• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : CADRE D’ANALYSE CONTEXTUEL

2.1 La discrimination faite aux femmes au Burkina Faso

2.1.3 Engagement social des femmes burkinabè

Les femmes burkinabè sont depuis toujours, au cœur de la vie et de la cohésion sociale de la société (activités familiales, sociales, culturelles, etc.). Toujours est- il que ces apports ne sont pas suffisamment reconnus malgré le temps, l’énergie et les ressources financières qu’elles y investissent. Elles font figure de conseillères ou de médiatrices, notamment dans la conclusion des alliances matrimoniales et la résolution des conflits familiaux. Traoré (2010) et Rollinde (2010) mettent l’accent sur le renforcement des liens sociaux entre les femmes, par le biais des associations féminines et des mouvements collectifs.

Pour affronter les difficultés économiques auxquelles elles sont contraintes, les femmes ont recours à l’entraide qui se manifeste par l’entremise de groupements féminins, de petits groupes de travail et de groupes de tontines2, très populaires

en Afrique de l’Ouest. Pour illustrer ce type de groupement, Traoré (2010) propose l’exemple des femmes Bwaba, Moose et Dafing, issues de différents groupes ethniques du Burkina Faso. Ces femmes se regroupent, la plupart du temps en groupes restreints, à savoir « uniquement par quartier, par ethnie et par famille : ce sont les épouses des frères et cousins qui s’associent » (Traoré, 2010 : 194). En se regroupant, les femmes se fixent les objectifs suivants : (i) mettre en valeur un champ ; (ii) travailler dans le champ du groupement ; (iii) s'entraider dans celui des époux qui ont besoin de leur aide ; (iv) stocker des récoltes et les revendre pour acquérir de nouveaux équipements (moulins, foyers améliorés, etc.) (Traoré, 2010). Cependant, leurs projets n’aboutissent pas toujours. Les facteurs sont le plus souvent analphabétisme et difficultés des travaux physiques, mais aussi le mode de fonctionnement des femmes bwaba du village, du fait de leurs intérêts et situations personnelles différentes, la mauvaise gestion des prêts, etc. En outre,

2 Ce terme, qui se réfère au système créé au 17e siècle par le banquier napolitain Lorenzo Tonti, désigne « un système qui consiste ‘à mettre en commun, périodiquement, une épargne et à distribuer la somme ainsi constituée à tour de rôle aux membres du groupe’ » (Traoré, 2010 : 217).

les femmes s’organisent aussi en petits groupes de travail pour effectuer des tâches diverses et rémunérées en louant leurs services aux paysans.

Même si les femmes tentent de s’organiser entre elles, la contrainte majeure reste que leur engagement s’accompagne beaucoup plus d’une « surcharge de travail, voire d’une participation croissante au budget familial, que d’un partage des tâches ou d’une redistribution des rôles selon le genre au sein de la famille » (Saussey, 2011 : 128). Saussey (2011) souligne ce propos à travers l’exemple des femmes productrices de beurre de karité, qui obtiennent des revenus relativement faibles n’apportant pas de changement significatif dans leur vie de femme.

C’est dans ce cadre que des associations et Organisation Non Gouvernementales (ONG) pour la promotion du genre apparaissent. Au Burkina Faso, les principales organisations féminines sont les suivantes : la Coalition Burkinabè pour les Droits de la Femme ; l’Association d’Appui et d’Éveil Pugsada, avec qui nous avons travaillé dans le cadre de ce projet de recherche ; le Réseau des Femmes anciennes ministres et parlementaires ; l’Association des Professionnelles Africaines de la Communication ; l’Association des femmes Juristes du Burkina Faso, etc. (BAD, 2019). Le gouvernement souhaite aussi apporter sa contribution mettant en avant l’entrepreneuriat féminin, à travers la création d’entreprises et de programmes d’accompagnement. Selon le septième rapport du Burkina sur la mise en œuvre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDF), on compte en 2015, 21% des entreprises dirigées par des femmes (Cité dans BAD, 2019).

Afin de contrer la discrimination basée sur le genre, l’économie sociale survient comme une lueur d’espoir pour l’autonomisation des femmes. Saussey (2011) intervient en parlant de l’implication des femmes dans l’économie sociale, et les changements que cela induit dans la vie de ces dernières. Existante dans l’informel depuis des siècles au Burkina Faso, ce n’est que récemment que cette notion se formalise. Si auparavant les femmes se regroupaient autour des

associations et tontines, aujourd’hui on parle de coopératives d’épargne et de crédit, ou de mutuelles de micro-assurance maladie, organisées par les femmes elles-mêmes (Saussey, 2011). C’est en 2005 que des responsables se mobilisent au sein du Réseau national de promotion de l’économie sociale et solidaire (RENAPESS-Burkina), et permettent une médiatisation de cette forme d’économie, définie de la manière suivante par Antoinette Ouédraogo, secrétaire exécutive de l’association Buayaba et également membre du RENAPESS :

Un groupe de personnes et de structures qui se mettent ensemble pour essayer d’aider à résoudre l’injustice, à ce qu’il y ait moins d’écart entre les pauvres et les riches [car] depuis que nous avons lu les définitions internationales récentes de l’économie sociale et solidaire, nous nous sommes rendu compte que c’est ce que nous faisons depuis longtemps. (Cité dans Saussey, 2011 : 116)

Dans le but de promouvoir des activités génératrices de revenus pour lutter contre la pauvreté, encourager les femmes à formaliser leurs actions collectives sous forme de groupements, d’unions de groupements ou d’associations, les ONG, agences bilatérales et multilatérales d’aide au développement se développent au Burkina Faso. À travers l’exemple du beurre de karité, un produit naturel et « haut de gamme » fabriqué localement et de manière artisanale par les femmes dans les milieux ruraux, Saussey (2011) aborde une série d’initiatives mises en place dans l’optique de subvenir aux besoins des femmes, d’encourager l’autonomisation de ces dernières et de développer le Projet National Karité. Toutefois, en plus de la surcharge de travail, l’engagement des femmes à l’intérieur de ces organisations suscite souvent aussi une contestation de la part de leurs époux. Ces derniers trouvent que ce type de groupement pourrait entraîner des changements de comportement des femmes dans leur foyer. Lors de son enquête, Traoré (2010) avoue que « au total, sur les femmes enquêté, 57% appartiennent à un groupement et 43% non » (Traoré, 2010).

Ainsi, l’engagement social et communautaire comme vecteur de lutte contre les discriminations encourage les femmes à s’impliquer dans la société. Nous tenterons dans le cadre de la présente recherche, de mieux comprendre leurs motivations et l’impacts de leurs engagements. Nous proposons alors dans la suite, d’exposer le contexte de notre terrain de recherche.