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4. HYPOTHÈSES RELATIVES À LA PLAUSIBILITÉ QUE LA MALADIE DE LYME SOIT À

4.1.1. Dommages causés par l’infection

De façon générale, les bactéries causent des dommages à l’organisme de façon directe en perturbant la fonction des cellules de l’hôte et de façon indirecte via la réponse inflammatoire et immune. Dans le premier cas, les perturbations sont induites par des toxines qui peuvent affecter l’intégrité des cellules ou perturber la fonction de certaines protéines clés. Dans le deuxième cas, les dommages cellulaires sont causés par une réponse inflammatoire persistante dont les résultats peuvent affecter la fonction de certaines cellules de l’hôte ou même créer des lésions tissulaires. Les dommages

création de complexes immuns qui causent une réaction inflammatoire aigüe ou par le fait que les anticorps produits contre les antigènes bactériens réagissent de façon

croisée avec certains tissus de l’hôte et amorcent un processus auto-immun [Pottinger et al., 2014; Casadevall et Pirofski, 2009].

Puisque les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. ne produisent pas de toxine et ne contiennent pas de lipopolysaccharide [Fraser et al., 1997; Takayama et al., 1987;

Barbour et Hayes, 1986], il est généralement admis que les dommages cellulaires et tissulaires causés par ces bactéries sont induits par la réponse inflammatoire et le système immunitaire [Kerstholt et al., 2020; Brodzinski et Nasierowski, 2019; Locke, 2019; Haake et Zuckert, 2018].

Plusieurs études portant sur les humains traitent de la différence des profils de protéines pro-inflammatoires et anti-inflammatoires dans le contexte de la maladie de Lyme et de symptômes qui persistent après l’antibiothérapie [Lochhead et al., 2019; Lochhead et al., 2017; Aucott et al., 2016; Uhde et al., 2016; Strle et al., 2014; Amedei et al., 2013; Jacek et al., 2013; Katchar et al., 2013; Sjowall et al., 2011; Kisand et al., 2007; Shin et al., 2007]. De plus, une étude portant sur des enfants atteints d’arthrite de Lyme a récemment démontré que l’injection intra-articulaire d’un glucocorticoïde comme

traitement de deuxième intention était associée à une résolution rapide des symptômes et à une réduction du recours à un traitement additionnel comparativement aux enfants qui ont reçu une antibiothérapie de deuxième intention [Horton et al., 2019].

Des études conduites in vitro et sur des souris suggèrent que la réponse inflammatoire observée chez les personnes atteintes d’arthrite de Lyme qui présentent des symptômes persistants après le traitement pourrait être stimulée par la présence de débris bactériens [Garcia-Monco et Benach, 2019; Wormser et al., 2012]. D’ailleurs, la présence de tels débris a été mise en évidence dans le cartilage de l’oreille et les articulations chez des souris. La transplantation des tissus contenant ces débris bactériens dans des souris naïves n’a pas donné lieu à une infection active, mais elle a plutôt mené à la production d’IgG reconnaissant des antigènes de B. burgdorferi. De plus, un homogénat de ces tissus a stimulé la production de TNF-α dans des macrophages murins [Bockenstedt et al., 2012]. Une expérience similaire portant sur des cellules neurales humaines a démontré que les débris bactériens du complexe B. burgdorferi s.l. produisaient une réponse inflammatoire plus importante que les bactéries vivantes [Greenmyer et al., 2018]. La revue de la littérature n’a pas permis de repérer d’études portant sur l’humain qui auraient permis d’apprécier le lien de causalité entre la présence de tels débris, l’induction de la réponse inflammatoire et la persistance des symptômes. Toutefois, une étude portant sur des personnes qui présentaient des symptômes qui perduraient après une antibiothérapie pour traiter l’arthrite de Lyme suggère que la persistance du

peptidoglycan bactérien (composant majeur de la paroi cellulaire) pourrait contribuer à la réponse inflammatoire observée durant l’infection et après le traitement de l’arthrite [Jutras et al., 2019]. Les auteurs de cette étude ont démontré que le peptidoglycan des bactéries du complexe B. burgdroferi s.l. a une composition chimique atypique et qu’il est libéré au lieu d’être recyclé pendant la régénération de la paroi cellulaire. Sa présence a été détectée dans le liquide synovial des patients avant et après le traitement, et

réponse pro-inflammatoire dans des cellules mononuclées du sang périphérique humain et a déclenché une arthrite aigüe dans un modèle murin [Jutras et al., 2019].

D’autres études portant sur des personnes atteintes d’arthrite de Lyme suggèrent qu’une réaction auto-immune pourrait être à l’origine de la persistance de symptômes après le traitement [Bamm et al., 2019; Steere et al., 2001]. Une étude a démontré qu’un épitope de la protéine bactérienne OspA (de l’anglais outer surface protein A) avait une

séquence homologue à celle d’une région de la protéine hLFA-1 (de l’anglais human leukocyte function-associated antigen-1). Il a ensuite été démontré que cette région de l’hLFA-1 pouvait produire une réponse immunitaire similaire à celle produite par l’OspA, même après la fin du traitement antibiotique [Trollmo et al., 2001; Gross et al., 1998].

Une telle réaction croisée entre OspA et hLFA-1 n’a toutefois pas été observée dans un contexte de maladie de Lyme dite chronique [Kalish et al., 2003]. Depuis ces travaux, d’autres études ont repéré des protéines de l’hôte possiblement impliquées dans des réactions auto-immunes dans le contexte de l’arthrite de Lyme (p. ex. [Crowley et al., 2016; Pianta et al., 2015; Londono et al., 2014]). L’étude de Londono [2014] est

particulière, puisqu’elle suggère une association entre un auto-anticorps anti-ECGF (de l’anglais endothelial cell growth factor) et des lésions microvasculaires oblitérantes chez certaines personnes atteintes d’arthrite de Lyme et qui présentaient des symptômes persistants après le traitement. Toutefois, cette étude a été menée sur un petit groupe de patients et sa validation n’a pas été trouvée par la recherche de la littérature. De plus, la nature auto-immune de ces anti-ECGF est remise en question, puisqu’il n’y a pas de protéine bactérienne connue qui aurait une séquence partageant une forte homologie avec une partie de la séquence d’ECGF et qu’une autre étude a constaté que la

réactivité contre ECGF des personnes qui présentaient des symptômes persistants après le traitement était similaire à celle des personnes qui n’avaient plus de symptômes après le traitement [Tang et al., 2015]. La présence d’auto-anticorps dirigés contre des

protéines du système nerveux a aussi été mise en évidence dans le contexte de la persistance des symptômes après un traitement antibiotique [Brodzinski et Nasierowski, 2019; Chandra et al., 2010; Fallon et al., 2010]. Bien que diverses études appuient l’existence de réactions auto-immunes chez les personnes infectées par les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l., aucune des études repérées ne permet d’associer

directement ces réactions aux symptômes et à la gravité de la maladie.

Une étude récente portant sur douze personnes qui présentaient des symptômes

persistants (fatigue et au moins un trouble cognitif) a démontré une plus forte expression d’un marqueur d’activation du système immunitaire dans différentes régions cérébrales comparativement à l’expression observée chez une cohorte historique de témoins. Bien que cette étude appuie l’hypothèse d’un dérèglement du système immunitaire au niveau du système nerveux central, elle comporte des limites méthodologiques qui empêchent l’établissement de la relation entre l’activation immune et les troubles cognitifs observés chez les personnes incluses [Coughlin et al., 2018].

Étant donné les limites méthodologiques des études retenues et le fait qu’elles ne

permettent pas d’apprécier convenablement le lien causal entre l’induction de la réponse

B. burgdorferi s.l. et la persistance des symptômes après l’antibiothérapie, le niveau de preuve scientifique été jugé insuffisant.

Perspective et recommandations des sociétés savantes et des agences d’évaluation des technologies

Selon les sociétés suisses d’infectiologie et de neurologie, la Haute Autorité de Santé et l’International Lyme and Associated Diseases Society, le mécanisme pathogénique responsable de la persistance des symptômes après une antibiothérapie n’a pas encore été identifié, mais une réaction inflammatoire induite par des débris bactériens et un dérèglement du système immunitaire provoquant des réactions auto-immunes sont deux possibilités envisagées [HAS, 2018b; Nemeth et al., 2016; Cameron et al., 2014].

Pour sa part, l’Infectious Diseases Society of America reconnaît que des symptômes peuvent persister après un traitement chez certaines personnes atteintes de la maladie de Lyme, mais elle n’aborde pas leur étiologie autrement qu’en indiquant qu’ils seraient dus à une variété de facteurs [Lantos et al., 2021].

En résumé, bien qu’il soit généralement admis que des dommages cellulaires et tissulaires causés par les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. sont induits par la réponse inflammatoire et le système immunitaire, leur association avec la persistance des symptômes après un traitement antibiotique a été très peu étudiée.

Certaines études repérées suggèrent que la réponse inflammatoire pourrait être stimulée par des débris bactériens et la persistance du peptidoglycan bactérien chez les personnes présentant des symptômes qui perdurent après une antibiothérapie, mais très peu de preuves scientifiques chez l’humain sont disponibles à cet égard. D’autres études appuient l’existence de réactions auto-immunes chez les personnes infectées par les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l., mais aucune des études repérées n’a permis d’associer directement ces réactions aux symptômes et à la gravité de la maladie. L’état actuel des connaissances scientifiques ne permet donc pas de confirmer ou d’infirmer que les dommages cellulaires et tissulaires induits par les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. sont à l’origine des

symptômes persistants chez les personnes qui ont un antécédent de maladie de Lyme avérée.

Certaines organisations qui publient des recommandations sont d’avis que les dommages cellulaires et tissulaires induits par les bactéries pourraient être la cause des symptômes observés chez cette clientèle, alors que d’autres ne se prononcent pas spécifiquement sur le sujet.

4.1.2. Survie des bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. à l’antibiothérapie