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Effets physiques de l’insertion de particules

9.4 Effets physiques de l’insertion de particules

9.4.1 Physique des particules en pr´esence de gravit´e quantique

D’une mani`ere g´en´erale, on s’attend `a ce qu’une th´eorie de gravit´e quantique r´ev`ele un paysage g´eom´etrique nouveau aux alentours de l’´echelle de Planck lP = 10−35m. C’est ce qui se produit notamment en gravit´e quantique `a boucle o`u des structures g´eom´etriques discr`etes ´emergent, la structure de continuum ´etant retrouv´ee aux grandes ´echelles. Il est alors l´egitime de se demander dans quelle mesure une telle structure microscopique peut influencer le reste de la physique.

Pour comprendre cette id´ee, on peut consid´erer une analogie fournie par la physique de la mati`ere condens´ee. La propagation dans un cristal de pas a est gouvern´ee par une relation de dispersion du type

E(k) = E0− W cos(ka). (9.64)

Dans la limite o`u la longueur d’onde est tr`es grande devant le pas du r´eseau ka << 1 – c’est `a dire dans la limite o`u l’on ne voit pas la structure discr`ete – on retrouve une relation

E(k) = (E0− W ) +W a

2

2 k

2 (9.65)

o`u l’´energie se comporte comme le carr´e de l’impulsion, ce qui reproduit la propagation d’une particule libre. D`es lors on peut se demander si un ph´enom`ene identique peut apparaitre en pr´esence de gravit´e quantique. Par exemple la relation de dispersion famili`ere

m2c4 = E2− p2c2 (9.66)

ne serait que le comportement `a E << EP d’une relation de dispersion plus compliqu´ee, qu’on peut par exemple chercher `a caract´eriser `a partir des premiers termes d’un d´eveloppement limit´e

m2c4 = E2− p2c2+ αE 3 EP + βE 4 E2 P +· · · (9.67)

o`u α et β sont des coefficients sans dimension. Cette id´ee fut `a l’origine ´evoqu´ee par Snyder [93], et beaucoup ´etudi´ee ces derni`eres ann´ees [94], sur la base de r´esultats astrophysiques pouvant – entre autres – s’expliquer par une telle relation de dispersion modifi´ee.

Un formalisme math´ematique pour ´etudier ce genre de ph´enom`enes nous est fourni par la th´eorie des d´eformations de l’alg`ebre de Poincar´e [95]. On peut en effet d´eformer l’alg`ebre de Poincar´e en utilisant un param`etre de d´eformation κ dimensionnel, que l’on relie `a la longueur de Planck. L’introduction d’un tel param`etre provoque alors une modification de la relation de dispersion. Cependant un th´eor`eme math´ematique affirme que toute d´eformation de l’alg`ebre de Poincar´e est en fait triviale, en ce sens qu’on peut toujours red´efinir de nouveaux g´en´erateursE etP en termes des anciens g´en´erateurs E et p, et tels qu’on ait la relation famili`ere

m2c4 =E2− P2c2. (9.68)

On comprend alors que si E et P correspondent en fait aux ´energies et impulsions exp´erimentalement mesur´ees, il n’y a pas de modification observable de la relation de dis-persion ! Il existe pourtant un autre aspect `a prendre en compte. Si on consid`ere l’alg`ebre de Poincar´e munie de sa structure de co-alg`ebre, la red´efinition des g´en´erateurs qui permet d’an-nuler la modification de la relation de dispersion va en fait d´eformer la structure de co-produit.

Pour une alg`ebre de sym´etrie, la structure de co-produit est celle qui gouverne les lois de composition. Par exemple si l’on ´etudie la composition de deux repr´esentations du groupe des rotations pour un ´el´ement de groupe g, on a

j1 ⊗ Πj2)(g) = Πj1(g)⊗ Πj2(g) (9.69) o`u l’on a utilis´e – sans s’en rendre compte ! – le co-produit ∆(g) = g ⊗ g pour ’d´edoubler’ l’´el´ement g. Une red´efinition des g´en´erateurs de l’alg`ebre de Poincar´e κ-d´eform´ee va modifier la structure de co-produit, et donc modifier les lois de composition. Ceci signifie qu’un effet possible de l’introduction de gravit´e quantique pour la physique des particules peut ˆetre non pas la modification de la relation de dispersion, mais la modification de la composition des moments !

9.4.2 Composition des moments dans le mod`ele de Ponzano-Regge

A ce stade j’ai d´ecrit comment ins´erer des particules dans le mod`ele de Ponzano-Regge, sans envisager les cons´equences physiques. Nous allons ici envisager le ph´enom`ene de conservation de la masse et celui de la composition des moments.

Conservation de la masse et de l’impulsion

Une question qui vient naturellement `a l’esprit est de savoir si la masse est effectivement conserv´ee dans notre mod`ele d’insertion de particules. Concr`etement on consid`ere un vertex bivalent de k, et l’on ´etudie s’il est possible d’ins´erer une particule de masse m1 sur l’arˆete in-cidente et de masse m2 sur l’arˆete ´emergente. Consid´erons alors l’identit´e de Bianchi autour de ce vertex bi-valent : le produit des courbures associ´ees aux faces duales qui entourent ce vertex est ´egal `a l’identit´e

Y

e⊃v

Ue= I. (9.70)

Cependant parmis toutes ces courbures, toutes sont impos´ees `a l’identit´e dans la fonction de partition, sauf celles correspondant aux deux arˆetes de k, il reste donc

Ue1Ue−12 = I (9.71)

(on suppose par exemple qu’on a orient´e e1 et e2 dans des sens oppos´es.) La fonction de partition impose ensuite `a ces courbures d’ˆetre reli´ees aux masses, on a donc par l’identit´e de Bianchi

u1hm1u−11 = u2hm2u−12 (9.72) qui prouve que m1 = m2 et u1= u2, ce qui signifie que masse et impulsion sont conserv´ees `a un vertex bivalent. Ce type de relation est totalement analogue `a une relation du type

δ(p21− m21)δ(p1− p2)δ(p22− m22) (9.73) o`u l’on voit d’une part que m1 doit ˆetre ´egal `a m2, d’autre part que dans ce cas il subsiste une infinit´e qui doit ˆetre fix´ee de jauge, c’est `a dire qu’on doit ´eviter les vertexs bivalents.

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Composition des moments d´eform´ee

Examinons maintenant le cas d’un vertex trivalent de k. Cette fois l’identit´e de Bianchi `a ce vertex trivalent relie les holonomies U1, U2 et U3 autour des 3 particules par une relation du type

U1U2 = U3. (9.74)

En termes des masses me et des ´el´ements de groupe ue, cette relation devient au sein de la fonction de partition

u1hm1u−11 u2hm2u−12 = u2hm1u−12 . (9.75) On constate alors que l’in´egalit´e qui relie m3 `a m1 et m2 est

cos(m1+ m2

2 )≤ cosm3

2 ≤ cos(m1− m2

2 ). (9.76)

Ceci est un premier r´esultat physique qui r´ev`ele une relation d´eform´ee par rapport `a la cin´ematique relativiste usuelle. On peut mettre en avant une autre d´eformation de ce type. L’ho-lonomie U autour d’une particule qui se trouve dans la classe de conjugaison m peut s’´ecrire comme l’exponentiation d’un ´el´ement d’alg`ebre de Lie, qu’on peut mettre sous la forme

U = exp(~p· ~J ), avec p2 = m2. (9.77)

On voit donc que l’identit´e de Bianchi

exp(~p1· ~J ) exp(~p2· ~J ) = exp(~p3· ~J ), (9.78) conduit `a cause de la relation de Baker-Campbell-Hausdorff `a une composition des moments non-triviale

~

p3 = ~p1+ ~p2+· · · (9.79)

o`u les termes suppl´ementaires proviennent des commutateurs. L’apparition de ces commutateurs peut ˆetre reli´ee au fait que SU(2) n’est pas un groupe ab´elien. Le terme non-ab´elien de la courbure de la connexion SU(2) peut ˆetre vu, en redimensionnant les variables, comme proportionnel `a la constante de Newton G

F (ω) = dω + G [ω, ω] . (9.80)

On comprend donc que les termes commutateurs dans la relation de composition d´eform´ee (9.79) peuvent en d´efinitive s’´ecrire comme des termes proportionnels `a des puissances de G. La relation de composition des moments d´eform´ee est trouve donc bien son origine dans la pr´esence de gravit´e. Le mod`ele de particules coupl´ees `a la gravit´e quantique fournit donc un exemple explicite de cin´ematique d´eform´ee en pr´esence de gravit´e quantique. Cette cin´ematique d´eform´ee se d´eduit directement du mod`ele et ne d´ecoule pas d’un mod`ele effectif. Il s’agit l`a d’un premier r´esultat physiquement int´eressant de ce mod`ele.

9.4.3 Limite G→ 0 de la gravit´e quantique

Une autre question que l’on peut examiner grˆace `a ce mod`ele de particules est celle de la limite G→ 0 de la gravit´e quantique. Comme je l’ai mentionn´e en introduction, il est consid´er´e qu’une des premi`eres tˆaches d’une th´eorie de gravit´e quantique est de reproduire la gravit´e classique dans la limite ~→ 0 et la th´eorie quantique dans la limite G → 0. La premi`ere limite a jusqu’ici concentr´e l’essentiel de l’attention et la question de la seconde limite reste mal pos´ee et peu ou pas examin´ee. Commencons par donner une formuation plus pr´ecise `a cette exigence :

La gravit´e quantique coupl´ee `a de la mati`ere doit conduire `a des amplitudes de transition qui dans la limite G→ 0 reproduisent les amplitudes de transition de la th´eorie des champs en

espaces plats.

Nous voyons ainsi que le formalisme d’inclusion de particules que nous avons propos´e ouvre la voie `a l’examen de cette question. En effet dans notre formalisme, les graphes de particules d´ecor´es kD permettent notamment de d´ecrire des situations ou le nombre de particules varie. On peut donc en clair voir ces graphes comme des graphes de Feynman, et ´etudier la limite G → 0 des amplitudes associ´ees `a ces graphes. Comme nous je l’ai indiqu´e ci-dessus, la limite G→ 0 correspond essentiellement `a une limite ab´elienne des amplitudes calcul´ees. On peut alors ´etudier la question de savoir si la limite ab´elienne des expressions calcul´ees pour ces graphes en pr´esence de gravit´e quantique reproduit les r´esultats obtenus en espace plat. Il s’agit donc d’un examen direct de la question de savoir si la limite G → 0 du mod`ele de Ponzano-Regge (en pr´esence de particules) est bien la th´eorie quantique des champs usuelle.