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Avant-Propos

Chapitre 1 Etat de l’art

II.4.2 Interactions avec le système digestif

II.4.1 Ingestion de microplastiques par la consommation d’invertébrés marins Certains auteurs ont estimé la contribution de l’apport de la consommation de bivalves dans l’exposition des consommateurs aux MP (Catarino et al., 2018; Van Cauwenberghe et Janssen, 2014). Dans l’étude de Van Cauwenberghe et Janssen (2014), il a été estimé qu’un consommateur important de mollusques (72,1 g/jour pour un Belge) peut consommer 11 000 MP/an alors qu’un faible consommateur (11,8 g/jour pour un Irlandais) peut consommer 1 800 MP/an via la consommation de bivalves. Dans une autre étude, Catarino et al. (2018)

ont estimé qu’un britannique pouvait consommer 123 MP/an du fait de leur faible consommation de moules et les auteurs ont aussi estimé qu’un consommateur important européen (Belges, Français et Espagnol) pouvait consommer 4 620 MP/an via leur consommation de moules. Néanmoins, Catarino et al. (2018) ont démontré que la contamination aéroportée aux MP lors de la préparation et de la consommation du dîner représente un niveau de contamination plus important que celui lié à la consommation de bivalves. En effet, l’ingestion de MP lors d’un repas du soir est de 13 731 à 68 415 MP/an (Catarino et al., 2018).

II.4.2 Interactions avec le système digestif

Lors de la consommation par l’Homme de produits de la pêche contaminés par des MP, des particules plastiques peuvent être ingérées par le consommateur. En effet, la consommation de bivalves entiers (moules, huîtres, coques …) contaminés va avoir pour conséquence l’ingestion de MP par l’Homme. Contrairement à la majorité des bivalves, en Europe, les poissons ne sont pas consommés entiers et seulement les filets sont mangés. Ceci n’est pas forcément vrai dans tous les pays du monde. Néanmoins, l’ingestion de MP par l’Homme via la consommation des parties consommables des poissons nécessite que les MP passent la barrière intestinale vers les muscles. Ce phénomène est appelé translocation.

Actuellement, peu d’informations existent sur la translocation des MP présents dans le système digestif vers les muscles des poissons. Néanmoins, plusieurs études, réalisées en laboratoire et dans le milieu naturel, ont cherché à étudier la translocation de MP chez plusieurs espèces de poissons. Dans une étude réalisée par Avio et al. (2015a), des mulets cabots (Mugil cephalus) ont été exposés à des particules de PE et de PS (100-1000 µm) à une concentration de 2 500 MP/L. La translocation a été évaluée en digérant les foies de 50% des poissons et en réalisant des analyses histologiques afin de localiser les MP sur les foies. Dans

avec une prévalence bien inférieure à la présence des MP dans les tractus digestifs. Les MP présents dans les foies mesuraient entre 200 et 600 µm (Avio et al., 2015a). Récemment, quatre études ont mentionné que la translocation était possible chez des poissons prélevés dans le milieu naturel (Abbasi et al., 2018; Akhbarizadeh et al., 2018; Collard et al., 2017a;

Collard et al., 2018). Des MP de tailles allant de 124 à 438 µm ont été retrouvés dans les foies de trois espèces (Eugraulis encrasicolus, Clupea harengus et Sardina pilchardus) pêchées en mer Méditerranée et en mer du Nord (Collard et al., 2017a). Dans une autre étude réalisée par la même auteure, des MP de taille allant de 147 à 567 µm ont été trouvés dans les foies d’une espèce (Squalius cephalus) prélevée dans la Seine en région parisienne (Collard et al., 2018). Dans une autre étude, des MP de grandes tailles (<100 à >5000 µm) ont été retrouvés à de fortes concentrations (5,66 à 18,5 MP/10 g de filet, en moyenne) dans les filets de plusieurs espèces de poissons des côtes Iraniennes (Akhbarizadeh et al., 2018). Une autre étude réalisée sur des espèces de poissons (Platycephalus indicus, Saurida tumbil, Sillago sihama et

Cynoglossus abbreviatus) et une espèce de crevette (Penaeus semisulcatus) des côtes

Iraniennes a montré la présence de MP sous forme de fibres dans le foie et les muscles des quatre espèces de poisson et dans le muscle des crevettes (Abbasi et al., 2018). Concernant ces quatre études (Akhbarizadeh et al., 2018; Avio et al., 2015a; Collard et al., 2017a; Collard

et al., 2018), il est important de noter que les différents auteurs n’ont jamais pris en compte une quelconque contamination aéroportée (Dris et al., 2016) comme sources potentielles des MP trouvés dans les organes. En effet, dans les études de Collard et al. (2017a) et Collard et al. (2018), la dissection des foies a été réalisée à bord d’un bateau, ce qui n’apparaît pas comme le lieu le plus protégé contre la contamination aéroportée. Dans l’étude d’Akhbarizadeh et al. (2018), l’identification réalisée n’est que visuelle (section III.2) ce qui n’est pas suffisant pour caractériser la nature plastique des particules retrouvées dans les muscles. Dans l’étude d’Abbasi et al. (2018), l’identification est réalisée avec un microscope électronique à balayage (SEM) équipé d’une analyse dispersive en énergie (EDS). L’identification en SEM-EDS permet seulement de savoir si la particule analysée est de nature synthétique ou non. Une identification de la nature polymérique est nécessaire ensuite. De plus, la plupart des particules sont des fibres ce qui est la majorité des particules retrouvées dans les dépôts atmosphériques (Dris et al., 2016; Dris et al., 2015). Outre le fait de ne pas considérer de potentielles contaminations, ces quatre études (Akhbarizadeh et al., 2018; Avio et al., 2015b; Collard et al., 2017a) ne discutent pas, ou peu, le fait de retrouver des particules de tailles supérieures à 100 µm dans les tissus des poissons. Comme discuté

dans le paragraphe suivant, la translocation chez les poissons ne semble possible que pour des particules de l’ordre de 10 µm et moins, c’est à dire des nanoplastiques.

L’étude de la translocation des MP et des nanoplastiques (<0,1 µm) a aussi été réalisée pour un autre domaine d’application : l’utilisation de ces particules comme vecteur de vaccins (Kim et al., 2010). Pour les poissons, ce mode d’administration des vaccins a aussi été étudié. Chez le saumon (Salmo salar), la présence de microbilles de PS de 0,045 µm, 0,134 µm, 0,49 µm, 1 µm et 3 µm n’est pas observée dans les organes suivants : rate, foie et rein et ni dans le sang suite à une exposition à 5.106 MP/poisson via une intubation stomacale (Dalmo et al., 1995). Ceci suggère que même des particules de diamètre de 45 nm n’ont pas franchi la barrière intestinale pour se retrouver dans le système circulatoire des saumons (Dalmo et al., 1995). Dans une autre étude réalisée sur le saumon, l’intubation anale de 4.106 particules de latex/poisson résulte en la présence de MP de 0,1 µm, 0,5 µm, 1 µm et 3 µm dans la rate et les reins des saumons (Petrie et Ellis, 2006) avec toutefois une majeure partie des MP se retrouvant dans la lumière de l’intestin. Lors d’une intubation orale avec la même concentration de MP de latex la présence de ces microparticules n’a pas été observée hors de la lumière de l’intestin. De plus, l’exposition a été aussi réalisée avec des MP de 10 µm qui n’ont jamais été retrouvés hors de l’intestin (Petrie et Ellis, 2006). Les deux études réalisées (Dalmo et al., 1995; Petrie et Ellis, 2006) sur le saumon présentent des résultats différents concernant la translocation chez cette espèce, cependant il semblerait que la translocation ne soit pas possible pour des particules ayant des tailles de l’ordre de la dizaine de micromètres. Dans une étude utilisant le poisson zèbre (D. rerio) comme modèle, il a été montré que la translocation de particule de PS de 1 µm n’était pas possible alors que la présence de particules de 0,5 µm a été observée dans les reins suite à une intubation orale de 5.107 MP/poisson (Løvmo et al., 2017). Dans une autre étude réalisée en laboratoire, Lu et al.

(2016) ont exposé des poissons zèbres (D. rerio) à des MP de PS de 5 et 20 µm à une concentration de 2,9.105 MP/mL et 4,5.103 MP/mL, respectivement. En réalisant des coupes histologiques des organes, les MP de 5 µm ont été observés dans le foie, le tractus digestif et les branchies des poissons zèbres alors que les MP de 20 µm ont été observés seulement dans l’estomac et les branchies des animaux exposés (Lu et al., 2016). Dans ces travaux, Lu et al.

(2016) n’ont pas mentionné un phénomène de translocation mais il est possible d’émettre l’hypothèse d’un tel phénomène. L’ensemble de ces quatre études (Dalmo et al., 1995;

Løvmo et al., 2017; Lu et al., 2016; Petrie et Ellis, 2006) met en évidence que la translocation est peu probable chez deux espèces de poissons pour des tailles de MP supérieures à la

importantes en comparaison avec la quantité de MP retrouvée dans le milieu marin. De plus, quand des MP sont retrouvés dans des tissus autres que la lumière de l’intestin, la quantité présente est très faible.

La consommation des parties consommables des poissons peut donc représenter un danger pour le consommateur mais ce danger se cantonnerait aux MP mesurant moins que 10 µm. Actuellement, peu d’informations sont disponibles sur ces petits MP car les techniques d’extraction et d’identification sont limitées (section III). Toutefois, il est important de noter qu’à ce jour le transfert d’additif plastique via l’ingestion de MP a été peu étudié. Ces polluants pourraient s’accumuler dans les tissus des poissons ou des bivalves lors de l’ingestion des MP.

Après ingestion de MP via la consommation de bivalves entiers ou la consommation des filets contaminés, une des questions qui se pose est de savoir si la translocation des MP est possible chez l’Homme. Si celle-ci survient alors les organes ainsi que les tissus sont exposés aux MP. Cette exposition est double : exposition aux MP en tant que particules abrasives et aussi aux mélanges de polluants qu’ils contiennent (section II.4.3 et II.4.4). Contrairement aux poissons, les mammifères possèdent des cellules particulières appelés les cellules M qui se situent au-dessus des plaques de Peyer. Ces cellules peuvent être un site d’absorption des MP présents dans la lumière intestinale vers les tissus lymphatiques (Galloway, 2015; Wright et Kelly, 2017). La translocation chez les mammifères, à travers le système intestinal vers le système lymphatique, est possible pour une multitude de polymères plastiques de tailles différentes. En effet, la translocation chez l’homme de particules de 0,2 à 150 µm, chez le chien de particules de 3 à 100 µm, chez les rongeurs de 30 à 40 µm et chez les lapins de 0,1 à 10 µm a été démontrée (Hussain et al., 2001). Dans une étude exposant des souris (Mus

musculus) à des MP de PS de 5 et 20 µm via l’eau, Deng et al. (2017) ont retrouvé ces

particules dans les reins et le foie des souris. Même si la translocation est possible chez les mammifères, il semblerait que ce phénomène soit limité. La translocation de particules de 2 µm de latex est seulement de 0,04 à 0,32% de la dose initiale chez plusieurs espèces de rongeurs (Carr et al., 2012). La même chose est observée in vitro avec des biopsies de tissus humains issus du colon en utilisant une chambre d’Ussing : une translocation de 0,25% de MP de polylactide-co-glycolide de 3 µm (Schmidt et al., 2013).

Il existe peu de données concernant la translocation de MP chez les mammifères et chez l’Homme en particulier. Néanmoins, la translocation semblerait impossible pour des particules de tailles supérieures à 150 µm et limitée (<1%) pour les particules mesurant moins de 150 µm (Wright et Kelly, 2017).

Il est nécessaire de réaliser des études complémentaires pour savoir si la translocation des MP est possible vers les parties consommables des poissons et ceci afin de savoir si l’Homme ingère ces MP via la consommation de poissons. De plus, les MP ne sont pas seulement des particules inertes mais contiennent un cocktail de produits chimiques peu étudiés (dont les additifs) et ils peuvent représenter une voie potentielle de transport de micro-organismes pathogènes.