• Aucun résultat trouvé

ANG+

ANG-147

Nous tenons à préciser que lors de notre dépouillement, nous avons ignoré les mots anglais anciennement intégrés au français pour rester dans le cadre de la nouveauté lexicale.

Les anglicismes sont présentés par un faible pourcentage (3,76%) des lexies de la matrice externe. Sur les 22 mots anglais utilisés, 17 sont déjà des mots français (intégrés dans les dictionnaires) ce qui fait un taux de 77,27%, le reste – ne constituant qu’un faible pourcentage (moins d’un quart, 22,72%) – demeure toutefois une intéressante piste d’analyse qualitative que nous verrons par la suite.

Voyons maintenant de près la nature d’emploi de ces anglicismes. Nous remarquons clairement que les mots anglais non intégrés utilisés par le chroniqueur sont majoritairement des mots que tout lecteur ayant une instruction moyenne (le niveau fondamental en Algérie ou le CEM) peut aisément comprendre comme because, traveling, bank et job (travail).

D’autres groupes de mots ou locutions calqués sur des constructions très connues et répandues affichent aussi leur présence comme rage and CO ; le « and CO » signifiant « et compagnie » ou encore « et corporation », et comme toubib or not toubib, that is the question calquée sur la fameuse formule « to be or not to be, that is the question ». Les autres anglicismes intégrés, ce sont des mots anglais ordinaires que tout le monde connait, tels que :

sandwich, tramway, new look, chips, et second. A l’exception d’une minorité de cas comme : flash-back et black-out.

En somme, notre chroniqueur puise généralement dans la simplicité quant à l’usage des anglicismes anglo-britanniques ou ce qu’on appelle communément « l’anglais écolier » et ce, sans doute, par souci d’accessibilité au sens. Il ne laisse que rarement libre cours à sa plume pour faire usage des mots « branchés » anglo-américains. Cette tendance s’explique par le désir de rapprochement de son lectorat dont il connait parfaitement les exigences langagières.

148

2.1. 6. Conclusion

Le présent chapitre nous a permis de faire le point sur quelques caractéristiques qui résultent du contact des langues et qui font justement la particularité de la chronique que nous avons pris comme corpus de notre recherche. Ainsi, les principales questions abordées sont-elles toutes relatives au contact des langues et à la créativité lexicale.

Le caractère phare qui fait cette particularité est celui de l’alternance codique ; un phénomène indépendamment lié à celui de l’emprunt dans la mesure où ce dernier constitue un type d’alternance codique (intra-phrastique). Toutefois cette alternance de codes s’inscrit non seulement comme un support encourageant l’existence de l’emprunt mais aussi comme un environnement de sens qui encadre l’emprunt. A l’image d’un mot nouvellement côtoyé dans le lexique d’une langue donné et dont le sens peut se définir à force de le revoir dans diverses phrases, l’emprunt tire son sens à partir de l’alternance codique.

Pour la facilité et la fluidité de son texte et parfois pour faire allusion à un sujet politiquement sensible, El Guellil puise dans le parler algérien et la tradition orale de sa société ou il était souvent question de calquer des expressions figées et des fragments de chansons largement connus. C’est pourquoi, il recourt fréquemment au code-switching sous ses différents types.

Parvenir à se rapprocher de ses interlocuteurs exige la mise en œuvre de la technique ou la théorie de l’accommodation de la part du chroniqueur. Ceci se traduit dans ses chroniques par les phénomènes de diglossie et de bilinguisme qui se manifeste à travers le changement de style linguistique et l’adaptation de la dimension culturelle dans l’interaction afin de réduire les différences qui séparent chroniqueur et lecteurs.

Le présent chapitre nous a permis également de constater un nombre très élevé d’emprunts et de ses dérivés de l’arabe classique et dialectal. Cette prédominance se justifie par la relation émetteur-récepteur et le code qu’ils partagent. En effet, un journaliste doit répondre non seulement aux exigences de son lectorat en matière d’informations mais aussi en matière d’outillage linguistique le plus adapté à leur goût et conforme aux traditions langagières de la communauté linguistique.

149

La contradiction de l’usage des arabismes et anglicismes dans notre corpus réside dans leur intégration dans le lexique français. Nous avons constaté une présence très forte des arabismes par rapport aux anglicismes, toutefois le taux d’intégration de ces derniers dépasse largement celui des mots arabes. Ceci peut avoir une seule explication plausible ; celle relative au rapprochement des systèmes lexicaux, graphiques et phonétiques des deux langues, en l’occurrence le français et l’anglais. La langue arabe étant différente par rapport au français au niveau des systèmes cités, l’adaptation des emprunts pose de sérieux problèmes.

L’esprit créateur de notre chroniqueur se voit clairement à travers le nombre des pérégrinismes et xénismes très élevé par rapport à celui de l’emprunt à la langue arabe majoritairement sollicitée. Cette dynamique d’emprunter fortement à la langue arabe est certes justifiée par un besoin de rapprochement langagier envers son lectorat ; néanmoins elle provoque la possibilité de diffusion de quelques étymons arabes et, par là, de forger un français algérien propre aux locuteurs francophones en Algérie.

Aujourd’hui, en France, certaines voix puristes s’alarment contre l’envahissement du parler quotidien par l’anglicisme sous l’effet de la mode linguistique ou même par nécessité. Les arabismes ne manquent pas non plus, ils sont répandus principalement par la chanson Rap et, à un moindre degré, par la presse locale quand il s’agit d’évoquer le terrorisme, l’Islam et d’autres sujets relatifs à la culture arabo-musulmane. La grande communauté magrébine en France est, aussi, un facteur important dans la diffusion des arabismes.

Notre chroniqueur bascule dans sa création lexicale externe à la langue française entre l’emprunt de la parole et l’emprunt de la langue. Cependant, nous avons constaté un penchant considérable vers le premier type. Le chroniqueur ne produit certainement pas des emprunts d’incompétence mais, puisqu’il est journaliste bilingue, il se forge un style d’écriture bien propre à lui pour se démarquer, justement, par un idiolecte qui lui permettrait de faire passer ses emprunts de la parole au statut d’emprunts de la langue.