´et´es semi-classiques d´eductibles de l’analyse des instantons de ces mod`eles.

Conclusion : vers un mod`ele de

mousses de spin en 3+1 dimensions

Le travail de cette th`ese a ´et´e essentiellement autour des mod`eles en 2+1 dimensions. L’id´ee directrice de mon travail a ´et´e de comprendre au maximum ces mod`eles afin d’en tirer les le¸cons pertinentes pour le cas physique de 3+1 dimensions. Nous ne savons pas aujourd’hui quel est le bon mod`ele de mousses de spin en 3+1 dimensions. En 2+1 dimensions nous disposions d’une situation privil´egi´ee, o`u l’approche des mousses de spin peut ˆetre compar´ee avec la vari´et´e d’approches existantes. De plus les r´esultats en 2+1 dimensions ont souvent ´et´e mis sous une forme math´ematiquement rigoureuse grˆace `a l’interaction avec la branche des math´ematiques qui s’int´eresse aux invariants de vari´et´es. Enfin la formulation du mod`ele de Barrett-Crane s’appuyant sur l’id´ee que la gravit´e peut se formuler comme une th´eorie topologique contrainte, la compr´ehension des m´ecanismes en 2+1 n’en devient que plus pertinente.

Au cours de cette th`ese, nous avons fait plusieurs progr`es vers une compr´ehension plus profonde du mod`ele de Ponzano-Regge, et appris plusieurs le¸cons qu’il faut maintenant r´einvestir dans le cas 3+1. Un exemple de ceci est donn´e par notre m´ethode d’analyse asymptotique des symboles de th´eorie des groupes intervenant dans la construction des mod`eles de mousses de spin. Cela nous a permis [34] de donner une nouvelle preuve du r´esultat conjectur´e Ponzano et Regge, mais aussi de l’´etendre au cas lorentzien et au cas `a 3+1 dimensions. Le comportement asymptotique du symbole 10j du mod`ele de Barrett-Crane ouvre la voie `a son am´elioration. Il s’agit notamment de comprendre si ce comportement asymptotique est en fait naturel, ou va disparaitre dans une limite `a grand nombre de 4-simplexes, ou encore si une prise en compte correcte de la mesure peut le supprimer.

Un autre progr`es important concerne la compr´ehension plus compl`ete des sym´etries de jauge des mod`eles de mousses de spin en 2+1 [35]. Un des obstacles `a la quantification de la gra-vit´e concerne la structure particuli`erement compliqu´ee de l’alg`ebre des diff´eomorphismes. Une compr´ehension totale des sym´etries des mod`eles de mousses de spin est donc souhaitable. Nous avons notamment reli´e la pr´esence de sym´etries de jauge `a l’apparition d’infinis, et montr´e com-ment fixer de jauge les amplitudes et retrouver des expressions finies. Ces expressions montrent que le mod`ele de Ponzano-Regge fournit v´eritablement le produit scalaire physique des r´eseaux de spin de la gravit´e quantique canonique en 2+1 dimensions. Ce travail doit ˆetre ´etendu au cas 3+1 : il s’agit l`a aussi de comprendre la structure des sym´etries du mod`ele de Barrett-Crane mais aussi comprendre comment relier ces r´esultats `a la gravit´e quantique `a boucle en 3+1 di-mensions. La fixation des sym´etries de jauge en 3+1 pourrait permettre d’obtenir des amplitude finies sans recourir ni aux groupes quantiques ni `a une modification de la mesure qui am´eliore les convergences. D’une mani`ere g´en´erale, la compr´ehension des sym´etries, de la mesure, des propri´et´es de convergence, de l’impl´ementation des contraintes et du lien avec la structure

nonique de la gravit´e `a boucles sont des probl´ematiques toutes reli´ees entre elles et qu’il serait interessant de regarder `a la lumi`ere de l’analyse canonique de la th´eorie de Plebanski[122].

Les deux travaux que je viens de mentionner ont pour perspective la d´efinition correcte d’un mod`ele de mousses de spin pour la gravit´e 3+1. Au del`a de cet objectif, on peut dores et d´eja chercher `a exploiter les sp´ecificit´es des mod`eles de mousses de spin, dans l’optique de r´ealiser des pr´edictions physiques. C’est dans cet esprit que nous avons consid´er´e le couplage du mod`ele de Ponzano-Regge `a la mati`ere. Ce travail [36] fournit `a la fois un formalisme pour coupler de la mati`ere `a la gravit´e quantique, mais aussi des exemples de pr´edictions physiques qui d´ecoulent de cette union. Il n’est bien sˆur pas garanti ni que ce formalisme fonctionne pour le mod`ele de Barrett-Crane, ni que ces pr´edictions physiques existent en 3+1. Ceci permet en revanche de mettre en avant plusieurs le¸cons int´eressantes : le couplage `a la mati`ere rend possible l’examen de la question cruciale des observables physiques. Il y a certainement `a apprendre dans cette direction tant sur le plan conceptuel que sur les aspects techniques. La mise en ´evidence explicite d’effets de doubly special relativity est `a cet ´egard tr`es int´eressante, puisqu’elle d´ecoule de principes fondamentaux sur le couplage mati`ere-gravit´e quantique, et pas d’un mod`ele effectif. Enfin l’inclusion de mati`ere permet de poser en propre la question de la limite G→ 0 de la gravit´e quantique, suppos´ee redonner la th´eorie quantique usuelle.

Dans le mˆeme esprit d’exploitation des sp´ecificit´es des mod`eles de mousses de spin, nous avons ´etudi´e les propri´et´es de sommes sur les topologies du mod`ele de Ponzano-Regge. Nous avons montr´e que la somme sur les topologies des amplitudes de Ponzano-Regge peut ˆetre r´ealis´ee de mani`ere non-perturbative [37]. Il s’agit l`a d’une question sp´ecifiques aux formalismes d’int´egrale de chemin puisque ceux-ci permettent – au contraire des formalismes purement ca-noniques – de prendre en compte les changements de topologies. Il peut sembler pr´ematur´e de s’int´eresser `a la question de la somme sur les topologies, alors qu’on doit encore am´eliorer le mod`ele en 3+1. N´eanmoins la n´ecessit´e de se d´ebarrasser de la structure de triangulation en 3+1 dimensions exigera un jour ou l’autre de comprendre comment sommer sur les triangulations, ou de d´evelopper des techniques alternatives. La possibilit´e de sommer non-perturbativement sur les triangulations de toutes les topologies devra donc certainement ˆetre ´etudi´ee en 3+1 dimensions. Enfin au del`a des pr´eoccupations physiques, j’ai aussi eu l’occasion de m’aventurer dans le domaine math´ematique des invariants de vari´et´e 3D. L’obtention d’ expressions finies pour le mod`ele de Ponzano-Regge a ouvert la voie `a la d´efinition de nouveaux invariants [38]. Mˆeme si ces r´esultats semblent ne pas s’inscrire directement dans la recherche d’une th´eorie de la gravit´e quantique en 3+1 dimensions, on ne peut pas nier que l’ensemble des r´esultats obtenus au croisement de la th´eorie de la gravit´e quantique en 2+1 dimensions et de la th´eorie des invariants de vari´et´e 3D a souvent ´et´e une source d’inspiration, y compris en 3+1 dimensions. Le mod`ele de Barrett-Crane est d’ailleurs n´e `a cette intersection et on ne peut qu’esp´erer qu’`a l’avenir les math´ematiques des invariants et la physique de la gravit´e quantique continuent `a pratiquer cette fertilisation crois´ee.

Enfin, dans un avenir proche il conviendra d’´etudier et de chercher `a g´en´eraliser plusieurs de ces travaux au cas lorentzien. Mˆeme si plusieurs de nos analyses ont ´et´e faites en ayant `a l’esprit le cas lorentzien (en particulier la proc´edure de fixation de jauge), ce cas pr´esente des particularit´es sp´ecifiques qu’il faudra analyser. Ceci constitue probablement la premi`ere perspective dans la suite logique de ces travaux.