• Aucun résultat trouvé

Le principe de l'interdiction du déni de justice formel, dégagé par la juris-prudence de l'article 29, alinéa 1, Cst., comprend la prohibition de tout formalisme excessif196. Un tel formalisme existe lorsque la stricte applica-tion des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique sans raison objective la réali-sation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux 197. En revanche, les formes procédurales, qui sont nécessaires dans la mise en œuvre des voies de droit, pour assurer le déroulement de la procédure conformément au principe de l'égalité de traitement ainsi que pour garantir l'application du droit matériel sont admises 198.

Pour admettre le caractère excessif dans un cas particulier, il faut donc pro-céder à une pesée des intérêts entre la nécessité d'assurer le déroulement régulier des procédures conformément à l'égalité de traitement et à l'exigence de sécurité du droit matériel, d'une part, et les intérêts privés ou publics qui seraient lésés par une application trop stricte des règles de pro-cédure, d'autre part199.

195 ATF 128 II 328.

196 En général, voir GRISEL (1984), p. 371; HAFELIN, MÜLLER, UHLMANN (2006), n° 1661 ss; KNAPP (1991), n° 638 ss; MOOR (2002), p. 230 ss.

197 ATF 128 II 139 (142).

198 SJ 2005 I 11112; Arrêt du Tribunal administratif fédéral du 14 août 2012 (A-514/2011), consid. 3.3.1. et 3.3.2.

199 ATF 113 la 85 (87); ATF 114 la 34 (40-41).

Le Tribunal fédéral a également déduit du principe de l'interdiction du

~ rmalisme excessif le devoir pour les autorités et juridictions d'informer

d~office

la personne qui s'apprête à commettre un vice de procédure, pour utant que le vice soit aisément reconnaissable et qu'il puisse être réparé à

a l' ' h' d d 'l . d ?OO

temps, soit avant ec eance u e a1 e recours- .

E. Le

droit d'être entendu J. Le principe

Le droit d'être entendu201 est garanti à l'article 29, alinéa 2, Cst. Il com-prend notamment le droit pour l'intéressé d'être informé de l'objet de la procédure, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves perti-nentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la déci-sion à rendre202. Ce droit s'applique tant pour la prise de décisions finales qu'incidentes, notamment de mesures provisionnelles203.

Le droit d'être entendu porte avant tout sur les questions de fait et com-prend le droit de se déterminer sur les éléments invoqués par l'administration. Les parties doivent éventuellement aussi être entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée entend se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonna-blement prévue par les parties, lorsque la situation juridique a changé ou lorsqu'il existe un pouvoir d'appréciation particulièrement large204. En règle générale, le droit d'être entendu ne donne en revanche pas le droit de

200 ATF 94 I 524 (525); ATF 124 II 265 (270).

201 En général, voir GRISEL (1984), p. 373 ss; HAFELIN, MÜLLER, UHLMANN (2010), n° 1672 ss; KNAPP (1991), n° 652 ss; MOOR, POLTŒR (2011), p. 312 ss; TSCHANNEN, ZIMMERLI, MÜLLER (2009), p. 274 ss; TANQUEREL (2011), n° 1526 SS.

202 Art. 29-33b PA; ATF 137 II 266 (270-271); ATF 135 II 286 (293); ATF 127 II 54 (56).

203 Arrêt du Tribunal administratiffédéral du 19 octobre 2009 (2009/61 ), c. 4.

204 Arrêt du Tribunal fédéral du 20 avril 2005 (2P.240/2004), c. 2.2; ATF 127 V 431 (434).

s'exprimer sur un projet de décision pns à l'issue d'une procédure d'instruction 205.

Du droit d'être entendu découle, selon le Tribunal fédéral, un droit à la ré-plique dans les procédures administratives, soit le droit de s'exprimer sur les observations présentées au tribunal par les parties adverses, les instances inférieures et autres autorités206. Il appartient à la partie qui entend se pré-valoir de ce droit de le faire sans délai, mais au plus tard lorsque la juridiction l'informe que la cause est gardée à juger, ce qui signifie que l'instruction est close en droit genevois207.

Le droit d'être entendu découlant de l'article 29, alinéa 2, Cst., ne com-prend pas le droit de s'exprimer oralement. Il ne permet pas plus d'obtenir l'audition de témoins ou d'exiger des mesures d'instruction si l'autorité ou la juridiction saisie estime que l'acte requis porte sur un fait dépourvu de pertinence ou qu'il soit inapte à faire apparaître la vérité quant au fait en cause. En effet, l'autorité ou la juridiction peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une apprécia-tion anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion208. Le re-courant qui estimerait que son droit d'être entendu serait violé, car le Tribunal mettrait un terme à l'instruction sans qu'il soit donné suite à ses offres de preuve doit se manifester immédiatement. Le principe de la bonne foi oblige notamment celui qui constate un prétendu vice de procédure à le signaler immédiatement, à un moment où il pourrait encore être corrigé, et lui interdit d'attendre en restant passif afin de pouvoir s'en prévaloir ulté-rieurement devant l'autorité de recours. En conséquence, le recourant qui estime que des preuves supplémentaires sont nécessaires doit le faire savoir au tribunal au plus tard dès qu'il est informé de la clôture de l'instruction, notamment en indiquant l'identité des témoins dont il aurait souhaité l'audition209.

205 ATF 129 II 497 (504-505).

206 ATF 133 198; ATF 132142; SJ 2007 1487.

207 ATF 138 I 154/156-157; Arrêt du Tribunal fédéral du 3 mars 2010 (8D.4/2009), c. 5.2.

208 ATF 130 II 425 (428-429).

209 Arrêt du Tribunal fédéral du 3 mars 2010 (8D.4/2009), c. 5.3.

Le droit d'être entendu doit être suivi d'effets. Il appartient à l'autorité ad-jnistrative d'examiner l'argumentation développée par l'administré dans :s déterminations. L'article 32 PA spécifie qu'avant« de prendre la déci-sion, l'autorité apprécie tous les allégués importants qu'une partie a avancés en temps utile» et qu'elle peut «prendre en considération des al-légués tardifs s'ils paraissent décisifs ».

Lorsque le nombre de parties est élevé ou non déterminable, l'exercice du droit d'être entendu peut être organisé sous la forme de la publication de la requête de décision ou du projet de décision, accompagnée de la possibilité de consulter sa motivation210Cette procédure d'enquête publique peut être réservée à toutes les personnes ayant un intérêt digne de protection leur donnant la qualité pour recourir contre l'acte en cause; elle peut également être utilisée de manière plus large, sans référence à un éventuel lien avec l'objet de la consultation.

Le droit cantonal peut donner des droits supplémentaires au justiciable par rapport à cette garantie minimale. A l'inverse, le droit être entendu peut être limité, voire supprimé lorsque cela est justifié par un intérêt public pré-pondérant ou par l'économie de la procédure. L'article 30, alinéa 2, PA l'autorise pour la prise des décisions incidentes qui ne sont pas séparément susceptibles de recours (littera a), des décisions susceptibles d'être frappées d'opposition (littera b ), des décisions dans lesquelles elle fait entièrement droit aux conclusions des parties (littera c), des mesures d'exécution (littera d), et d'autres décisions dans une procédure de première instance lorsqu'il y a péril en la demeure, que le recours est ouvert aux parties et qu'aucune disposition du droit fédéral ne leur accorde le droit d'être entendues préala-blement (littera e ).

2. La réparation de la violation du droit d'être entendu

Le Tribunal fédéral admet à certaines conditions la possibilité de réparer, après coup, une violation du droit d'être entendu, en particulier lorsque la décision entachée de ce vice est couverte par une nouvelle décision qu'une autorité supérieure -jouissant d'un pouvoir d'examen aussi étendu - a

pro-210 Art. 30a PA.

noncée après avoir donné à la partie lésée la possibilité d'exercer effecti-vement son droit d'être entendu211.

On admet que l'autorité de recours a le même pouvoir que l'autorité qui a commis la violation si l'autorité de recours a un pouvoir d'examen complet sur les faits, le droit et l'opportunité ou si l'autorité de recours ne revoit que les faits et le droit, mais que la question de l'opportunité ne se posait pas pour l'autorité qui a commis la violation ou que le droit d'être entendu a été violé sur un point qui ne relève pas de l'opportunité.

Lorsque la violation est irréparable212, la sanction est à tout le moins l'annulation de la décision en cause. Parfois, l'autorité de recours peut es-timer que la sanction doit être la nullité de la décision en cause.