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4. HYPOTHÈSES RELATIVES À LA PLAUSIBILITÉ QUE LA MALADIE DE LYME SOIT À

4.2.3. Infection par les bactéries du genre Borrelia, qui n’est pas détectable avec les

4.2.3.1. État des connaissances scientifiques

Les bactéries du genre Borrelia sont des bactéries spiralées motiles de la classe Spirochaetae. Les différentes génoespèces sont généralement subdivisées en trois regroupements : le complexe B. burgdorferi s.l. dont certaines génoespèces causent la maladie de Lyme (22 génoespèces), le complexe des bactéries causant la fièvre

récurrente (29 génoespèces) et un complexe qui renferme quelques autres génoespèces récemment découvertes et encore peu connues. Ces dernières n’ont pas été rapportées dans des cas d’infection humaine jusqu’à présent [Cutler et al., 2017]. Avec l’avancement des technologies de séquençage, de nouvelles génoespèces du genre Borrelia sont identifiées, par exemple B. maritima qui serait un nouveau membre du complexe des B. burgdorferi s.l. [Margos et al., 2020].

Il est véhiculé au sein des sites Web des groupes d’intérêts et dans différents médias sociaux qu’il existerait plus de 100 souches de Borrelia en Amérique du Nord et plus de 300 souches dans le monde. Toutefois, la revue de la littérature réalisée par l’INESSS n’a pas permis de confirmer cette information. Il est cependant admis qu’il existe différentes souches de bactéries d’une même génoespèce.

Bactéries du complexe B. burgdorferi s.l.

Parmi les génoespèces de bactéries du complexe B. burgdorferi s.l., au moins dix ont été observées en Amérique du Nord, soit Borrelia burgdorferi s.s., B. americana,

B. andersoni, B. bissetti, B. californiensis, B. carolinensis, B. garinii, B. kurtenbachii, B. laneii et B. mayonii [Rose et al., 2019; Stone et al., 2017]. Il est reconnu que l’agent étiologique principal de la maladie de Lyme en Amérique du Nord est la génoespèce B. burgdorferi s.s., mais la pathogénicité de B. bissetti et de B. mayonii est aussi

reconnue [Rose et al., 2019; Stone et al., 2017] (tableau 4). Bien que la pathogénicité de B. garinii soit reconnue en Europe, le fait qu’elle ait été repérée dans une espèce de tique qui ne pique pas l’humain en Amérique du Nord fait en sorte que des études additionnelles sont requises pour connaître son impact sur la maladie de Lyme

contractée sur le continent américain [Smith et al., 2006]. Des études additionnelles sont aussi nécessaires pour statuer à propos de la pathogénicité de la majorité des autres bactéries du complexe observées en Amérique du Nord.

Tableau 4 Génoespèces du complexe Borrelia burgdorferi s.l. présentes en Amérique du Nord

ESPÈCE VECTEUR

(TIQUES NON ASSOCIÉES À LA MALADIE DE LYME) PATHOGÉNICITÉ CHEZ L’HUMAIN B. burgdorferi s.s I. scapularis, I. pacificus, I. ricinus Oui

B. bissettii I. scapularis, I. pacificus, I. ricinus, (I. minor) Oui

B. mayonii I. scapularis Oui

B. garinii (I. uriae) Incertain1

B. andersonii I. scapularis, (I. dentatus) Possible2

B. americana I. pacificus, (I. minor) Possible2

B. kurtenbachii I. scapularis Possible2

B. californiensis I. pacificus, (I. jellisonii), (I. spinipalpis) Non

B. carolinensis (I. minor) Non

B. lanei I. pacificus Incertain

Sources : Margos et al., 2017; Stone et al., 2017; Nelder et al., 2016; Smith et al., 2006.

1 La pathogénicité de B. garinii est reconnue en Europe, mais des études additionnelles sont requises en Amérique du Nord étant donné que la tique impliquée dans son cycle enzootique n’est pas reconnue pour piquer les humains [Smith et al., 2006].

La pathogénicité de ces génoespèces n’est pas encore reconnue; toutefois, elles ont été trouvées dans des échantillons humains [Clark et al., 2014; Clark et al., 2013].

Les génoespèces du complexe B. burgdorferi s.l. partagent un chromosome linéaire hautement conservé, mais elles possèdent aussi plusieurs plasmides linéaires et circulaires qui varient en séquences et en nombre d’une espèce à l’autre [Steere et al., 2016; Petzke et Schwartz, 2015]. Ces différences plasmidiques sont entre autres à l’origine de différences sur le plan de la séquence des protéines de la membrane externe des bactéries. Ces dernières ont différents rôles à jouer lors de l’infection et elles sont des cibles pour les anticorps développés par le système immunitaire de l’hôte [Hyde, 2017; Kraiczy, 2016; Oosting et al., 2016]. D’ailleurs, les tests sérologiques utilisés dans le processus diagnostique de la maladie de Lyme évaluent la présence d’anticorps contre ce type de protéines.

Dans le cas des trois génoespèces de bactéries du complexe les plus étudiées (B. burgdorferi s.s., B. afzelli et B. garinii), la différence de séquence des protéines bactériennes est assez grande pour que des tests sérologiques différents soient utilisés

[INESSS, 2021a; INESSS, 2019d]. Il existe très peu de renseignements relativement à la réponse anticorps produite à la suite d’une infection par les autres génoespèces de bactéries du complexe. L’histoire d’un cas inclus dans une étude repérée suggère que les tests sérologiques utilisés pour détecter la présence d’anticorps dirigés contre B. burgdorferi s.s. seraient inadéquats pour détecter la présence d’anticorps dirigés contre B. bissetti [Rudenko et al., 2016] alors que, selon les Centers for Disease Control and Prevention, il semble que ces tests soient adéquats pour détecter la présence d’anticorps dirigés contre B. mayonii9.

Complexe des bactéries causant la fièvre récurrente

Globalement, les génoespèces du complexe des bactéries causant la fièvre récurrente ont des différences notables au point de vue de leur ADN, et donc de leurs protéines, comparativement aux bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. Toutefois, deux génoespèces partagent de plus grandes similitudes avec les bactéries de ce dernier complexe, soit B. lonestari et B. miyamotoi. Elles se distinguent des autres génoespèces de leur complexe par le fait qu’elles sont transportées par des tiques à carapace dure comme les bactéries qui causent la maladie de Lyme. Alors que la pathogénicité de B. lonestari est controversée, les caractéristiques de l’infection par B. miyamotoi sont reconnues pour chevaucher celles de la maladie de Lyme [Cutler et al., 2017; Stone et al., 2017].

Selon les données disponibles dans la littérature, les tests sérologiques utilisés pour détecter la présence d’anticorps dirigés contre les protéines de B. burgdorferi s.s. ne peuvent pas déceler la présence d’anticorps dirigés contre les protéines de B. lonestari [James et al., 2001; Masters et al., 1998]. Cependant, dans le contexte d’une infection par B. miyamotoi, il semble que l’ELISA dont l’antigène est un peptide synthétique de la protéine VlsE (ELISA C6) peut détecter la présence d’anticorps, mais pas le test

d’immunobuvardage (résultat négatif pour la sérologie à deux volets) [Koetsveld et al., 2020; Molloy et al., 2018].

Une étude récente a démontré que, parmi 824 patients qui présentaient des symptômes systémiques persistants compatibles avec l’entité clinique que la Haute Autorité de Santé nomme symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique [HAS, 2018b], 43 (5,2 %) patients avaient un résultat de PCR positif pour B.

miyamotoi alors que 6 (0,7 %) patients avaient un résultat de PCR positif pour les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. et 3 (0,4 %) avaient un résultat de PCR positif pour B. hermsii, une autre génoespèce du complexe des bactéries qui causent la fière récurrente [Franck et al., 2020].

Très peu d’études ont abordé la valeur diagnostique de tests sérologiques nord-américains pour confirmer une infection causée par les génoespèces de bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. autres que les trois principales, et encore moins pour les autres bactéries du genre Borrelia. À l’exception d’une seule, les études ont porté sur un

9 Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Lyme Disease – What you need to know about Borrelia

petit nombre de participants. Les données disponibles ne permettent pas d’évaluer la proportion de personnes qui présentent des symptômes systémiques généraux et persistants sans antécédent de maladie de Lyme avérée et qui seraient infectées par les bactéries du complexe B burgdorferi s.l., mais seraient séronégatives. Une seule étude a permis d’apprécier la relation entre des génoespèces de bactéries du complexe de la fièvre récurrente et la persistance de symptômes chez des personnes sans antécédent de maladie de Lyme avérée, mais ces bactéries sont considérées comme des infections distinctes de la maladie de Lyme par plusieurs organisations qui publient des

recommandations. Pour l’ensemble de ces raisons, le niveau de preuve scientifique a été jugé insuffisant.

4.2.3.2. Perspective et recommandations des sociétés savantes et des agences d’évaluation des technologies

Aucun des documents retenus n’a abordé la diversité des génoespèces de bactéries du genre Borrelia, leur distribution ou leur impact sur les tests sérologiques actuellement disponibles.

En résumé, au moins dix génoespèces de bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. ont été observées en Amérique du Nord. Elles sont toutefois distribuées inégalement sur le territoire et ne sont pas toutes pathogènes pour l’humain selon l’état actuel des connaissances.

Les tests sérologiques nord-américains détectent le principal agent étiologique de la maladie de Lyme au Québec. Peu d’études

concernant la valeur diagnostique des tests sérologiques pour détecter l’infection par les autres génoespèces du complexe ont été repérées, et celles disponibles suggèrent une sensibilité des tests plus faible pour ces génoespèces. Par ailleurs, d’autres bactéries du genre Borrelia sont présentes en Amérique du Nord, dont B. miyamotoi et B. lonestari.

Les tests sérologiques actuels utilisés dans le contexte de la maladie de Lyme ne détectent pas l’infection par B. lonestari, et seul l’ELISA semble pouvoir détecter l’infection par B. miyamotoi (résultat négatif pour la sérologie à deux volets). Les données disponibles ne

permettent pas d’évaluer la proportion de personnes qui présentent des symptômes systémiques généraux et persistants sans antécédent de maladie de Lyme avérée qui seraient infectées par les bactéries du complexe B. burgdorferi s.l., mais seraient séronégatives. Une étude suggère qu’une petite proportion des personnes qui ont de tels symptômes pourraient être infectées par d’autres bactéries du genre Borrelia.

Les organisations qui publient des recommandations n’abordent pas la diversité des génoespèces de bactéries du genre Borrelia et leur impact sur les tests sérologiques.

4.2.4. Transmission des bactéries du complexe B. burgdorferi s.l. autrement que