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III. RESULTATS ET DISCUSSION

III.2. Applications du modèle cellulaire

III.2.2. Etude des allergènes purifiés de l’arachide

III.2.2.1. c Intensités des dégranulations

Même si cela n’est pas significatif, les moyennes des MaxD les plus fortes ont été obtenues avec Ara h 1 et Ara h 3 (65 et 64% de la dégranulation de référence), ce qui est corrélé avec les concentrations les plus fortes en IgE spécifiques (tableau 16). A l’inverse, les

MaxD obtenues avec Ara h 6 ont été les plus faibles (en moyenne 39% de la dégranulation de référence si l’on considère les dégranulations obtenues au 1er pic). Cependant, les courbes bimodales obtenues avec cet allergène pour certains sérums ont rendu les comparaisons difficiles. En regardant les valeurs du 2nd pic, la moyenne atteint 51%. Pour Ara h 2 et le fragment de Ara h 3, les moyennes ont été de 58 et 60% respectivement. La comparaison de ces moyennes reproduit l’ordre observé individuellement pour chaque sérum.

A l’inverse, pour un même allergène, nous avons observé une grande variabilité des MaxD selon les sérums utilisés pour sensibiliser les cellules. Par exemple, les MaxD sont échelonnés de 24 à 98% pour l’EPBA. Rappelons que dans ce test cellulaire, les sérums sont tous incubés sur les cellules à une quantité fixe de 1 UI d’IgE totales par puits. Nous avons donc analysé si les intensités des dégranulations obtenues étaient corrélées au pourcentage d’IgE spécifiques d’un allergène donné vs IgE totales, ce pourcentage représentant finalement la quantité d’IgE spécifiques incubées sur les cellules. La figure 32 présente les résultats des corrélations obtenues pour les différents allergènes.

Figure 32 : Corrélations entre la proportion d’IgE spécifiques / IgE totales et les maximum de dégranulation (MaxD) induits par l’EPBA et les différents allergènes purifiés Ara h 1, Ara h 2, Ara h 3, Ara h 6 (1er et 2nd pic) et le fragment de Ara h 3.

Les MaxD sont exprimés en pourcentage de la dégranulation de référence.

Une corrélation positive forte est observée pour les dégranulations spécifiques induites par l’EPBA, Ara h 1, Ara h 3 et le fragment de Ara h 3 (r2 = 0,94, 0,68, 0,84 et 0, 69 respectivement). A l’inverse, cette corrélation n’est pas significative dans les cas des

dégranulations induites par les albumines 2S, Ara h 2 et Ara h 6 (1er pic) (r2 = 0,49 et 0,46 respectivement). Pour Ara h 6, si l’on tient compte des MaxD obtenus au 2nd pic pour les 6 sérums concernés, et au 1er pic pour les autres, la corrélation est alors significative (r2=0,68). Les liens entre la capacité des sérums à dégranuler et leurs pourcentages d’IgE spécifiques vs IgE totales seront discutés plus finement dans le paragraphe III.2.2.2.b.

Ainsi, l’intensité des dégranulations qui ont été obtenues pour les 12 sérums testés et le pool est dans l’ensemble corrélée aux taux d’IgE spécifiques vs IgE totales de ces sérums, contrairement à ce que nous avions observé dans le cadre de l’allergie au lait.

III.2.2.1.d. Doses d’allergènes induisant les dégranulations

En ce qui concerne les allergènes, un bon indicateur de leur potentiel allergénique est la dose nécessaire pour induire le déclenchement de la réaction allergique. Dans notre modèle, cette dose a été déterminée par le calcul des EC50 qui sont rapportées dans le tableau 17. Nous avons reporté sur la figure 33 les valeurs d’EC50 obtenues pour les 12 sérums individuels et pour les différents allergènes testés. Les EC50 sont exprimées en picomolaire afin de pouvoir comparer le potentiel des différents allergènes en termes de nombre de molécules nécessaires à induire la dégranulation.

Figure 33 : Comparaison des valeurs d’EC50 obtenues après activation des cellules sensibilisées par les 12 sérums par l’EPBA, Ara h 1, Ara h 2, Ara h 3, Ara h 6 et le

fragment de Ara h 3.

a, b, c et d indiquent une différence significative d’un groupe par rapport aux autres en utilisant une analyse de variance suivie du test de Tukey (p<0,05).

Les EC50 obtenues avec l’EPBA, Ara h 1, Ara h 3 montrent une relativement grande variabilité. A l’inverse, les EC50 obtenues pour Ara h 2 et Ara h 6 (en considérant le 1er pic)

sont plus homogènes. Les EC50 obtenues pour Ara h 2 et Ara h 6 sont significativement plus faibles que celles obtenues après activation par les autres allergènes d’arachide. Les médianes sont respectivement de 2,1 et 2,7 pM pour Ara h 2 et Ara h 6 alors que pour l’EPBA, Ara h 3, Ara h 1 et le fragment de Ara h 3, les médianes sont respectivement de 11, 65, 150 et 290 pM. En fonction du sérum, 5 à 100 fois plus de Ara h 1 et de Ara h 3 que de Ara h 2 ou Ara h 6 sont nécessaires pour obtenir une dégranulation.

Même si les plus faibles valeurs d’EC50 pour tous les allergènes testés ont été obtenues pour des sérums qui se caractérisent par une forte proportion en IgE spécifiques vs IgE totales (sérums n° 51, 92, 488, 577 et 609) et qu’à l’inverse, les sérums qui ont induit les plus fortes valeurs d’EC50 ont un faible pourcentage d’IgE spécifiques vs IgE totales (sérums n° 314 et 658), cette corrélation n’est pas forcément retrouvée pour un même allergène entre sérums avec le même taux d’IgE spécifiques. Par exemple les sérums 437 et 577 ont des taux d’IgE spécifiques de l’EPBA de 47 et 45% des IgE totales respectivement. Ils présentent pourtant des valeurs d’EC50 qui différent d’un facteur 17 (21 pM et 1,2 pM respectivement). Des facteurs autres que les taux d’IgE spécifiques entrent donc en jeu pour expliquer l’induction d’une dégranulation à des concentrations différentes selon les allergènes, l’affinité des IgE pour les allergènes pourrait être un de ces facteurs.

Nos résultats démontrent que les albumines 2S ont une forte capacité à induire le pontage des IgE et à induire la dégranulation. A l’inverse Ara h 1 et Ara h 3 sont moins actifs puisque de plus fortes doses de ces allergènes sont requises pour obtenir des dégranulations similaires. Une hypothèse pourrait être que le faible encombrement stérique de petites molécules faciliterait leur accès simultané à plusieurs molécules d’IgE fixées sur les cellules. Afin de vérifier cette hypothèse, nous avons inclus le fragment de Ara h 3 dans notre étude. Il s’agit d’une molécule d’une taille comparable à celles de Ara h 2 et Ara h 6, et contre laquelle les concentrations en IgE spécifiques sont équivalentes à celles observées contre les albumines 2S (tableau 16). Cependant, le fragment de Ara h 3 démontre un très faible potentiel de dégranulation, suggérant que la taille des albumines 2S n’explique pas leur forte activité biologique dans notre test.

Nos résultats sont en accord avec ceux de Palmer et coll. qui ont montré que 33 fois plus de molécules de Ara h 1 que de molécules de Ara h 2 sont nécessaires pour obtenir la même dégranulation [184]. Dans notre étude, nous avons observé, en moyenne, que 60 fois plus de molécules de Ara h 1 que de molécules de Ara h 2 sont nécessaires pour obtenir la

même dégranulation. Ces résultats sont également concordants avec des tests de dégranulation de basophiles humains, qui démontrent que Ara h 2 est un allergène déclenchant plus puissant que Ara h 1 et Ara h 3 [174;378]. Lehmann et coll. ont par ailleurs comparé la réactivité de Ara h 2 et de Ara h 6 dans un test de dégranulation sur cellules RBL 30/25, exprimant uniquement la chaîne α humaine. Dans ce test Ara h 2 induisait des dégranulations plus fortes et à des doses plus faibles que Ara h 6 [371], ce que nous n’avons pas confirmé dans notre étude. Dans une étude récente, McDermott et coll. ont montré que Ara h 2 avait un rôle majeur dans l’allergie à l’arachide. La déplétion en Ara h 2 d’un extrait protéique d’arachide induisait une augmentation des EC50 obtenues dans un test de dégranulation de cellules RBL SX-38 et dans un test de dégranulation de basophiles, augmentations respectives d’un facteur de 1,7 et 0,6 (n=12) [379]. Des études comparant l’activité biologique des allergènes d’arachide par tests cutanés ont montré que Ara h 2 et Ara h 6 sont les allergènes les plus fréquemment reconnus et induisant les réactions cutanées les plus fortes [163;173;174]. Les résultats que nous avons obtenus avec les cellules RBL SX-38 sont donc en accord avec ces observations cliniques.

Toutes ces études démontrent donc le fort potentiel déclenchant des albumines 2S comparées aux autres allergènes de l’arachide. Cette observation est surprenante si l’on considère les proportions des différents allergènes dans l’EPBA ; c’est-à-dire 14%, 6,5%, 50% et 4,5% des protéines totales respectivement pour Ara h 1, Ara h 2, Ara h 3 et Ara h 6 [355]. Même en tenant compte des proportions dans la graine de l’arachide, les différences entre les valeurs d’EC50 sont telles que les albumines seraient toujours les plus réactives des allergènes de l’arachide. Les albumines 2S semblent donc jouer un rôle majeur dans la réaction allergique à l’arachide.

III.2.2.2. Liens entre capacité à dégranuler et caractéristiques