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CHAPITRE 5 : ANALYSE ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

5.3 Interprétation des résultats

Pour l’interprétation des résultats, nous procéderons à la vérification des hypothèses de l’étude en nous appuyant sur les données récoltées à travers les entretiens, les observations du milieu et la recherche documentaire. Nous proposerons ensuite une critique des résultats obtenus sur le terrain, à travers d’abord une analyse de l’intégration des femmes dans le projet et la manière dont le projet se déploie sur le terrain.

Pour commencer, l’analyse documentaire démontre que la discrimination en termes d’éducation est une forme de discrimination très répandue au Burkina Faso. Effectivement, ce type de discrimination qui prive les femmes d’un accès à l’éducation engendre plusieurs systèmes d’oppressions qui se mettent sur le chemin de la vie des femmes. Rappelons que le niveau d’éducation d’une femme est relié à la connaissance de ses droits. Plus une femme est éduquée, plus elle a tendance à connaître ses droits et à les revendiquer. En appui à cet argument, les entretiens réalisés sur le terrain auprès des animatrices démontrent que l’éducation sexuelle permet aux femmes d’apprendre à connaître leur corps, ainsi que les saines habitudes de vie qui leur permettront de se développer personnellement. En apprenant à connaître leur sexualité et les risques qu’elles courent en adoptant certaines pratiques néfastes, les jeunes femmes s’approprient des mesures de prévention favorables à leur développement telles que les méthodes de contraception, le choix de leurs partenaires, la

De plus, lorsque les jeunes femmes apprennent à connaître leurs droits, prennent conscience de leur capacité à faire entendre leur voix, elles apprennent à se défendre et à dire « non » face à la pression exercée par les hommes sur elles. Selon les différentes expériences des animatrices, l’éducation sexuelle a permis aux jeunes filles d’éviter des mariages précoces et des viols. En effet, lorsqu’elles assistent aux animations, les jeunes filles prennent conscience de leur droit et n’hésitent pas à demander de l’aide lorsqu’elles se retrouvent confrontées à des situations qui portent atteinte à leur intégrité.

Par ailleurs, la confiance en soi que les femmes acquièrent leur permet d’analyser la marginalisation qu’elles vivent et d’apprendre à se battre pour la contrer. En effet, en plus de sexualité, les animations en SSR que nous avons suivies mettent l’emphase sur les inégalités entre les hommes et les femmes dans la société, afin de motiver les jeunes filles à lutter contre cette discrimination basée sur le genre. Selon l’expérience des animatrices, plus les jeunes filles acquièrent de la confiance en soi, plus elles se battent pour lutter contre la discrimination exercée sur elles. L’animatrice 1 nous avoue que lorsqu’elle a commencé à avoir confiance en elle, elle a appris à se battre pour s’insérer dans le milieu de la fonction publique burkinabè, un milieu dominé par la gent masculine. Il en est de même pour l’animatrice 2 qui pour gagner sa vie fait face à la pression des hommes qui exercent le même métier qu’elle, mais aussi par ses employeurs. De plus, les animations en milieu scolaire ont démontré que la plupart des victimes n’avaient pas suffisamment de connaissances en termes d’éducation sexuelle.

Au regard de ces observations, nous pouvons affirmer à l’issue de la recherche sur le terrain que l’éducation sexuelle permet aux jeunes femmes de développer leur confiance en soi et de lutter contre l’exclusion sociale, ce qui contribue à leur mieux-être. Cependant, le chemin n’est pas toujours linéaire et pour affronter les

différents phénomènes inégalitaires qui entrent en jeu, les femmes s’organisent depuis de longues années, en communauté.

Pour poursuivre, les entretiens et les observations sur le milieu montrent que l’insertion sociale des femmes se développe avec leur engagement communautaire. Comme nous l’avons souligné dans le contexte du Burkina Faso, les groupements féminins existent depuis de longues années, et représentent un moyen pour les femmes de lutter contre les discriminations basées sur le genre. Ces groupements ont montré que lorsque les femmes s’engagent, elles arrivent non seulement à aider les autres femmes, à créer un mouvement en leur faveur et à lutter profondément pour atteindre leurs objectifs. Les histoires de vie des animatrices démontrent que tout d’abord, leur engagement est dû à une prise de conscience d’une certaine discrimination exercée sur les femmes. Les animatrices interviewées nous affirment qu’une discrimination se crée dès la naissance et place les femmes à un rang inférieur dans la société. Destinées à s’occuper de la famille et du ménage, au nom du concept de care, les jeunes filles aident leurs mères dans les tâches domestiques, pendant que les garçons se concentrent sur leurs études.

Au fil du temps, les femmes plus éduquées prennent conscience de cette discrimination systémique, alors que les femmes moins éduquées voient cette discrimination comme une norme de la société, à respecter au nom de la culture. C’est ainsi que différentes trajectoires se dessinent, avec notamment des femmes qui apprennent à avoir plus confiance en elles, acquièrent des connaissances sur l’éducation sexuelle et le mieux-être, et décident de ne pas subir certaines injustices. Des femmes encore plus motivées décident de s’engager pour venir en aide aux autres femmes. C’est le cas des trois animatrices que nous avons rencontré. Elles s’engagent non seulement pour lutter contre la discrimination, mais aussi pour sensibiliser les autres femmes. En unissant leurs forces, les femmes arrivent à avoir un meilleur impact sur la société. Nous avons remarqué

lors des différentes activités d’échange d’expertise que les chargé-e-s de projet insistent sur l’implication à grande échelle des femmes pour la réussite du projet, car selon ces dernier-e-s, plus les femmes sont impliquées dans le projet, plus l’impact est considérable.

Ainsi, nous constatons que, dans le cadre du projet, les animatrices qui s’engagent ont réussi à se surpasser et à obtenir une certaine place dans une société patriarcale. Leur expérience et leurs animations dans le cadre du projet leur permettent de motiver d’autres femmes qui s’engagent elles aussi à leur tour. Nous pouvons en déduire que l’engagement social et communautaire dans plusieurs sociétés a toujours été un vecteur de lutte contre la marginalisation. Au Burkina Faso, plus précisément au sein de l’ADEP, le constat a été fait. L’engagement social et communautaire permet aux femmes de lutter contre la marginalisation et l’exclusion sociale.

Pour aller plus loin, même si la recherche sur le terrain montre des résultats positifs du projet du CSI sur la vie des jeunes femmes burkinabè, des lacunes dans la conception et le déploiement du projet en ressortent. Tout d’abord, ce projet se veut participatif, pourtant, au niveau des prises de décision, nous remarquons un faible niveau de prise de décision des partenaires sur le terrain, ce qui remet en question l’approche participative du projet. En effet, les partenaires et acteurs burkinabè sur le terrain, même s’ils ne manquent pas d’initiatives et n’hésitent pas à s’exprimer, ne sont pas au centre dans les prises de décision. La stratégie du projet reste quand même focalisée sur la méthode des partenaires du Nord, principalement le CSI, qui guident le projet. Nous soulignons ici la dimension des rapports Nord/Sud au sein des projets de coopération internationale qui se veulent inclusifs, mais qui sur le terrain, ne le sont pas entièrement. Les partenaires du Nord conçoivent un projet pour des populations du Sud en prenant en compte les avis des populations du Sud, mais le déploiement du projet reste centré sur les procédures de projet de développement du Nord. Nous pouvons relier cela à une

forme de paternalisme, présentée par Martinez (2018) comme une forme de domination des grosses ONG sur les plus petites, en raison de leur professionnalisation, leurs rapports avec les États et les structures de financement. Cela crée automatiquement un fossé entre les grandes ONG et les plus petites. En effet, les grandes ONG, bénéficiant d’un financement sont contraintes de se baser sur un certain nombre d’attentes des bailleurs de fonds, ce qui se fait ressentir au niveau de la prise de décision.

Plus précisément sur le projet du CSI, nous remarquons que l’approche participative proposée par le CSI est celle adoptée par ses partenaires du Nord, basée sur les attentes de leurs bailleurs. Le modèle appliqué au Burkina Faso s’apparente à celui mis en place dans le Centre de Santé et mieux-être collectif de Mashteuiatsh et la Boite Rouge Vif, qui ne présentent pas les mêmes réalités rencontrées par l’ADEP au Burkina Faso. Cependant, le terrain a montré une volonté des partenaires du Nord à impliquer les partenaires burkinabè dans la prise de décision. Effectivement, malgré que le CSI pousse les chargés de projet et proposer des stratégies propres à elles, on remarque toujours cette forme de paternalisme. Les paritaires sur le terrain ont du mal à imposer leurs idées et avis, ce qui pourrait s’apparenter à une forme de pouvoir : celui qui finance est celui qui décide. Comme si le CSI, en tant qu’organisme à qui le financement est octroyé, a automatiquement le rôle de décideur principal, et les autres se contentent de rôle d’exécuteurs.

En plus de l’inégalité entre les hommes et les femmes étudiée dans le cadre du projet, le terrain souligne une forme d’inégalité au niveau de l’échelle du projet. Il s’agit là d’une forme d’intersectionnalité en termes d’échelle. Le capitalisme entre ici en jeu et donne plus de pouvoir aux personnes qui financent. En effet, en plus de l’inégalité entre les hommes et les femmes dans la société, mais aussi le pouvoir des hommes à des rôles clés au sein du projet, il existe une différence au niveau des prises de décision. On pourrait parler là d’une double discrimination sur les animatrices du projet.

Pour aller plus loin, en discutant avec les acteurs terrain du projet au Burkina Faso, les points essentiels sur la stratégie qui ont été soulignés sont le manque de régularité des activités sur le terrain auprès des jeunes filles, et un accompagnement régulier sur une longue durée. Les animatrices ont aussi souligné l’importance d’espace d’écoute, pour amener les jeunes filles à parler des problèmes qu’elles rencontrent. Elles soulignent également l’importance de prendre en compte le fait que le sujet soit tabou au Burkina Faso dans l’élaboration des activités sur le terrain. Les deux communautés n’ont pas les mêmes mœurs, donc le projet doit s’adapter au contexte du pays. Nous l’avons soulevé lors de l’échange d’expertise avec les différents partenaires qui s’est tenu au Sénégal et auquel nous avons pris part. Lors de ce dernier, les partenaires du Burkina Faso ont insisté sur l’importance de reformuler les animations en fonction du contexte burkinabè, et de trouver des solutions pour mettre plus à l’aise les jeunes qui arrivent difficilement à parler de sexualité. Les partenaires sénégalais ont proposé un modèle qui fonctionne chez eux : le système de marraine. Chaque fille a une marraine (elle peut être la sœur du père, ou une membre de la famille), et cette dernière peut être un pont entre les animatrices et les parents des filles. En travaillant avec les marraines et en les poussant à adopter l’importance de l’éducation sexuelle, elles encouragent leurs filleules à participer aux animations, et peuvent aussi jouer le rôle de médiatrices en cas de problèmes dans la famille. Lors de ces échanges entre les partenaires, en notre qualité de chercheure, nous avons remarqué une similitude dans les approches d’intervention des différents partenaires du projet, et des différences dans les pensées et croyances des différentes communautés dans lesquelles le projet se met en place. Au Burkina Faso, l’influence culturelle joue un rôle dominant sur la SSR. Puisque la SSR est un sujet tabou au Burkina Faso, il faut redoubler d’efforts pour dé complexifier ce terme, avant d’aller à la rencontre des populations. Un travail de fond doit être réalisé avant de pouvoir intégrer cet enseignement aux jeunes. En effet, le fait d’aller sur le terrain pour sensibiliser des jeunes qui ne sont pas à l’aise avec une

thématique donnée risque de susciter un manque d’implication des jeunes. Lors des animations, nous avons remarqué une distance entre les animatrices et les élèves, quand bien même nous avons souligné les efforts effectués par ces dernières pour briser la glace. Dans ce sens, une simple succession d’animations pourra être bénéfique pour une partie des cibles, à savoir les jeunes, mais pas toutes. Nous n’avons pas remarqué non plus d’implication des parents et des familles dans les processus d’animations. Pourtant nous savons bien que, la base de l’éducation se faisant à la maison, si les parents ne sont pas du même avis que leurs enfants, l’enseignement des animatrices se réalisera en vain. Le projet devrait mettre un accent sur des activités pour briser la glace avec les cibles, avant de leur proposer un enseignement.

En outre, même si la chargée principale du projet est une femme, le chargé en SSR du projet est un homme, ce qui remet en question la participation des femmes aux rôles clés au sein du projet. Cela suscite un questionnement sur la disponibilité et la présence des femmes dans les formations en lien avec la SSR. Nous nous demandons l’intérêt que les femmes ont réellement pour les postes de décisions. Cela nous oriente vers le rôle de care des femmes. En effet, nous remarquons qu’ici, les femmes se placent au rang inférieur, accompagnent naturellement les jeunes dans leur éducation sexuelle, mais ne s’aventurent pas au-delà de ce rôle en occupant des postes de décisions. Pourtant au sein de l’ADEP et ses différents projets autres que celui du CSI, une mise en avant des femmes aux postes clés est très apparente.

Dernièrement, l’approche holistique a été mentionnée comme une approche centrale au sein du projet, mais son déploiement sur le terrain est quasi inexistant. Rappelons que cette approche encourage les rapports inter et intra- communautaires, c’est-à-dire de prendre en compte tout ce qui intervient dans le développement du mieux-être des jeunes filles. En effet, le terme revient souvent dans les discussions, mais aucune mesure concrète n’est mise en place sur cette

approche. Nous pouvons ici souligner l’emploi, dans les projets de développement, d’approches pour bonifier les projets, mais qui malheureusement ne sont pas appliqués sur le terrain.

CONCLUSION

Ce mémoire avait pour ambition d’analyser l’impact de l’engagement social et communautaire des femmes dans le mieux-être des jeunes filles, en questionnant leur rôle dans la lutte contre la discrimination sociale et économique. Pour ce faire, nous avons, dans un premier temps, dressé le portrait historique des femmes du Burkina Faso puis analysé les dynamiques de marginalisation qui entravent leur développement. Grâce à la recherche sur le terrain rendue possible suite au travail conjoint avec le CSI et l’ADEP, nous avons pu étudier les comportements des femmes et des jeunes participant au projet « Investir dans le bien-être des adolescentes et jeunes femmes par approche holistique axée sur la santé sexuelle et reproductive au Sénégal et au Burkina Faso ».

Premièrement, les résultats de cette recherche montrent que les violences basées sur le genre, les mutilations génitales féminines, l’inégal accès à l’éducation, à l’emploi et à la terre, le travail non rémunéré, etc. représentent des barrières non négligeables pour l’ascension sociale des femmes. Pour favoriser le développement du Burkina Faso, les structures étatiques s’intéressent davantage à l’empowerment des femmes et mettent en place des politiques de promotion du genre. C’est ainsi qu’au fil des années, la condition féminine évolue considérablement. De l’histoire de femmes braves telles que la princesse Yennenga qui a su s’imposer aux règles discriminantes d’une société patriarcale s’est succédé des périodes marquantes pour le développement des femmes burkinabè. Effectivement, la littérature nous a permis de dresser une ligne de temps, commençant par la période révolutionnaire de 1983 jusqu’à aujourd’hui, avec le PNDES, mis en place en 2016 pour la période 2016-2020.

Depuis 1983, les femmes sortent de leur tâche sociale de soin au nom de l’éthique du care, pour occuper d’autres rôles clés dans la société. En effet, la période révolutionnaire permet l’accession des femmes à des postes de décision et à des sphères auparavant réservées uniquement qu’aux hommes, notamment les

sphères politique et économique. De plus, l’arrivée de la politique de Genre et Développement en 1990, puis de différentes politiques gouvernementales pour donner de la voix et de la place aux femmes créent un terrain favorable à la lutte contre les discriminations basées sur le genre. Ces combats sont la plupart du temps, mené par des associations féminines et des ONG internationales, encourageant la transversalisation du genre, c’est-à-dire la pleine participation des femmes comme actrices principales de leur développement.

Dans l’optique de mieux comprendre l’impact de l’engagement des femmes, nous avons réalisé des entretiens pour cerner les histoires de vie des animatrices du projet du CSI. L’analyse des trajectoires de vie a permis de comprendre comment le vécu intervient dans la construction de l’identité et en quoi il suscite de la motivation à s’engager sur les questions liées au développement du genre. Nous comprenons dès lors que les expériences personnelles des animatrices et leur confrontation dès le bas âge à l’inégalité entre les hommes et les femmes, sont à l’origine de leur implication. En effet, à travers leur vécu, nous comprenons l’intersectionnalité des systèmes d’oppressions qui interviennent dans la vie des femmes, variant d’une femme à l’autre. Le milieu social, le statut matrimonial et le niveau d’éducation représentent des mesures discriminatoires clés rencontrées par les animatrices interrogées. Ces histoires de vie ont permis entre autres de souligner l’omniprésence du travail de soin des femmes burkinabè, qui constitue une entrave importante pour l’accès à l’éducation, notamment à l’éducation sexuelle, puisque les jeunes filles passent la majeure partie de leur temps à s’occuper des tâches domestiques.

Ainsi, de la lutte contre la discrimination sociale, en passant par les violences sexuelles et l’inégalité des chances, il semblerait que, dans une société patriarcale, l’esprit d’entraide féminin représente une lueur d’espoir pour la lutte contre la marginalisation sociale et économique. Par conséquent, les associations, groupements et programmes entièrement dédiés au mieux-être des femmes s’inscrivent dans une démarche d’empowerment des jeunes filles, notamment

celui du CSI dans lequel nous avons effectué notre recherche. Les animatrices décident donc de s’engager au sein du projet pour permettre aux jeunes filles d’accéder au mieux-être et à une éducation sexuelle.

Au niveau du mieux-être, l’analyse sur le projet du CSI axé sur la SSR et l’empowerment des femmes a permis de comprendre l’impact de l’éducation sexuelle sur la vie des jeunes filles. Nous en déduisons la nécessité de l’implication en continu des femmes dans l’éducation sexuelle, pour favoriser une confiance en soi accrue des jeunes filles dans la société. L’éducation sexuelle ouvre la voie vers une meilleure connaissance sur les droits des femmes dans la société, ce qui permet à ces dernières de jouir pleinement de leur corps et de se battre pour leur