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4. HYPOTHÈSES RELATIVES À LA PLAUSIBILITÉ QUE LA MALADIE DE LYME SOIT À

4.2.1. Interférence avec la réponse immunitaire humorale

Les anticorps, par le biais de l’activation de la réponse immunitaire humorale où les lymphocytes B sont des acteurs clés, jouent un rôle important dans la défense antibactérienne. La prolifération des lymphocytes B de même que la production et la maturation des anticorps se passent majoritairement dans les centres germinatifs au sein des régions extrafolliculaires dépendantes des lymphocytes T dans les organes

lymphoïdes secondaires (ganglions lymphatiques et rate). La différenciation des lymphocytes B en plasmocytes, les cellules qui produisent les anticorps, dépend notamment des interactions avec les lymphocytes T et des cytokines présentes dans le micro-environnement, lesquels régulent aussi la commutation isotypique des

immunoglobulines. Selon leur structure, il est possible de subdiviser les anticorps en cinq isotypes, les IgM, les IgD, les IgG, les IgA et les IgE. Il a été démontré que certains antigènes bactériens, généralement des polysaccharides à motifs répétés présents au sein de la paroi bactérienne, seraient en mesure d’activer des lymphocytes B matures de façon indépendante des lymphocytes T. Cette activation n’entraînerait pas de

commutation isotypique, et seules des IgM seraient produites.

Lors d’une primo-infection, des IgM sont d’abord générées et sécrétées sous la forme de pentamères à la suite de l’activation et de la différenciation des lymphocytes B. Elles sont

en fonction des signaux dans l’environnement. En se fixant sur les antigènes à la surface des bactéries, les anticorps permettent aux phagocytes de capturer et de détruire celles-ci, ou encore ils entraînent la lyse bactérienne en activant le complément. Ces deux phénomènes contraignent l’infection ou préviennent sa dissémination.

Selon les études portant sur la souris, les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l envahiraient les ganglions lymphatiques et nuiraient au bon fonctionnement des centres germinaux, ce qui, en plus de favoriser la production d’anticorps à l’extérieur des foyers extrafolliculaires, limiterait le développement des plasmocytes et des lymphocytes B mémoires [Elsner et al., 2015; Tunev et al., 2011]. L’impact de l’infection par

B. burgdorferi s.l. sur la production d’anticorps a notamment été démontré par

l’incapacité des souris infectées à produire une réponse immunitaire humorale contre des antigènes viraux à la suite de l’administration d’un vaccin contre le virus de l’influenza [Elsner et al., 2015]. D’autres études portant sur la souris ont démontré que ces altérations ont pour effet de produire une réponse humorale médiée par les

lymphocytes B, qui est dominée par la sécrétion d’IgM à la fois dans les ganglions et dans la moelle osseuse. La cinétique d’accumulation dans la moelle osseuse des plasmocytes sécrétant des IgG serait aussi ralentie. Puisque la grosseur des IgM limite leur passage du sang vers les tissus, les auteurs ont émis l’hypothèse que la

prédominance de cet isotype faciliterait la persistance des bactéries dans la peau et les tissus [Hastey et al., 2012]. Ces résultats issus d’études portant sur les rongeurs sont toutefois remis en question par plusieurs experts étant donné que la réponse immunitaire chez la souris, notamment les signaux régulant la commutation isotypique, est différente de celle observée chez l’humain [Shapiro, 2015].

À l’heure actuelle, les études portant sur des macaques rhésus adultes ne permettent pas de statuer sur la façon dont les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. peuvent interférer avec la production d’anticorps chez les primates. Une lymphadénopathie de légère à modérée a été observée chez quelques singes infectés, mais pas chez l’ensemble des spécimens étudiés [Embers et al., 2017; Philipp et al., 1993]. Bien que deux études aient démontré une variation attendue des niveaux sécrétés d’IgM et d’IgG [Pachner et al., 2001; Philipp et al., 1993], une autre suggère que l’activation des lymphocytes B est indépendante des lymphocytes T [Roberts et al., 1998]. Dans l’étude d’Embers [2017], le seul macaque qui a développé un érythème migrant n’a pas

développé d’anticorps contre les bactéries B. burgdroferi s.s. Finalement, les résultats obtenus chez deux macaques rhésus adultes immunosupprimés ont démontré que la seule réponse IgM n’est pas suffisante pour éliminer les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. [Pachner et al., 2001]. Bien que les macaques rhésus soient des primates au même titre que les humains, les résultats de ces études sont parfois remis en question compte tenu de leur méthodologie et des divergences possibles avec ce qui se passe chez l’humain [Wormser et al., 2018; Shapiro, 2015].

Comme chez le macaque rhésus, les études disponibles portant sur l’humain ne permettent pas de statuer clairement sur la façon dont les bactéries du complexe

B. burgdorferi s.l. peuvent interférer avec la production d’anticorps. Toutefois, une étude a démontré que l’augmentation et l’expansion clonale des plasmocytes corrèlent avec un

maladie de Lyme au stade localisé, alors qu’une faible réponse des plasmocytes est associée à une durée plus longue des symptômes à la suite du traitement [Blum et al., 2018]. Une autre étude a démontré que la réponse des lymphocytes B induite par la présence des bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. n’est pas toujours détectable chez les personnes qui ont un érythème migrant. Lorsqu’elle l’est, elle est hétérogène d’un individu à l’autre, mais la commutation isotypique des immunoglobulines est observable [Kirpach et al., 2019]. Ces deux études ont toutefois porté sur un nombre limité de patients et à un stade de la maladie qui est différent de celui de la population visée par les travaux.

Comme il a été mentionné précédemment, l’applicabilité des études portant sur les modèles animaux est contestée par certains étant donné, notamment, des différences sur le plan de la mise en place de la réponse immunitaire. Par ailleurs, les données scientifiques disponibles ne permettent pas d’évaluer la proportion de personnes qui présentent des symptômes systémiques généraux et persistants sans antécédent de maladie de Lyme avérée, qui seraient infectées par les bactéries du complexe

B burgdorferi s.l., mais seraient séronégatives. Compte tenu de ces éléments ainsi que du peu d’études portant sur les humains et de leurs limites méthodologiques, le niveau de preuve scientifique a été jugé insuffisant.

Perspective et recommandations des sociétés savantes et des agences d’évaluation des technologies

Aucun des documents retenus n’a abordé spécifiquement la capacité des bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. d’interférer avec la réponse immunitaire humorale. Toutefois, le Tick-Borne Disease Working Group [TBDWG, 2020a], constate que les tests

sérologiques sont souvent insensibles et fréquemment négatifs chez les personnes atteintes de ce qu’ils nomment la maladie de Lyme persistante. De plus, l’International Lyme and Associated Diseases Society, la Haute Autorité de Santé et les sociétés suisses d’infectiologie et de neurologie ont mentionné que des troubles du système immunitaire peuvent être à l’origine de la persistance des symptômes observée chez certaines personnes [HAS, 2018b; Nemeth et al., 2016; Cameron et al., 2014].

En résumé, malgré une plausibilité biologique et la disponibilité de données dans les modèles animaux suggérant que les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. peuvent avoir un effet sur la production d’anticorps, les preuves scientifiques concernant les humains sont limitées. Les données scientifiques disponibles ne permettent pas d’évaluer la proportion de personnes qui présentent des symptômes systémiques généraux et persistants sans antécédent de maladie de Lyme avérée, qui seraient infectées par les bactéries du complexe B burgdorferi s.l., mais seraient séronégatives.

Les organisations qui publient des recommandations n’abordent pas spécifiquement la capacité des bactéries du complexe

B. burgdorferi s.l. d’interférer avec la production d’anticorps, mais

peuvent être observés chez les personnes qui présentent des symptômes systémiques généraux et persistants.

4.2.2. Évasion du système immunitaire