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II. CADRE THEORIQUE

2. Co-élaborations non conflictuelles

2.1 La co-construction

Dans cette dynamique interactive, « l’un des deux sujets commence une action ou une phrase, reprise par l’autre qui poursuit ce qui est commencé, puis le premier prend le relais, et ainsi de suite » (Gilly, 1995, p.149). Les apprenants élaborent au fur et à mesure une solution à deux. Chacun paraît renforcer l’autre. Cependant,

« l’harmonie apparente n’exclut […] pas que les interventions de l’un puissent déstabiliser la démarche de l’autre et l’orienter vers une nouvelle solution » (Buchs, Lehraus & Butera, 2006, p.193). Dans ce type de co-élaboration, un élève est amené à formuler un argument, une suggestion ou un avis. Puis, l’autre approuve ce dernier et avance à son tour une idée. Nous pouvons également supposer qu’avant de s’accorder sur la solution, les élèves peuvent faire ressortir des interrogations ainsi que quelques éléments de réponse. Selon Gilly, Fraisse & Roux (2001), la co-construction serait bénéfique pour les apprentissages. Cependant, ces auteurs affirment que cette dynamique interactive serait plus bénéfique si les prises de parole de l’un pouvaient déstabiliser celles de l’autre et plus encore s’il y a confrontation des justifications.

Cette dynamique interactive souligne plusieurs types d’interactions dont les liens avec les apprentissages ont été mis en évidence par d’autres auteurs. Une de ces interactions est l’apport d’explications. Buchs et al. (2004) déclarent que « devoir expliquer à un autre apprenant permet de construire une signification commune de la situation (co-construction), favorise un enrichissement mutuel et améliore la compréhension. De même, Johnson et Johnson (1985, cité par Buchs et al., 2006) relèvent qu'au cours d'interactions spontanées « [...] la prise de parole active et l'apport d'explications sont bénéfiques pour l'apprentissage à long terme » (p. 185).

Les travaux de Webb (1985, citée par Buchs et al., 2006) soulignent que « [...] le fait d'apporter des explications est positivement relié à la performance, alors que donner une réponse terminale (donner directement la réponse correcte ou pointer une erreur sans donner d'explication) n'est pas relié à la réussite » (p. 185).

Webb (1980, citée par Webb & Sullivan Palincsar, 1996) souligne le fait que les élèves de niveau scolaire fort apportent plus d’explications que les élèves de niveau faible. Si les élèves de niveau fort donnent plus d’explications de manière spontanée et que les explications sont positivement liées aux apprentissages quel que soit le niveau des élèves, alors il serait intéressant de pousser les élèves de niveau scolaire faible à donner des explications. L’attribution de rôles pourrait constituer une piste.

En effet, en donnant un rôle aux élèves de niveau faible cela devrait les pousser à donner des explications et donc à être plus actifs. Cela leur permettrait de développer davantage leurs apprentissages.

Une étude de Spurlin, Dansereau, Larson et Brooks (1984, cité par Buchs et al., 2006) compare les performances d'étudiants qui devaient travailler en dyade et qui avaient, soit un rôle de responsable (résumer et expliquer les informations), soit un rôle d'écoutant (faciliter les explications données par le responsable). Dans le premier rôle, les élèves avaient pour tâche d’être actif. Dans le second, il s’agissait d’un rôle plus passif. Les résultats obtenus, dans le cadre de cette recherche, nous montrent que résumer et donner des explications est bénéfique pour l'apprentissage.

De plus, certains groupes ont alterné les deux rôles. Il s'avère que ce cas était également bénéfique pour les apprentissages, mais en plus il favorisait la motivation et l'investissement des étudiants à plus long terme.

Un autre type d’interaction présent dans cette dynamique interactive est le questionnement. En se basant sur une étude de King (1999), Buchs et al. (2006) relèvent les effets positifs du questionnement.

King [(1999)] propose d’améliorer la construction de savoirs complexes en amenant les apprenants à poser des questions qui stimulent un haut niveau de raisonnement et des réponses élaborées […]. Ces études [(King, 1999)] indiquent que les questions de compréhension facilitent la paraphrase du matériel et les questions d’intégration favorisent des réponses élaborées (souvent plusieurs réponses) reposant sur

l’intégration des connaissances antérieures et nouvelles. (Buchs et al., 2006, pp. 194-195)

Comme nous l’avons vu précédemment, dans leur étude, Spurlin et al. (1984, cités par Buchs et al., 2006) comparent les effets de l’attribution de rôles actifs tels que celui de responsable et de rôles passifs tels que celui d’écoutant. Ces auteurs relèvent que le fait de travailler avec un écoutant actif permet aux responsables d’avoir de meilleurs résultats que lorsque l’écoutant est passif. En effet, « les résultats indiquent qu’apporter des explications pour un écoutant actif serait optimal»

(Buchs et al., 2006, p. 186).

Selon nous, le fait d’attribuer un rôle de journaliste (questionneur) qui amènerait l’élève à poser des questions, renforcerait la prise de parole et l’investissement de l’élève dans la tâche. Afin d’introduire ce rôle, un canevas de questions (King, 1999, cité par Buchs et al., 2006) peut être proposé aux élèves. L’utilisation de ces questions permettrait aux élèves de gérer leur propre compréhension. Pour ce faire, les élèves seraient obligés de traiter les informations, par exemple d’un texte, pour utiliser ce canevas et par la même obligeraient leur partenaire à répondre à leurs questions. Par conséquent, cela apporterait des bénéfices à l’écoutant actif. De plus,

« ces questions contrastent avec les questions factuelles que les apprenants ont tendance à poser spontanément lorsqu’ils questionnent » (Buchs et al., 2006, p.

194). Orly-Louis et Soidet (2003, cité par Buchs et al., 2006) ont étudié la manière spontanée dont les élèves adossent les rôles. Les résultats révèlent que « le rôle dit

« constructif » (qui consiste à produire des idées pour réaliser la synthèse) s’avère être bénéfique pour l’apprentissage, alors qu’à l’inverse le rôle dit « questionneur » (qui caractérise ceux qui accèdent au contenu de la tâche au moyen de demandes et demandent des argumentations) conduit à de faibles performances individuelles » (p.

186)

Selon Buchs et al. (2004) « en ce qui concerne l’écoutant, il existe un effet très négatif de ne pas obtenir une réponse à une question » (p. 178). Buchs et al. (2006) relèvent que le fait de recevoir une réponse terminale n’est pas relié à la réussite contrairement au fait de recevoir des explications qui est bénéfique pour les apprentissages. Les bénéfices reliés aux explications peuvent être expliqués par le fait que « pour donner une explication détaillée, l’élève doit clarifier, structurer et peut-être même restructurer la matière » (Abrami et al., 1996, p. 41). Ainsi, l’élève pourra mettre en évidence les lacunes dans sa compréhension et tenter de les combler afin de mieux assimiler la matière. Il pourrait également être amené à reformuler ses explications en utilisant ses propres mots pour s’assurer de la compréhension de son camarade. « Tout ces efforts auront pour effet d’élargir et de raffermir sa propre compréhension de la matière » (Abrami et al., 1996, p. 41). De plus, « les explications seraient plus bénéfiques pour celui qui les donne que pour celui qui les reçoit » (Buchs et al., 2004, p. 178). Selon Buchs et al. (2006), certaines conditions sont nécessaires afin que les explications reçues soient bénéfiques.

En effet, elles doivent être correctes, pertinentes, suffisamment élaborées et être données au moment opportun ; elles doivent ensuite être comprises. De plus, pour pouvoir bénéficier au mieux des explications, celui qui les reçoit devrait avoir l’opportunité de les mettre en application de manière à pouvoir gérer sa compréhension et éventuellement prendre conscience des problèmes rencontrés. (pp. 185-186)

2.2 La co-élaboration acquiesçante

Dans la co-élaboration acquiesçante, l’un des deux sujets (sujet A) élabore seul une solution, ou amorce de solution, et la propose à l’autre (sujet B) qui sans opposition ni désaccord, écoute ou fournit des feedbacks d’accords (gestuels ou verbalisés).

Dans ce cas, le deuxième sujet (sujet B) n’est pas passif. En effet, « il suit ce que fait l’autre et semble construire « en parallèle » une réponse semblable à celle de A. Son adhésion n’est pas feinte, elle traduit un véritable accord cognitif » (Gilly et al., 2001, p.91). La co-élaboration permet de développer les apprentissages des élèves.

Néanmoins, afin d’augmenter les bénéfices de ce type d’interaction, « un engagement actif des sujets, dans un fonctionnement social de collaboration cognitive » (Gilly et al., 2001, p. 94) est nécessaire. La co-élaboration acquiesçante entraînerait des effets bénéfiques par sa fonction de stimulation et de mobilisation cognitive. En effet, en modifiant sa réponse le récepteur est amené à construire cognitivement une réponse simultanée afin de donner par la suite son accord.

Dans la co-élaboration acquiesçante, les élèves sont également amenés à utiliser les explications tout comme dans la co-construction. En effet, comme nous venons de le voir ci-dessus le fait d’apporter des explications est bénéfique pour les apprentissages. Une deuxième prise de parole présente dans ce type d’interaction est l’approbation. Dans cette dynamique interactive, l’élève approuve les propos de son partenaire. Selon Gilly et al. (2001), « les acquiescements de B ont valeur de contrôle et de renforcement positif de la solution proposée par l’un mais reconnue aussi par l’autre » (p. 91). Le partenaire a essentiellement une fonction d’activation et de renforcement. Il y a donc un engagement cognitif.