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Caractérisation chimique et structurale des couches d'oxyde formées dans l'alliage Pb-Bi

Chapitre III : Expériences d'oxydation du T91 dans l'alliage Pb-Bi saturé en oxygène à 470°C Des

3. Nature et structure des couches obtenues dans l'alliage Pb-Bi

3.2. Caractérisation chimique et structurale des couches d'oxyde formées dans l'alliage Pb-Bi

L'analyse par diffraction des rayons X montre que les deux couches d'oxyde ont une structure spinelle Fe3-xCrxO4 (avec x=0 ou 2). L'analyse chimique de la couche permet d'identifier les

spinelles en fonction de leur teneur en chrome. La cartographie MEB de la Figure 53 confirme les résultats obtenus par DRX sur la présence de fer et d'oxygène dans chaque couche d'oxyde.

Cependant, les deux couches se différencient par la localisation des atomes de chrome. Ils se situent uniquement dans couche interne : la couche externe est donc un spinelle de fer pur, appelé magnétite, alors que la couche interne contenant du chrome est un spinelle Fe-Cr.

Photographie à contraste

d’électrons rétrodiffusés Cartographie du Fe

5µm

Cartographie du Cr Cartographie de l’O

Figure 53 : Image MEB en électrons rétrodiffusés et cartographies MEB d'un échantillon immergé 3700 heures dans l'alliage Pb Bi. La couche interne au contact du T91 est un oxyde Fe-Cr et la

91 Une analyse chimique des couches d’oxyde a ensuite été effectuée par différents types de technique : EDS/MEB, microsonde de Castaing (Figure 62, Figure 66), SDL (Figure 69) et SIMS (Figure 68). Toutes ces techniques sont en accord, la couche interne, au contact du T91, est constituée de fer, de chrome et d’oxygène alors de la couche externe ne comporte que du fer et de l’oxygène.

Le couplage entre la diffraction des rayons X et les techniques d’analyse chimique permet d’identifier les deux couches d’oxyde : la couche interne au contact du T91 est un spinelle Fe3- xCrxO4 et la couche externe est la magnétite Fe3O4.

Les deux couches peuvent être caractérisées en détail d'un point de vue structural et chimique.

3.2.1. La couche de magnétite

La couche externe de magnétite est d'une épaisseur attendue par rapport aux épaisseurs obtenues dans la littérature : son épaisseur atteint 16 µm après 7800 heures d'oxydation dans l'alliage Pb-Bi. Visuellement, les deux couches d'oxyde se séparent très distinctement car l'interface spinelle Fe- Cr/magnétite est très régulière et très nette. De plus, les microstructures des deux couches sont très différentes.

La couche de magnétite est constituée de longs grains colonnaires, peu épais, d'une largeur d'environ 1 µm, comme le montre l'image MEB de la Figure 54 réalisée au MEB-FEG.

La microstructure de la couche de magnétite n'est cependant pas homogène sur l'ensemble de la couche. En effet après 270 heures d'oxydation, une double microstructure peut être observée à l'échelle du MEB (Figure 54).

Spinelle Fe-Cr : grains équiaxes Magnétite: grains colonnaires Double microstructure de la magnétite

1µm

Figure 54 : Image MEB-FEG en électrons secondaires d'une fracture d'un échantillon de T91 immergé 3700 heures dans l'alliage Pb-Bi saturé en oxygène à 470°C.

Cette double microstructure comporte :

− de longs grains colonnaires observés sur toutes les imageries MEB à toutes les durées d’immersion,

− de plus petits grains, situés à l’interface spinelle Fe-Cr/magnétite, observables par MEB après de 270 heures d'oxydation.

La Figure 54 met en relief le faciès de ces plus petits grains qui semblent colonnaires mais plus épais, moins longs et qui forment une couche plus dense que celle composée par les longs grains colonnaires.

Cette double microstructure a aussi été mise en évidence par microscopie électronique à transmission sur un échantillon immergé 500 heures dans l'alliage Pb-Bi. Les observations au MET ont été fortement perturbées par la friabilité de la couche d’oxyde empêchant la réalisation d'une lame suffisamment mince pour obtenir une transparence aux électrons sur l’intégralité de la couche.

Deux microstructures de la magnétite ont toutefois été mises en évidence comme le montre la Figure 55. Substrat Interface spinelle Fe-Cr /T91 Magnétite colonnaire Magnétite équiaxe à

l’interface Fe-Cr spinelle / magnétite taille des grains :

50 à 200 nm

Photographie en fond noir

Interface

spinelle Fe-Cr /magnétite

Figure 55 : Structure de la couche de magnétite. Image MET d'un échantillon oxydé 500 heures dans l'alliage Pb-Bi liquide à 470°C.

A l’interface spinelle Fe-Cr/magnétite, les grains de magnétite sont équiaxes, d’un diamètre de 50 à 200 nm. Au-dessus de cette fine couche de grains équiaxes, la couche de magnétite à longs grains colonnaires est aussi visualisable sur la Figure 55.

Pour les deux modes d'observation utilisés, deux microstructures sont observables dans la couche de magnétite bien que la plus grande partie de la couche soit constituée de longs grains colonnaires.

Cependant les résultats des observation MEB et MET sont sensiblement différents vis-à-vis de la géométrie des petits grains de magnétite situés au contact du spinelle Fe-Cr. Ces grains semblent équiaxes par observation MET et colonnaires par observation MEB.

Trois arguments nous mènent à considérer que les observations MEB sont plus réalistes que celles effectuées au MET :

− La friabilité de la couche d'oxyde a perturbé notre observation au MET.

− Un seul échantillon a été observé par MET alors que de nombreux échantillons ont été fracturés puis observés par MEB, donnant toujours la même microstructure.

− Contrairement à l'image MET, l'image MEB, effectuée sur une fracture de la couche d'oxyde, met en évidence le relief des grains. Cette mise en relief permet de mieux visualiser la

93 Nous pouvons donc supposer que les deux microstructures sont constituées de grains colonnaires. Des porosités intragranulaires sont observables dans les longs grains colonnaires (Figure 56 A) et dans les petits grains de magnétite au contact du spinelle Fe-Cr (Figure 56 B).

300 nm 1µm Pores intragranulaires Spinelle Fe-Cr A B

Figure 56 : Images MEB-FEG en électrons secondaires d'une fracture d'un échantillon de T91 oxydé 3700 heures dans l'alliage Pb Bi. Des pores intragranulaires sont observables dans les longs grains colonnaires (A) et dans les petits grains proches de la couche de spinelle Fe-Cr (B).

De plus, la couche de magnétite n’est pas compacte, elle contient de nombreuses cavités (Figure 57). Ces cavités, au sein de la couche, sont observables sur toute la surface de l'échantillon. Elles semblent prendre naissance à l'interface spinelle Fe-Cr/magnétite puis croître dans l'épaisseur de la couche. Ces cavités, dont la taille caractéristique est de l'ordre de quelques microns, n'ont jamais été aperçues dans la couche de spinelle Fe-Cr.

10µm

Figure 57 : Image MEB en électrons rétrodiffusés d'un échantillon immergé 3700 heures dans l'alliage Pb-Bi. Des cavités sont observables dans la couche de magnétite.

La présence de cavités dans la couche externe de magnétite d'une structure duplex a déjà été observée dans la littérature lors de l'oxydation de fer sous un environnement de O2 et de CO2 à

550°C [95]. Les auteurs concluent que ces cavités ne sont ni inter-connectées ni ouvertes sur le milieu oxydant. Ces cavités ne peuvent donc pas former de réseau de courts-circuits de diffusion pour permettre à l'oxydant de diffuser plus rapidement dans la couche.

Nos observations sont en accord avec ces conclusions car ces cavités ne contiennent ni plomb ni bismuth : le milieu oxydant n'a donc pas pénétré à l'intérieur des cavités.

La porosité de la couche de magnétite est aussi mise en évidence par une pénétration de plomb. En effet, des pénétrations de plomb sont révélées par la multitude de points blancs visualisables dans la couche de magnétite sur l'image MEB en électrons rétrodiffusés de la Figure 58. La présence de plomb à l'intérieur de la couche a été mise en évidence via différentes techniques et fait l'objet du paragraphe 5. 10µm Pénétration de Pb Cavité Spinelle Fe-Cr Magnétite

Figure 58 : Image MEB en électrons rétrodiffusés d'une coupe transverse polie d'un échantillon de T91 oxydé 3700 heures dans l'alliage Pb-Bi saturé en oxygène à 470°C.

Parfois des nodules de plusieurs microns comportant de l'aluminium, du silicium et de l'oxygène sont observés dans la couche de magnétite (Figure 59). Aucun nodule n'a été remarqué dans la couche de spinelle Fe-Cr.

Ces nodules sont sphériques. Leur géométrie, leur taille et leur composition sont différentes des inclusions d'alumine observées dans le T91 (voir paragraphe 2.1). Les rapports de concentration

moyens, obtenus par analyse microsonde, sont de 3,6 entre l'oxygène et le silicium, 3,9 entre l'oxygène et l'aluminium et 1,1 entre le silicium et l'aluminium (Figure 60). Le seul oxyde connu dont la stœchiométrie est proche des ces rapports est l'oxyde Al2Si2O7.

95

2µm Spinelle Fe-Cr

Magnétite Nodule

Figure 59 : Fracture observée au MEB-FEG en électrons secondaires d'un échantillon de T91 immergé 3700 heures dans l'alliage Pb Bi.

0 10 20 30 40 50 60 70 0 1 2 3 4 5 O (at%) Al (at%) Si (at%) Fe (at%) 3,6 3,4 3,7 3,7 3,5 [O] (at%) /[Si](at%) 3,9 Moyenne 3,8 4 4,15 3 3,8 2 4 1 [O] (at%) /[Al](at%) Numéro de l’inclusion

Numéro de l’inclusion analysée

C onc en tr atio n (a t% )

Figure 60 : Analyse par microsonde électronique de Castaing des nodules Al-O-Si présents au sein de la couche de magnétite. L'analyse quantitative met en évidence la présence de l'oxyde

Al2Si2O7.

3.2.2. La couche de spinelle Fe-Cr

L'épaisseur de la couche de spinelle Fe-Cr est du même ordre de grandeur que celle de la magnétite. Cette épaisseur est environ égale à 14 µm après 7800 heures d’immersion dans l'alliage Pb-Bi. Le rapport d'épaisseur de la couche de magnétite sur celle de spinelle Fe-Cr est relativement constant sur l'ensemble des essais d'oxydation réalisés et égal à 1,25.

La couche de spinelle Fe-Cr est constituée de petits grains équiaxes d'environ 30 nm de diamètre comme le montre l'image réalisée au MEB-FEG à fort grandissement, présentée Figure 61.

Figure 61 : Fracture observée par MEB-FEG en électrons secondaires. Structure de la couche de Fe-Cr spinelle : petits grains équiaxes d'environ 30 nm de diamètre.

La couche de spinelle Fe-Cr semble dense, exempte de porosités et de fissures (Figure 58, Figure 54). Mais cette homogénéité n'est qu’apparente car des pénétrations de plomb ont été observées sur les profils microsonde (Figure 62, Figure 66).

Cette pénétration d’éléments métalliques du milieu oxydant dans la couche la couche d’oxyde jusqu’à l’interface interne sera détaillée dans le paragraphe 5.

L’imagerie MEB et l’analyse chimique par microsonde permettent de détailler la morphologie de la couche de spinelle Fe-Cr.

La stœchiométrie de la couche interne de spinelle Fe-Cr, qui a été déterminée par microsonde, est en moyenne Fe2,34Cr0,66O4 (Figure 62). Elle reste constante à travers la couche de spinelle et au

97 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 W%(O ) W%(Cr) W%(Fe) W%(Pb) W%(Bi) W%(Si) W%(Mn) W%(Mo) C on ce ntra ti on e n F e, Cr, O , Pb ( pd s% ) C on ce ntr ati on e n B i, M o,M n, Si (p ds % ) Distance (µm)

Magnétite spinelle Fe-Cr T91

Fe2,34Cr0,66O4

Figure 62 : Profil de concentrations obtenu par analyse microsonde sur section transverse polie d'un échantillon de T91 immergé 6500 heures dans l'alliage Pb-Bi saturé en oxygène à 470°C. La

stoechiométrie du spinelle Fe-Cr calculée à partir des données de ce profil et des autres, obtenus dans les mêmes conditions pour différentes durées d'immersions, est Fe2,34Cr0,66O4.

Des ségrégations de chrome sont observées dans la couche de spinelle Fe-Cr. Sur les images MEB en électrons rétrodiffusés (Figure 63), ces ségrégations sont représentées par les lignes noires dans la couche de spinelle Fe-Cr. Elles semblent prendre naissance à l’interface T91/spinelle Fe-Cr et restent présentes dans la couche de spinelle Fe-Cr bien que leur importance diminue à l’approche de la couche de magnétite.

Une analyse EDS de ces ségrégations montre aussi la présence d'oxygène. Cependant, la poire d'analyse étant plus large que la taille de ces ségrégations, la présence d'oxygène peut être due à l'oxyde environnant.

Toutefois, la formation, dans une couche d'oxyde, de ségrégations de chrome non oxydé, alors que l'oxyde de chrome et les spinelles Fe-Cr sont stables, semble improbable. Nous pouvons donc attribuer ces ségrégations à un oxyde de chrome ou un oxyde fer-chrome riche en chrome.

Une légère oxydation interne peut être supposée car l’interface T91/spinelle Fe-Cr est fortement irrégulière et recouverte d'une même ligne noire discontinue, attribuée par les analyses EDS à des précipitations d'oxyde enrichi en chrome. De plus une nette oxydation interne a été mise en évidence par la littérature [15] lors d'essais d'oxydation du T91 à 600°C.

10µm Spinelle Fe-Cr Magnétite Ségrégations d’oxyde riche en chrome oxydation interne?

Figure 63 : Image MEB en électrons rétrodiffusés d'une coupe transverse polie d'un échantillon de T91 oxydé 3700 heures dans l'alliage Pb-Bi saturé en oxygène à 470°C.

Ces ségrégations ont aussi été mises en évidence par cartographies EDS (Figure 64) dans la partie du spinelle Fe-Cr proche du T91.

Ségrégation de Cr-O Ségrégation de Cr-O

Image en électrons

rétrodiffusés Cartographie Cr Cartographie Fe

Spinelle Fe-Cr Magnétite Spinelle Fe-Cr

Magnétite

Figure 64 : Cartographie MEB d'une section polie transverse d'un échantillon de T91 immergé 3700 heures dansl'alliage Pb-Bi saturé en oxygène. Des précipitations d'oxyde enrichi en chrome

99 Les cartographies de la Figure 64 montrent en effet que les lignes noires de l'image en électrons rétrodiffusés correspondent à des zones enrichies en chrome et appauvries en fer. La cartographie de l’oxygène est homogène. On peut donc supposer que ces lignes noires enrichies en chrome correspondent à des précipitations d’oxyde enrichi en chrome. Toutefois, l’oxygène étant un élément nettement plus léger que les autres, sa détection est moins précise et la taille des précipités pourrait être inférieure à la précision latérale de l’analyse.

La présence de chrome non oxydé à l’intérieur d’une couche d’oxyde étant cependant improbable, les lignes noires observées sur les images MEB en électrons rétrodiffusés peuvent être attribuées à des précipitations d’oxyde enrichi en chrome.

Tous nos essais d'oxydation dans l'alliage Pb-Bi mènent à des couches d'oxyde identiques à celles décrites dans la littérature pour l'oxydation du T91 dans l'alliage Pb-Bi à 470°C et très similaires à celles obtenues par oxydation d'aciers Fe-Cr dans les environnement gazeux CO2 et vapeur d'eau

ainsi que dans l'eau sous pression, aux mêmes températures.

4. Nature et structure des couches obtenues par oxydation dans le bismuth