• Aucun résultat trouvé

III. RESULTATS ET DISCUSSION

III.2. Applications du modèle cellulaire

III.2.2. Etude des allergènes purifiés de l’arachide

III.2.2.3. Conclusions

Nous avons obtenu des dégranulations significatives pour tous les allergènes de l’arachide testés, confirmant ainsi leur fonctionnalité. Les intensités de dégranulation sont corrélées aux taux d’IgE spécifiques des différents allergènes vs IgE totales contenues dans les sérums. Nous avons montré que le pontage de 10 à 20% des IgE fixées sur les FcεRI est suffisant pour induire une dégranulation maximale des mastocytes, ces valeurs étant en accord avec les données publiées [380]. De plus, pour les allergènes de l’arachide, des sérums ayant plus de 2% d’IgE spécifiques vs IgE totales suffisent à sensibiliser les cellules en vue d’une dégranulation.

La comparaison des EC50 obtenues a permis de mettre en évidence le fort potentiel de dégranulation des albumines 2S de l’arachide, Ara h 2 et Ara h 6. Les médianes des EC50 obtenues pour les 12 sérums sont en effet de 2,1 et 2,7 pM respectivement pour Ara h 2 et Ara h 6, alors que pour l’EPBA, Ara h 3, Ara h 1 et le fragment de Ara h 3, les médianes sont respectivement de 11, 65, 150 et 290 pM. Ces données sont en accord avec des études qui soulignent la forte allergénicité des albumines 2S par différents tests in vitro comme in vivo.

Cette implication dans l’allergénicité de l’arachide est d’autant plus forte que les quantités de Ara h 3 ou Ara h 1 sont importantes pour induire une dégranulation [163;173;174;184;371;378]. Un des intérêts de notre étude est que nous avons comparé les principaux allergènes de l’arachide en même temps et pour les mêmes sérums. Ces résultats corroborent des études comparant l’activité biologique des allergènes d’arachide par tests cutanés qui ont montré que Ara h 2 et Ara h 6 sont les allergènes de l’arachide induisant les réactions les plus fortes [163;173;174].

Nous avons également cherché à voir s’il existait des corrélations entre les intensités de dégranulations observées, ou les valeurs d’EC50 obtenues pour l’EPBA et les différents allergènes de l’arachide, et la symptomatologie des patients. Nous n’avons pas observé de lien particulier. Des sérums de patients ayant une symptomatologie sévère peuvent en effet induire des dégranulations de faible intensité avec des EC50 élevées. A l’inverse des sérums de patients ayant une allergie légère à modérée peuvent induire des dégranulations d’une intensité élevée avec des valeurs d’EC50 parmi les plus faibles obtenues. La sévérité de la réaction allergique ne s’explique pas par le seul fait d’induire facilement et fortement la dégranulation des mastocytes in vivo. De nombreux autres facteurs peuvent entrer en jeu. Dans cette optique, nous nous sommes demandés si la complexation des IgE par les IgG anti- IgE présentes dans les sérums pouvait avoir une influence sur leur capacité à sensibiliser les cellules et/ou à moduler la dégranulation ultérieure dans ce test cellulaire de déclenchement de la réaction allergique. Nous avons mis au point un système pour doser les complexes IgE- IgG présents dans les sérums et nous avons montré que ces complexes impliquent principalement des IgG4 qui ne sont pas spécifiques de la partie variable de l’IgE puisque les IgE spécifiques sont tout autant complexées que les IgE totales. Pour notre population de sérums, des niveaux de complexation différents ont été mis en évidence, avec des différences pouvant aller jusqu’à un facteur 25. Les niveaux de complexation des IgE des sérums de patients allergiques à l’arachide ne sont cependant pas corrélés à la symptomatologie des patients, ni aux différents paramètres des dégranulations obtenues (intensité et dose d’allergène nécessaire pour induire la dégranulation).

Les valeurs d’EC50 obtenues pourraient être le reflet d’affinités différentes des IgE spécifiques. L’affinité des IgE pour les allergènes est peu étudiée. Hantusch et coll. ont étudié les cinétiques d’association et de dissociation de la liaison des IgE et des IgG aux allergènes Phl p 5 (pollen de graminée) et Bet v 1a (pollen de bouleau) par résonance plasmonique de

surface. Ils ont montré que les affinités des IgE sont comprises entre 10-10 et 10-11 M et celles des IgG entre 10-7 et 10-8 M [392]. El-Khouly et coll. ont étudié l’avidité des IgE spécifiques de l’EPBA ou de Ara h 2 purifiée chez des patients allergiques à l’arachide en utilisant une méthode reposant sur la dissociation de la liaison des IgE aux allergènes par du thiocyanate dans un test ELISA. L’avidité des IgE pour Ara h 2 s’est avérée être corrélée à la sévérité de la réaction allergique évaluée par DBPCFC [393]. Récemment, Christensen et coll. ont étudié l’effet de l’affinité des IgE pour les allergènes sur leur capacité à induire la dégranulation de basophiles. Pour cela, ils ont produit des IgE recombinantes spécifiques de Der p 2, l’allergène majeur de la poussière de maison. Ils ont caractérisé l’affinité de la liaison de ces rIgE pour Der p 2 par résonance plasmonique de surface et les ont utilisées pour sensibiliser des basophiles humains. Ils ont ensuite activé les cellules avec des gammes de concentrations de Der p 2. Ces expériences montrent qu’une différence d’affinité d’un facteur 2 peut conduire à des différences de quantité d’allergènes nécessaires à la dégranulation de basophiles d’un facteur 500 à 1000 [394]. Ces études montrent l’importance de l’affinité des IgE pour les allergènes sur leur capacité à induire la dégranulation de cellules effectrices et leur lien avec la sévérité de la réaction allergique. Il serait intéressant d’analyser si, dans notre modèle cellulaire, les différences d’EC50 observées pour les différents sérums et allergènes pourraient être liées à des différences d’affinité des IgE pour les allergènes. L’affinité des IgE pour les allergènes pourrait être un marqueur de la sévérité de la réaction allergique qu’il serait intéressant d’étudier.