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Chapitre II : Bibliographie sur l'oxydation des aciers Fe-9Cr dans l'alliage Pb-Bi et dans d'autres

5. Mécanisme de croissance d'une couche duplex

5.2. Interface originelle métal/environnement localisée à l'interface oxyde 1/oxyde 2

Pour tous les mécanismes présentés par la suite, l'interface entre les deux oxydes de la couche duplex est attribuée, par rapport à un référentiel situé au cœur du métal, à l'interface originelle métal/environnement.

Cette interface ne peut être nettement délimitée que si la couche interne croît à l'interface métal/oxyde et la couche externe à l'interface oxyde/environnement. Il en résulte que l'oxygène doit être transporté jusqu'à l'interface interne afin de permettre la croissance de la couche au contact du métal.

Le schéma suivant illustre ce mécanisme d'oxydation.

Métal

Environnement

oxydant Interface originelle

métal/ environnement Oxyde 1 nouvellement formé

Oxyde 2 nouvellement formé

Métal Environnement oxydant Oxyde 1 Oxyde 2 Référentiel : cœur du métal

Figure 39: Schéma de croissance de la couche d'oxyde.

Deux grands types de modèles s'opposent concernant le mode d'apport de l'oxygène à l'interface interne :

− apport de l'oxygène par dissociation uniforme de la couche,

− apport de l'oxygène par diffusion via des courts-circuits dans la couche d'oxyde. Nous détaillerons chacun de ces deux modes de formation de la couche duplex.

5.2.1. Apport de l'oxygène par dissociation uniforme de la couche

Kofstadt [79], au cours d'études sur l'oxydation de l'alliage binaire Co-Cr par l'oxygène, propose un mécanisme fondé sur un apport d'oxydant par dissociation de la couche d'oxyde.

(a)

Figure 40 : Mécanisme de formation d'une couche duplex à partir d'un alliage Co-Cr fondé sur une dissociation de la couche d'oxyde à l'interface interne [79].

Selon son mécanisme, dans les premiers stades de l'oxydation le cobalt et le chrome s'oxydent pareillement et forment des amas de CoO et Cr2O3 à la surface de l'alliage (Figure 40 (a)).

Si la teneur en chrome dans l'alliage n'est pas suffisante pour former une couche continue d'oxyde de chrome (teneur inférieure à 30%), les amas de CoO et Cr2O3 réagissent pour former une couche

interne composée de CoO et de CoCr2O4 et une couche externe de CoO (Figure 40 (b)).

Au cours de cette oxydation trois phénomènes ont lieu, en parallèle, à l'interface interne :

− Le cobalt diffuse en continu à travers la couche d'oxyde pour faire croître la couche externe de CoO à l'interface CoO/atmosphère.

− Le chrome dans l'alliage diffuse vers l'interface métal/oxyde, réduit l'oxyde CoO en cobalt métallique et forme Cr2O3.

− L'oxygène, présent dans CoO, se dissout dans l'alliage, diffuse et réagit avec le chrome. Ils forment ainsi des précipités de Cr2O3 sous l'interface métal/oxyde constituant ainsi une zone

d'oxydation interne.

Un point fondamental de ce modèle est la diffusion en volume du cobalt à travers la couche d'oxyde. En effet, la consommation de cobalt métallique (par diffusion des cations vers l'interface CoO/O2) mène à la formation de pores à l'interface métal/oxyde.

L'oxyde, situé au dessus du pore nouvellement formé, se dissocie dans cet espace vide et remplit le pore en oxygène. L'oxygène, issu de cette dissociation, oxyde ensuite le métal entourant le pore et mène à la formation d'un nouvel oxyde qui remplit le volume du pore.

Selon ce mécanisme, la couche d'oxyde interne croît dans le volume des pores (formés par la consommation du métal) sous la surface originelle métal/oxyde.

Kofstadt considère que la couche d'oxyde se dissocie ainsi uniformément conformément au modèle de Maak et Wagner, mais que l'interface oxyde 1/oxyde 2 reste fixe par rapport au référentiel du cœur du métal et qu'il correspond à l'interface originelle métal/oxyde.

5.2.2. Diffusion de l'oxygène via des courts-circuits de diffusion

Mrowec [78] oppose à tout type de dissociation uniforme des études de sulfuration effectuées sur 65 [75]

67 d'oxydation ont été réalisés : une première oxydation réalisée sans soufre radioactif est suivie d'une deuxième oxydation marquée par la présence de soufre radioactif. Après analyse de la couche d'oxyde, le soufre radioactif a été retrouvé à l'interface interne.

Ces expériences montrent que la couche interne croît par diffusion de l'oxydant jusqu'à l'interface interne et non par dissociation de la couche la plus ancienne qui ne contenait pas de soufre radioactif.

Mrowec considère que la diffusion anionique de l'oxydant à travers le réseau cristallin de l'oxyde n'est pas assez rapide pour rendre compte des croissances expérimentales. Il suggère donc que l'oxydant pénètre par des porosités sous forme moléculaire jusqu'à l'interface métal/oxyde.

D'autres expériences similaires ont été menées avec des éléments radioactifs 65S et 14C liés à

l'oxygène dans l'atmosphère oxydante CO2 [80] ou SO2 [81]. Pour chaque essai, l'élément radioactif

était détecté jusqu'à l'interface métal/oxyde démontrant ainsi que le transport de l'oxygène s'effectuait sous forme moléculaire jusqu'à l'interface interne.

De plus, au cours de ses études sur l'oxydation d'acier Fe-Cr dans l'eau à haute température (300°C), Tomlison [82] a mesuré la quantité d'hydrogène formée à l'interface métal/oxyde et celle formée à l'interface oxyde/eau.

Ainsi la fraction d'hydrogène mesurée à l'interface métal/oxyde est telle que les auteurs concluent que l'oxygène diffuse, à travers la couche d'oxyde, sous forme moléculaire H2O et se dissocie en

oxygène et hydrogène au niveau de l'interface métal/oxyde.

Il résulte de ces différentes expériences dans l'eau et sous traceurs radioactifs que l'oxydation à l'interface métal/oxyde n'est ni due à une dissociation de la couche d'oxyde ni à une diffusion de l'oxygène par voie anionique dans le réseau de la couche d'oxyde.

En effet, l'oxygène traverse la couche sous forme moléculaire via des courts circuits de diffusion. Pour chacune de ces expérimentations les auteurs [72] [82] [80] [81] considèrent la diffusion de l'oxygène dans les courts circuits de diffusion comme beaucoup plus rapide que celle du cation, quel que soit le cation envisagé et son mode de transport. Le transport de l'oxygène est aussi considéré comme trop rapide pour rendre compte de la croissance de la couche interne.

La diffusion de l'oxygène ne constitue donc pas une étape limitante pour la croissance de la couche interne.

Par ailleurs, ces auteurs [72] [82] [80] [81] soulignent que le rapport d'épaisseur entre les deux couches

d'oxyde de la structure duplex est constant au cours de l'oxydation. Ils en concluent que les mécanismes de croissance des deux couches sont liés et que la cinétique de croissance des couches d'oxyde n'est pas limitée par le transport de l'oxygène.

Un mécanisme d'oxydation, plus complet, nommé "available space model" (le modèle de l'espace disponible), a été développé pour rendre compte des trois phénomènes suivants :

− L'agent oxydant diffuse sous forme moléculaire via des courts circuits de diffusion jusqu'à l'interface métal/oxyde.

− Les deux couches d'oxyde ont une croissance liée.

− La croissance de la couche d'oxyde interne n'est pas contrôlée par le transport de l'oxydant. Ce mécanisme est souvent considéré dans les cas d'une croissance de couches duplex formées sous environnement oxydant SO2, H2O (liquide ou vapeur) ou CO2, à partir des métaux purs Ni et Fe ou

des alliages Ni-Cr et Fe-Cr.

Ce mécanisme sera particulièrement détaillé car les couches d'oxyde formées sous ces environnements à partir des alliages Ni-Cr et Fe-Cr sont très proches de celles observées dans le plomb et l'alliage Pb-Bi. De plus, les constantes paraboliques obtenues pour l'oxydation des aciers

Fe-9Cr dans l'eau et la vapeur d'eau entre 450 et 500°C avoisinent celle déterminée à partir de la cinétique d'oxydation d'aciers Fe-9Cr [14] dans l'alliage Pb-Bi saturé en oxygène à 470°C.