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II. CADRE THEORIQUE

3. Les principes de base

3.2 L’interdépendance positive

3.2.1 Interdépendance positive liée aux résultats 21

Ce type d’interdépendance est centré sur « les raisons pour lesquelles les élèves travaillent ensemble. Il exige des membres du groupe qu’ils œuvrent à la réalisation d’un produit ou d’un objectif collectif » (Abrami et al., 1996, p. 77). L’interdépendance positive liée aux résultats comprend trois formes d’interdépendance : l’interdépendance liée aux objectifs, l’interdépendance liée aux récompenses et l’interdépendance liée aux forces extérieures.

Selon Johnson et Johnson (1987), l’interdépendance positive liée aux objectifs existe lorsque les membres du groupe œuvrent ensemble pour atteindre des objectifs

communs et s’assurent que tous les membres aient atteint les objectifs. En effet, les élèves « doivent non seulement apprendre le matériel, mais également s’assurer que tous les membres du groupe apprennent le matériel » (Buchs, 2002, p. 36). Abrami et al. (1996) rejoignent la définition donnée par les frères Johnson. Ils définissent cette interdépendance de la manière suivante :

L’interdépendance est liée aux objectifs quand tous les membres du groupe doivent œuvrer à la réalisation d’un objectif commun pour que le groupe réussisse. Lorsqu’un membre du groupe atteint son objectif, il aide ses camarades à atteindre le leur. (p. 77)

Selon Buchs et al. (2004), l’interdépendance positive liée aux objectifs est la seule indispensable dans un dispositif d’apprentissage coopératif. Les autres interdépendances positives peuvent venir renforcer cette dernière.

D’après Abrami et al. (1996), « il y a interdépendance liée aux récompenses quand tous les membres du groupe ont droit à la même reconnaissance pour avoir réalisé la tâche collective » (p. 77). Johnson et Johnson (1987) insistent sur le fait que la récompense doit être la même pour tous et que soit tous les membres du groupe reçoivent une récompense soit personne ne la reçoit. Ils soulignent également l’importance de ne pas donner de récompenses si les objectifs ne sont pas atteints.

Ainsi, les élèves devront se porter garant non seulement de leur efficacité mais également de celle de leurs camarades. Abrami et al. (1996) différencient les récompenses symboliques, sociales, liées à une activité ou tangibles.

Ces deux types d’interdépendance sont mis en valeur par des conceptions théoriques divergentes (Buchs, 2002). La première conception théorique (Damon, 1984 ; Johnson & Johnson, 1989, cités par Buchs 2002) considère que l’interdépendance positive liée aux objectifs suffirait à elle seule pour entraîner une cohésion sociale entre les membres du groupe et favoriserait ainsi les interactions constructives et un apprentissage de qualité. Dans ce cas, l’interdépendance positive liée aux récompenses ne serait pas nécessaire pour expliquer la réussite scolaire.

La deuxième conception théorique met davantage l’accent sur l’aspect motivationnel.

Elle suggère que les effets bénéfiques de la coopération seraient dus à l’interdépendance positive liée aux récompenses. Slavin (1995) et Murray (1994) (cités par Buchs, 2002) insistent sur l’importance de l’utilisation des récompenses pour rendre compte des bénéfices de l’apprentissage coopératif.

La troisième forme d’interdépendance positive liée aux résultats est l’interdépendance liée aux forces extérieures. Abrami et al. (1996) relèvent le fait que

« lorsqu’une équipe est menacée par une force extérieure, ses membres conjuguent habituellement leurs efforts pour éliminer la menace ou surmonter l’obstacle » (pp.

78-79). Johnson et Johnson (1987) soulignent que ce type d’interdépendance peut exister lorsque les groupes d’élèves sont placés en concurrence, en compétition les uns contre les autres. Les groupes tentent alors de rassembler leurs efforts afin de

battre les autres groupes et de gagner la compétition. Les forces extérieures peuvent être des personnes, comme le relèvent les frères Johnson, mais d’autres éléments peuvent également constituer des forces extérieures comme par exemple, le temps (Abrami et al., 1996). Ces forces doivent représenter un obstacle stimulant pour les élèves. Toutefois, celui-ci ne doit pas être insurmontable ou trop facile à surmonter.

« Une force extérieure trop facile à maîtriser ne constituera pas pour eux un véritable défi. Par contre, s’ils croient que l’obstacle est insurmontable, ils risquent d’éprouver de la frustration et d’abandonner » (Abrami et al., 1996, p. 79).

3.2.2 Interdépendance positive liée aux moyens

« Ce type d’interdépendance met l’accent sur la façon dont les élèves travaillent ensemble pour atteindre un objectif collectif » (Abrami et al., 1996, p. 79). Cette interdépendance fait en sorte que les membres du groupe dépendent les uns des autres. L’interdépendance liée aux moyens englobe, selon Abrami et al. (1996), cinq types d’interdépendance : l’interdépendance liée aux ressources, l’interdépendance liée à la tâche, l’interdépendance liée aux rôles, l’interdépendance liée à la communication et l’interdépendance liée au milieu.

Comme le relèvent Johnson et al. (1993), l’interdépendance liée aux ressources est caractérisée par le fait que chaque membre du groupe ne possède seulement qu’une partie des informations, du matériel ou des ressources nécessaires. Dans ce cas, les élèves doivent se partager le matériel à disposition afin de pouvoir réaliser la tâche.

« En d’autres mots, les ressources nécessaires à l’exécution de la tâche sont divisées de façon à empêcher qu’une seule personne ne fasse tout le travail » (Abrami et al., 1996, p. 79). Néanmoins, il est important de mettre assez de ressources à disposition des élèves afin qu’ils puissent « apporter leur contribution sans attendre trop longtemps » (Abrami et al., 1996, p. 79). Howden et Kopiec (2000) insistent également sur ce point car ils craignent que « le manque de ressource [puisse] entraîner chez les élèves une compétition pour leur utilisation » (p. 10).

D’après Johnson et Johnson (1989, cités par Buchs, 2002), « l’interdépendance des ressources seule ne serait pas bénéfique par rapport au travail individuel » (p. 45).

En effet, les élèves cherchent à obtenir « un maximum d’informations de la part de leurs camarades sans pour autant "perdre du temps" à fournir des informations » (Buchs, 2002, p. 45). Afin de retirer des bénéfices, l’interdépendance positive devrait être accompagnée de l’interdépendance liée aux objectifs.

Afin d’établir une interdépendance liée à la tâche, la tâche d’apprentissage doit être divisée de manière à ce que chaque membre du groupe ait une partie à réaliser.

Ainsi, chaque membre a sa part de responsabilité dans la tâche.

« L’interdépendance liée à la tâche convient particulièrement bien lorsque les membres du groupe possèdent un large éventail de capacités et que la tâche est

divisée en sous-tâches de difficultés variées ou qui exigent des talents variés » (Abrami et al., 1996, p. 79).

Afin de favoriser l’interdépendance liée à la tâche, il est conseillé de choisir une tâche qui se divise naturellement au lieu de donner une tâche qui peut être exécutée par une seule personne. En effet, comme le souligne Davidson (1998), l’apprentissage coopératif exige une tâche commune qui soit adaptée au travail en équipe. Si les élèves remarquent que la tâche peut être effectuée individuellement, ils « accepteraient mal de devoir collaborer à des tâches pour lesquelles le besoin de coopération a été artificiellement créé » (Abrami et al., 1996, p. 79).

Cette interdépendance de la tâche ne permet pas d’enseigner des matières ou savoirs structurés de manière hiérarchique. Il faut donc être attentif au fait que les élèves ne doivent pas maîtriser une notion avant de passer à l’autre car cela empêcherait les élèves d’acquérir toutes les compétences travaillées.

Il y a interdépendance liée aux rôles lorsque « les membres du groupes doivent assumer différentes responsabilités » (Abrami et al., 1996, p. 81). Chaque élève a un rôle précis à remplir afin de permettre au groupe d’atteindre son objectif et d’accomplir la tâche commune. Johnson et Johnson (1987) et Johnson et al., (1993) insistent sur l’importance que les rôles soient complémentaires et interconnectés, tels que liseur (reader), enregistreur (recorder), contrôleur de compréhension (cheker of understanding), etc. Abrami et ses collègues (1996, p. 81) distinguent trois types de rôles : des rôles fonctionnels (prendre des notes, lire), des rôles cognitifs (vérifier la compréhension, approfondir les idées, résumer) ou des rôles interpersonnels (veiller au calme, motiver, animer). L’attribution de rôles permettrait de faciliter le fonctionnement du groupe. Néanmoins, un travail en amont doit être fait avec les élèves avant d’introduire les rôles. Il est essentiel de bien définir chacun des rôles attribués aux élèves. Comme le soulignent Johnson et al. (1993), il est important de clarifier collectivement les comportements attendus de chaque rôle afin que les élèves sachent à quoi s’attendre des autres membres du groupe qui ont des rôles complémentaires.

L’interdépendance liée à la communication met l’accent sur la communication directe entre les membres du groupe afin d’exécuter la tâche et d’atteindre le but collectif. La communication est une composante essentielle de l’apprentissage coopératif. Shaw (1964, cité par Abrami et al., 1996, p. 81) affirme que celle-ci est au cœur même du processus de travail en groupe.

Si le groupe fonctionne bien, ses membres seront en mesure de communiquer facilement et efficacement entre eux. A l’opposé, les groupes inefficaces se caractérisent bien souvent par un manque de communication ou par une mauvaise communication entre leurs membres. (Abrami et al., 1996, p. 81).

L’interdépendance liée au milieu est la dernière manière d’instaurer une interdépendance positive liée aux moyens. Cette interdépendance peut être favorisée en « organisant le milieu physique de façon à encourager les interactions entre les élèves » (Abrami et al., 1996, p. 82). L’interdépendance liée au milieu doit être combinée avec d’autres types d’interdépendance positive car la proximité ne suffit pas normalement pour assurer une interdépendance au sein du groupe.

3.2.3 Interdépendance positive liée aux relations interpersonnelles

Il y a interdépendance positive liée aux relations interpersonnelles lorsque les élèves éprouvent le désir ou la responsabilité de travailler ensemble et de s’aider mutuellement.

Ce type d’interdépendance peut naître d’un sentiment d’amitié à l’endroit des partenaires, du fait que le travail en groupe est perçu comme agréable ou du désir d’aider les autres de façon désintéressée ou en retour d’une aide reçue dans le passé. (Abrami et al., 1996, p. 83).

Certaines activités permettent de renforcer la cohésion du groupe et de créer un climat de confiance favorable pour les apprentissages. Cela est dû au fait que les élèves apprennent à se faire confiance et se sentent plus proches les uns des autres. L’interdépendance liée aux relations interpersonnelles comprend deux types d’interdépendance (Abrami et al., 1996) : l’interdépendance liée à l’identité et l’interdépendance liée à la simulation.

Dans l’interdépendance liée à l’identité, « les membres du groupe se créent une identité collective en participant à des activités qui mettent en évidence les traits qu’ils ont en commun (par exemple, trouver un nom, un logo, une devise, etc. pour le groupe) » (Abrami et al., 1996, p. 83). Ce type d’interdépendance permettra de motiver davantage les élèves à travailler ensemble grâce à un renforcement des liens entre les membres du groupe.

En ce qui concerne l’interdépendance liée à la simulation, celle-ci consiste à

« proposer aux élèves une situation imaginaire dans laquelle ils doivent dépendre les uns des autres ou jouer un rôle différent de celui qu’ils jouent habituellement » (Abrami et al., 1996, p. 83). Ce type d’interdépendance permet de faire prendre conscience aux élèves qu’ils ont besoin des autres membres du groupe pour réaliser la tâche commune. Cela leur permettra d’acquérir un comportement plus coopératif et de faire évoluer leurs rapports avec leurs camarades.

3.3 La responsabilisation individuelle et collective

La responsabilisation individuelle et collective est le second principe de base essentiel à l’apprentissage coopératif. Abrami et al. (1996) relèvent le fait qu’il existe un lien étroit entre l’interdépendance positive et la responsabilisation : « si la première met en évidence la notion de complémentarité entre les membres du groupe, la seconde met l’accent sur les responsabilités de chaque individu dans cette relation » (Abrami et al., 1996, p. 86). Buchs et al. (2004), relèvent également l’existence d’une réciprocité entre l’interdépendance positive et la responsabilisation individuelle. En effet, « plus l’interdépendance positive entre les membres est perçue, plus la responsabilité personnelle serait importante et une forte responsabilité personnelle renforcerait la perception d’interdépendance positive entre les membres » (Buchs et al., 2004, p. 173).

La responsabilisation est tangible au sein d'une équipe lorsque les élèves se sentent responsables de leurs propres apprentissages mais également des apprentissages de leurs camarades. « Chaque élève se sent alors responsable du succès du groupe et y contribue par ses efforts » (Abrami et al., 1996, p.86) qui sont essentiels à l’atteinte des objectifs de l’équipe. La responsabilisation comprend deux aspects : un individuel où chaque élève est responsable de son apprentissage et un collectif où chaque élève a la responsabilité d’aider ses partenaires à apprendre.

Selon Buchs et al. (2004), « le sentiment de responsabilité personnelle pour coordonner les efforts en direction du but collectif, avec l’interdépendance positive, constituerait une des variables médiatrices clef des effets bénéfiques des dispositifs d’apprentissage coopératif » (pp. 172-173). Le fait de renforcer la responsabilisation individuelle permet d’augmenter l’investissement des élèves.

« Les spécialistes de l’apprentissage coopératif insistent sur la nécessité de responsabiliser chaque membre du groupe pour qu’il apporte sa juste contribution à l’œuvre collective » (Abrami et al., 1996, p. 23). Slavin (1983, cité par Buchs, 2002, p. 23) relève que, sans cette responsabilisation, le travail en groupe ne contribuerait pas à l’amélioration des apprentissages individuels. L’absence de responsabilisation peut engendrer certains dysfonctionnements tels que l’indolence sociale qui réduiraient la productivité des membres. « Par exemple, des élèves estimeront qu’ils n’ont pas à faire d’efforts puisque d’autres effectuent pratiquement tout le travail ; on appelle ces élèves des tire-au-flanc et leur comportement, l’indolence sociale » (Abrami et al., 1996, p. 87). D’autres termes sont employés par d’autres auteurs pour parler de ces problèmes. Pelgrims Ducrey (1996, p. 8) emploie les termes de

« cavalier libre » et de « parasite ». Le premier se produit lorsque les membres d’un groupe réduisent leur participation et laissent « la responsabilité du travail au membre qui est perçu comme plus performant et plus motivé » (Pelgrims Ducrey, 1996, p. 8). Le second désigne le désengagement d’un élève initialement impliqué et engagé dans l’activité « afin d’éviter que ses pairs ne profitent de lui en lui laissant toute la responsabilité du travail » (Pelgrims Ducrey, 1996, p. 8). Abrami et al. (1996)

relèvent le fait que « si les élèves croient que leur travail fait double emploi ou, pire, qu’il est mieux effectué par un autre membre du groupe, ils concluront que leur contribution n’est pas nécessaire et ils perdront toute motivation » (p. 87). Shepperd (1993, cité par Abrami et al., 1996, p. 87), a conclu également que « les membres du groupe feront moins d’efforts individuels s’ils croient que leur contribution est vaine, superflue ou trop coûteuse du point de vue de l’engagement » (p. 87).

Tout comme pour l’interdépendance positive, la responsabilisation peut être établie de trois manières distinctes présentées par Abrami et al. (1996, p. 89). La première est la responsabilisation liée aux résultats. Celle-ci s’assure que les élèves se sentent responsables des résultats de l’apprentissage individuel et que ces derniers soient clairement reconnaissables. La deuxième veille à ce que les moyens utilisés pour obtenir ces résultats exigent la participation de chaque individu. C’est ce que l’on nomme la responsabilisation liée aux moyens. Finalement, la troisième correspond à la responsabilisation liée aux relations interpersonnelles qui s’assure que les interactions entre les élèves sont organisées de façon à responsabiliser chacun d’entre eux.