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La compétence et la composition correcte de l'autorité 1. L'examen d'office de la compétence

Les règles en matière de compétence sont impératives en droit administra-tif. Un accord des parties ne peut y déroger, sauf si la loi le prévoit expressément -ce qui est rarissime en droit public. Il en découle, qu'un

ac-129 Voir, par exemple, l'article 57, alinéa 1, PA; BOY A Y (2000), p. 152-154.

130 MOOR, POLTIER (2011), p. 287-288.

131 Voir, par exemple, ATF 120 lb 351 (354).

cord entre parties ou en une autorité et une partie132 ne peut pallier l'incompétence d'une autorité133; la nature impérative des règles de compé-tence interdit l'interdiction de la prorogation de for. Ce principe vaut aussi bien en procédure contentieuse que dans la phase administrative préconten-tieuse 134.

En matière de décision, les règles attributives de compétence, telles qu'elles sont fixées par une loi ou une ordonnance, sont donc impératives, sauf si une disposition spéciale ou une norme générale prévoit la faculté d'y déro-ger.

Une autorité administrative doit examiner d'office sa compétence135. Si l'autorité se sait incompétente pour traiter de la question dont elle est saisie elle transmet sans délai l'affaire à l'autorité compétente136. Ce devoir d~

transmission à l'autorité compétente est un principe général du droit qui s'applique à toutes les instances, afin d'éviter que le justiciable ou le recou-rant qui s'adresse à une fausse autorité subisse un préjudice137. Le Tribunal fédéral a jugé que les autorités administratives fédérales énumérées à l'article 1, alinéa 2, PA doivent respecter ce principe. Le Tribunal fédéral a indiqué que des exceptions étaient admissibles, mais ne les a pas spéci-fiées 138.

En revanche, si l'autorité a simplement des doutes sur sa compétence ou la compétence possible d'une autre autorité, elle ouvre immédiatement un échange de vues avec l'autorité qu'elle considère comme compétente139.

Au terme de cet échange, l'une des deux autorités doit se déclarer compé-tente. Si aucune des deux ne le fait, il y a alors un conflit négatif de

132 JAAC 60/1996, n° 9.9, p. 77-80.

133 Art. 7 al. 2 PA.

134 Voir, par exemple, RDAF 2004 I 647 (651-652).

135 Art. 7 al. 1 PA.

136 Art. 8 al. 1 PA.

137 ATF 121I93, c. le.

138

ATF 123 II 231, c. 8b.

139 Art. 8 al. 2 PA.

rnpétence140. Si toutes les deux sont compétentes, il en résulte un conflit

co ' 141

positif de competence

Au plan fédéral,, selon l'a~icle 9, aliné~ 3, PA, les ,conflits de comp~tence

ntre autorités, a l'exception des conflits de competence avec le Tnbunal

~édéral,

avec le Tribunal administratif fédéral ou avec des autorités canto-nales, sont tranchés par l'autorité de surveillance commune ou, si celle-ci fait défaut, par le Conseil fédéral.

2. La contestation de la compétence de l'autorité par une par-tie

Une partie peut également contester la position d'une autorité s'agissant de sa compétence.

Si la partie affirme que l'autorité saisie est compétente pour connaître du li-tige et que cette dernière se considère compétente, elle le constate dans une décision 142Si au contraire, elle se tient pour incompétente, elle rend une décision d'irrecevabilité143Cette hypothèse suppose que l'administré ait exprimé clairement sa volonté de tenir l'autorité saisie pour compétente ou, qu'eu égard aux circonstances du cas particulier, une telle volonté doive être reconnue par l'autorité. Le seul fait qu'une requête soit adressée à une autorité ne suffit pas, dès lors qu'à ce stade, la partie estime uniquement que celle-ci est compétente, sans pour autant l'affirmer. L'administré doit donc bien plutôt rendre reconnaissable sa volonté d'obtenir une décision de la part de l'autorité saisie144.

Dans les deux cas, selon la jurisprudence, quand une autorité ou un juge statue sur sa compétence par une décision incidente, on se trouve en

pré-140 Voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 décembre 2004 (U.70/03), c. 1.

141 Voir, par exemple, SJ 2003 I 273; RPW 1998 206.

142 Art. 9 al. 1 PA

143 Art. 9 al. 2 PA.

144 ATF 108 lb 540, c. 2.

sence d'une décision susceptible de causer un préjudice irréparable de na-ture formelle et idéale à celui qui la conteste145.

3. La composition régulière des autorités

En application de l'article 30, alinéa 1 Cst., le Tribunal fédéral a retenu que le justiciable avait un droit à ce que sa cause soit examinée par une autorité impartiale, statuant dans une composition correcte, exempte de préjugés et de parti pris, en l'absence de circonstances extérieures à la cause suscep-tibles d'influencer l'issue de la cause146.

En premier lieu, les administrés ont le droit d'attendre que les autorités et juridictions siègent dans la composition prévue par la loi 147. Cette règle s'applique aussi bien aux autorités collégiales qui doivent respecter des règles relatives à un quorum 148, qu'à toutes les autres autorités 149. Le droit à une composition correcte de l'autorité de première instance ou non-judiciaire est ancré à l'article 29, alinéa 1, Cst., alors que la composition

correcte de l'autorité judiciaire est prévue par l'article 30, alinéa 1, Cst150. Selon la jurisprudence rendue en application des articles 30 Cst. et 58 aCst., lorsqu'une autorité est constituée d'un nombre déterminé de membres, ces derniers doivent -sous réserve d'une réglementation dérogatoire -tous par-ticiper au jugement. L'autorité qui statue dans une composition incomplète commet un déni de justice formel 151.

En second lieu, l'article 30 Cst. interdit une application arbitraire des règles cantonales sur l'organisation et la composition des tribunaux, qui compren-nent les prescriptions relatives à la récusation des juges. Elle permet aussi,

145 ATF 131V43, c. 1.1.

146 ATF 1311113, c. 3; ATF 1261 168, c. 2; ATF 114 la 50, c. 3.

147 GRISEL (1984), p. 426; HAFELIN, MÜLLER, UHLMANN (2006), n° 1668 ss;

KNAPP (1991 ), n° 646 SS.

148 ATF 108 la 188 (192).

149 Par exemple la commission de recours de l'Église évangélique réformée du canton d'Argovie (ATF 127 1 128).

150 Arrêt du Tribunal fédéral du 28 juillet 2011 (2C_l87/2011), consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2011 (2C _ 794/2011 ), cons id. 3 .1.

151 ATF 129 V 325 (340).

. d 'pendarnment du droit cantonal, d'exiger la récusation d'un juge dont la

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·tuation ou le comportement est e nature a aire naitre un oute sur son

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1 partialité152. L'objectif est d'éviter que des circonstances extérieures à la imuse n'influence le jugement en faveur ou au détriment d'une partie.

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la récusation n'est pas simplement imposée lorsqu'une prévention effe~tive du juge est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée; il suffit que les ci.rc.o?stan~es donnent. l'apparence de la prévention et fassent redouter une activlte partiale du magistrat.

Toutefois, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives 153. Un motif de récusation ne peut résulter que de faits justifiant objectivement et raisonnablement la méfiance chez une personne réagissant normalement154. Pour en décider, il convient de prendre en compte les circonstances objectives qui, considérées par un homme raisonnable, donnent l'apparence de la prévention 155.

Le fait qu'un magistrat ait déjà agi dans une cause peut éveiller un soupçon de partialité. En conséquence, le cumul des fonctions n'est admissible que si le magistrat, en participant à des décisions antérieures relatives à la même affaire, n'a pas déjà pris position au sujet de certaines questions de manière telle qu'il ne semble plus à l'avenir exempt de préjugés et que, par conséquent, le sort du procès n'apparaisse plus indécis 156. À cet égard, le refus de l'assistance judiciaire en raison de l'absence de chances de succès ne constitue pas un motif de récusation 157. Pour se déterminer sur une éven-tuelle récusation, il faut tenir compte des faits, des particularités procédurales ainsi que des questions concrètes soulevées au cours des diffé-rents stades de la procédure158.

152 Voir, par exemple, l'article 34 LTF sur les causes de récusation devant le Tri-bunal fédéral.

153 ATF 128 V 82 (84).

154 ATF 111 la 259, c. 3a.

155 Arrêt du Tribunal adrninistratiffédéral du 9 mai 2007 (2007/5), c. 2.3.

156 ATF 131 1 24 (25-26).

157 Arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2011 (2C _ 794/2011 ), cons id. 3 .2.

158 ATF 1261168/169.

La commission par un magistrat ou une autorité administrative de vices de procédure n'est pas de nature à éveiller un doute sur son impartialité. En ef.

fet, même si elles sont établies, des erreurs de procédure ou d'appréciation commises par un juge ou un membre d'une autorité administrative ne suffi.

sent pas à fonder objectivement un soupçon de partialité. Les éventuels vices de procédure doivent être réparés dans le cadre des procédures de re-cours ordinaires; il n'appartient pas au juge de la récusation d'examiner la conduite de la procédure à la manière d'un organe de surveillance. Seules des erreurs de procédure particulièrement graves ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent donner lieu à récusa-tion 159.

La récusation d'un juge ne doit intervenir qu'exceptionnellement, pour des motifs importants, car elle entraîne une dérogation à la composition ordi-naire de la juridiction concernée 160De plus, seule une accusation grave et sérieuse, pourrait éventuellement autoriser le plaignant à soupçonner le juge de partialité161

Des principes similaires s'appliquent aux autorités administratives. Ils sont mis en œuvre de manière plus souple que pour les autorités judiciaires de façon à tenir compte des contraintes de fonctionnement auxquelles sont ex-posées les autorités administratives. La garantie d'impartialité d'une autorité administrative ne se confond ainsi pas avec la garantie d'impartialité d'un tribunal, dans la mesure où la première n'impose pas l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation d'autorités gouvernementales, administratives ou de gestion. Ces dernières assument en effet des tâches impliquant le cumul de fonctions diverses, qui ne pour-raient pas être séparées sans atteinte à l'efficacité de la gestion et à la légitimité démocratique et politique des décisions correspondantes. Un risque de partialité justifiant une récusation ne peut donc résulter que de circonstances particulières 162

Au plan fédéral, l'article 10 PA prévoit que les personnes appelées à rendre ou à préparer la décision doivent se récuser si elles ont un intérêt personnel

159 Arrêt du Tribunal fédéral du 5 mars 2004 (2P.58/2004), c. 2.3.

160 ATF 114 la 153 (156).

161 Arrêt du Tribunal fédéral du 14 août 2002 (lP.401/2002).

162 SJ 2010 I 122; ATF 125 I 209 (218).

d ns l'affaire, si elles sont le conjoint ou le partenaire enregistré d'une

par-ti~

ou mènent de fait une vie de couple avec elle, si elles sont parentes ou alliées d'une partie en ligne directe, ou jusqu'au troisième degré en ligne collatérale, si elles représentent une partie ou ont agi dans la même affaire Pour une partie ou encore, si, pour d'autres raisons, elles pourraient avoir

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une opinion preconçue ans a aire . ette em1ere ypot ese est une clause générale. Les circonstances de nature à donner l'apparence d'une opinion préconçue dans _une affaire pe~vent. consi_ster_ en un comportement subjectif de l'agent pubhc, ou en certams faits objectifs de fonct10nnement ou d'organisation. Une apparence suffit : la preuve et la certitude ne sont pas nécessaires, pour autant que le doute soit objectivement fondé164. Les décisions administratives étant généralement prises dans le cadre d'un processus de préparation impliquant la participation des collaborateurs de l'auteur formel de l'acte, ces derniers sont également visés par l'obligation de récusation, dans la mesure où ils accomplissent une activité d'une cer-taine importance dans la préparation de la décision, sans que cette activité ne soit de nature à influer sur le contenu de la décision165.

La personne visée par une demande de récusation ne doit pas statuer elle-même à ce propos 166 : l'article 10, alinéa 2, PA prévoit que la décision rela-tive à la demande de récusation est prise par l'autorité de surveillance ou, s'il s'agit de la récusation d'un membre d'un collège, par le collège en l'absence de ce membre. Toutefois, le juge ou le membre d'une autorité administrative dont la récusation est demandée peut participer à la décision à rendre à ce sujet lorsque la demande de récusation relève de procédés di-latoires et abusifs 167. Si la récusation de l'ensemble des membres d'une autorité collégiale est demandée et qu'aucune autre autorité ordinaire ne

163 Voir un cas d'application dans l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 28 mai 2008 (B-2240/2008), c. 4 et à la JAAC 70.75.

164 ATF 119 V 456; ATF 114 la 155, c. 3.

165

ATF 119 V 456. Voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal administratiffédéral du 28 janvier 2008 (2008/13), c. 10, dans lequel l'hostilité démontrée par l'unique collaborateur entrant en considération pour la prise de décision, a été un élé-ment pris en compte pour retenir une prévention de la part des membres de l'autorité de première instance.

166

ATF 122 Il 471, c. 2b.

167 ATF 114 la 278 (279).

peut assumer ses fonctions, cette autorité peut statuer sur la demande dont elle est saisie 168