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Chapitre II : Bibliographie sur l'oxydation des aciers Fe-9Cr dans l'alliage Pb-Bi et dans d'autres

5. Mécanisme de croissance d'une couche duplex

5.1. Interface originelle métal/environnement non localisée à l'interface oxyde/oxyde

La première catégorie de mécanismes ne localisant pas spécifiquement l'interface originelle métal/milieu oxydant après oxydation rend compte de certains cas d'oxydation d'un alliage AB menant à une couche d'oxyde duplex.

Les mécanismes suivants peuvent être observables lorsque :

− l'élément d'alliage B, qui est minoritaire dans le matériau, est thermodynamiquement moins stable que l'élément principal A,

− B diffuse moins vite que A dans la couche d'oxyde.

Si la diffusion de l'élément d'alliage B dans l'alliage AB n'est pas limitante, trois cas peuvent se produire :

− A et B diffusent simultanément dans la couche d'oxyde, les deux couches se distinguent donc par la présence de l'élément B qui diffuse moins vite que A.

Une solution solide d'un oxyde AxByOz existe et A et B diffusent via le réseau de cet oxyde. La

différence de coefficient de diffusion entre les éléments A et B conduit à une variation de la stœchiométrie de l'oxyde au sein de la couche. Ainsi, à l'interface métal/oxyde, la couche est enrichie en B qui diffuse lentement alors qu'à l'interface oxyde/environnement l'oxyde ne contient que l'élément A.

Le profil de concentration de B peut être schématisé sur la Figure 36.

Métal Solution solide AxByOz Ax’Oz’ [B] Environnement x Epaisseur de la couche duplex

63 Finalement tout se passe comme s'il n'existait qu'une seule couche d'oxyde, non duplex, comportant un gradient de concentration de l'élément B. Ce mécanisme a été proposé par Brückman [75] pour expliquer la sulfuration de certains alliages.

Dans le cas de la croissance des couches d'oxyde dans l'eutectique Pb-Bi, les couches de spinelle Fe-Cr et de magnétite semblent nettement séparées. Cependant, la stœchiométrie du spinelle Fe-Cr n'est pas précisée dans la littérature et cette stœchiométrie peut varier au sein de la couche d'oxyde. Le mécanisme pourrait correspondre à celui régissant la croissance des couches d'oxyde dans l'alliage Pb-Bi. Toutefois, ce mécanisme n'explique pas l'égalité d'épaisseur entre la couche de spinelle Fe-Cr et la couche de magnétite. Ce mécanisme supposerait que le chrome diffuse deux fois moins vite que le fer dans la couche d'oxyde. Cette faible différence de vitesse de diffusion nous semble peu réaliste sachant que trois ordres de grandeur séparent les coefficients de diffusion du fer et du chrome dans le réseau du spinelle Fe-Cr (voir Chapitre V).

− Le deuxième cas est proposé par Whittle et Wood [76] pour l'oxydation d'un acier Fe-18Cr dans

l'oxygène. L'élément minoritaire de l'alliage, le chrome, est thermodynamiquement moins stable et diffuse moins vite que le fer dans la solution solide FeFe2-xCrxO4.

Le processus d'oxydation est représenté Figure 37.

(a) (b) (c)

(d) (e)

Figure 37 : mécanisme de Whittle et Wood [76].

Aux premiers temps de l'oxydation, un spinelle Fe-Cr se forme à la surface de l'acier (Figure 37 (a)).

En raison de la diffusion plus lente du chrome dans le spinelle, un gradient de teneur en chrome se développe dans le spinelle Fe-Cr et une couche duplex se forme (Figure 37 (b)). La lente diffusion du chrome dans la couche d'oxyde conduit à une augmentation de la teneur en chrome à l'interface métal/oxyde. Ainsi le spinelle s'enrichi en chrome au voisinage du

métal. Comme le coefficient de diffusion du fer dans le spinelle Fe-Cr diminue avec l'augmentation de la teneur en chrome, la diffusion du fer est ralentie dans la zone enrichie en chrome. Il s'ensuit une augmentation de la teneur en fer à l'interface métal/oxyde et la formation d'une couche de spinelle enrichie en fer sous la couche enrichie en chrome (Figure 37 (c)).

La concentration en chrome augmente alors à l'interface métal/oxyde : une deuxième couche enrichie en chrome se développe (Figure 37 (d)).

Par conséquent des zones enrichies en chrome et en fer s'alternent dans la couche de spinelle Fe-Cr (Figure 37 (e)).

Ce mécanisme n'explique pas l'égalité d'épaisseur entre la couche de magnétite et la couche de spinelle Fe-Cr. A la lumière des deux mécanismes précédents, une identification de la stœchiométrie du spinelle Fe-Cr formé dans l'alliage Pb-Bi nous semble nécessaire pour proposer un modèle de croissance. L'évolution de cette stœchiométrie au sein de la couche doit aussi être déterminée.

− Maak et Wagner [77] proposent un modèle d'oxydation ou de sulfuration d'une couche duplex

formée sur un alliage binaire AB générique.

Selon ce modèle, la couche d'oxyde externe AX (avec X l'élément oxydant) croît à l'interface externe par diffusion des cations A2+ à travers la couche d'oxyde.

La couche interne, composée des deux phases AX et BX, croît par dissociation de la couche supérieure, libérant des cations qui migrent vers l'interface externe et de l'oxygène qui diffuse dans la couche interne jusqu'au métal.

Ce mécanisme d'oxydation est présenté Figure 38.

Figure 38 : Mécanisme d'oxydation proposé par Maak et Wagner pour la croissance d'une couche de sulfure ou d'oxyde duplex sur un alliage binaire AB (B étant l'élément d'alliage) [78].

Pour conclure sur les trois mécanismes présentés :

A priori, aucune différence de microstructure ne peut être mise en évidence par le modèle de Bruckman. En effet celui-ci correspond finalement à la croissance d'une monocouche d'oxyde de stœchiométrie variable dans l'épaisseur de la couche.

65 Ni le modèle de Bruckman ni celui de Whittle et Wood ne permet d'expliquer la constance du rapport d'épaisseur entre les deux couches d'oxyde observée sur les essais d'oxydation effectués dans l'alliage Pb-Bi. Cependant il nous semble nécessaire de déterminer précisément la stœchiométrie du spinelle Fe-Cr ainsi que son évolution au sein de la couche. Ceci nous permettrait de conclure sur la vraisemblance d'une croissance de la couche d'oxyde dans l'alliage Pb-Bi régie par de tels mécanismes.

Le modèle de Maak et Wagner relie la croissance de la couche externe à celle de la couche interne, ce qui permettrait d'expliquer la constance du rapport d'épaisseur entre ces deux couches.

D'autres modèles ont été développés, ayant comme caractéristique commune la localisation de l'interface originelle métal/milieu oxydant à l'interface entre les deux oxydes de la couche duplex. Ces modèles sont présentés dans le paragraphe suivant.

5.2. Interface originelle métal/environnement localisée à l'interface oxyde