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ANG ARB

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Nous expliquons, bien évidemment, par la suite pourquoi cette primauté d’emploi d’emprunt (matrice externe) par rapport aux néologismes (matrice interne), et les raisons du recours permanent à la langue arabe (classique et dialectal).

La prédominance des anglicismes par rapport aux arabismes en langue française est un fait que nul connaisseur et utilisateur de cette langue ne peut ignorer. Or le cas que représente notre étude à ce sujet et qui est d’ailleurs contradictoire à la réalité linguistique des emprunts en français n’est qu’une particularité propre au style d’écriture de notre chroniqueur.

2.1.5.1. L’arabisme

Le phénomène des arabismes n’est point à démontrer vu leur présence considérable et leur nombre important dans le français. Guiraud1 (1967) affirme dans son ouvrage Structures

étymologiques du lexique français que les emprunts d’origine arabe sont classés en quatrième

position parmi les autres langues modernes auxquelles le français fait recours en matière d’emprunts, avec un nombre avoisinant 269 mots.

Quinsat (2008, p. 154) précise que « Les arabismes, loin de constituer une quantité

négligeable parmi les mots français d’origine étrangère, sont assez nombreux. On peut en effet conjecturer que le Nouveau Petit Robert en retient environ quatre cents. »

Il semble pertinent, après nos lectures sur la question, que les arabismes sont le produit d’un brassage de civilisations et des échanges scientifiques et économiques, et que le sens du passage des emprunts est soumis à des critères de dominance et d’influence d’une société sur l’autre – comme le montrent les auteurs du Guide alphabétique de linguistique

française : La grammaire d’aujourd’hui qui précisent dans ce sens que :

1 Evoquer la question des arabismes est synonyme de recherche qui fait souvent appel à des études étymologiques quien dit long sur l’histoire et l’origine des mots. Le lexicologue Pierre Guiraud a le grand mérite de révolutionner la science dite l’étymologie par des recherches dans tout ce qui est origine des mots, avec une démarche scientifique moins superficielle et moins naïve. Il a le mérite aussi d’y inclure des facteurs extérieurs à la langue et y apporter une profonde vision des structures morphologiques des mots. A travers son postulat, il explique l’existence d’une relation étymologique entre la forme et le sens d’un mot. Il souligne dans son livre les

mots étranger en page 7 que les emprunts en période médiévale étaient des mots arabes sur le premier plan avec

un nombre de 104 emprunts dépassant largement l’anglais (avec seulement 27 mots) qui n’avait pas encore d’influence à cette époque.

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Le nombre et la spécificité des emprunts fournis par les langues étrangères dépendent pour une très large part du jugement collectif des sujets parlants sur les civilisations qu’elles manifestent : c’est le prestige de l’Italie au XVIe siècle, des U.S.A. au XXe siècle qui explique la prépondérance quantitative des emprunts à l’italien et à l’anglais. Les emprunts faits à l’arabe illustrent bien les variations que peut subir au cours de l’histoire le jugement porté sur une langue. Les emprunts de date ancienne reflètent le statut prestigieux de la civilisation arabe médiévale. (Arrivé et al., 1986 : 251).

Nous présentons dans le tableau ci-dessous quelques emprunts à l’arabe dans différents domaines dans lesquels la civilisation arabe dominait :

Domaine Emprunts à l’arabe

Scientifique Algorithme, algèbre, chiffre, zéro, azimut, zénith, alchimie,

alcool, goudron, soude, etc.

Militaire Amiral, laquais, etc.

Economique et commercial

Bazar, café, coton, douane, magasin, sucre, tarif, orange, etc.

A travers ces illustrations, il est clair que les mots empruntés à l’arabe relèvent bien des secteurs qui ont fait la force de la civilisation arabe médiévale tels les mathématiques, l’astronomie, la chimie, le commerce et l’économie voire même le militaire. Toutefois cela n’exclut pas la présence des arabismes dans les dictionnaires récents de la langue française. En effet, l’exode massif des populations de culture arabo-musulmane vers la France et l’intégration, au sens politique du terme, de ces derniers dans la société française ont facilité l’apparition de quelques arabismes dans le domaine social.

Les auteurs cités ci-dessus expliquent que :

Quant aux emprunts récents, ils reflètent le caractère des relations entre la France et les pays du Maghreb au XIX e et au XX e siècle : bon nombre des mots empruntés à cette époque ont pris une valeur plus au moins péjorative […], voire nettement argotique […] ou insultante. (ibid)

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A ce propos et pour connaitre les domaines et les contextes privilégiant la création de ces nouveaux mots, et pour reprendre les points théoriques exploités ci-dessus, nous nous référons au secteur graphique ci-après qui englobe la totalité des lexies extraites et qui est plus que significatif.

Si nous éliminons les prépositions, les adverbes et les interjections auxquels il est impossible d’attribuer un domaine ou un contexte, nous aurons le nombre de 704 lexies analysables et classables selon les contextes et les domaines dans lesquels elles apparaissent. Le domaine de la vie quotidienne prend la part du lion avec un nombre total de 332 lexies, synonyme de 47,14%, c’est presque la moitié, donc une lexie sur deux est créée pour exprimer des réalités dans le domaine de la vie quotidienne.

Le domaine social pointe à la deuxième place avec un taux de 13,35% soit une présence de 94 lexies, suivi par le domaine culturel présent à 11,36%, soit 80 lexies présentes.

Ensuite les domaines économique et religieux s’affichent respectivement à 8,66% et 8,52 % avec une seule présence de plus pour le domaine économique, soit 61 contre 60 lexies.

Le domaine politique exprimé à 33 reprises, soit 4,68%, est légèrement plus présent que celui du loisir : 27 apparitions et un taux de 3,83%.

80 332 61 60 3 12 94 27 33 2

Contexte

CULT VQ ECO RLG SCT GEO SOC LSR PLT HIS

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Enfin le domaine historique et scientifique sont presque absents avec une présence de 5 lexies, les deux réunis.

Si nous ajoutons les lexies du domaine religieux et celles de la vie quotidienne au contexte social, nous obtenons la majorité écrasante avoisinant les 93%. Ces résultats confirment, donc, parfaitement les écrits rapportés ci-dessus quant aux emprunts récents.

L’existence des mots d’origine arabe dans la langue française est, donc, l’une des questions qui réclament vivement l’attention des chercheurs, aussi bien dans le domaine lexicologique qu’en étymologie. Ces mots dont le statut fut inévitablement néologique (par emprunt) s’enracinent au fur et à mesure dans les dictionnaires du français après, bien évidemment, un usage généralisé et une diffusion large et jugée suffisante par les locuteurs de cette langue.

Quinsat (2008, p. 152) écrit à ce sujet : « Les arabismes du français trouvent leur

place dans les dictionnaires de la langue française de la même façon que les autres emprunts opérés par cette langue : anglicismes, germanismes, italianismes, etc. »

Bien que la tâche semble abordable, la présentation et le compte rendu des dits « arabismes » nécessitent un travail de fond bien complexe1 qui passe, par ailleurs, par la consultation de plusieurs dictionnaires de la langue française comme corpus d’exclusion en plus du dictionnaire historique de la même langue pour consulter la double étiquette étymologie-histoire des mots.

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2.1.5.2. L’intégration et le traitement théorique des arabismes

A travers l’analyse de notre corpus, il se révèle que l’arabisme représente une catégorie relativement mince de mots qui sont intégrés dans la nomenclature des mots français, à l’image de ce qu’elle est la réalité reflétée par les dictionnaires de la langue française.

En effet, sur 522 arabismes issus de l’arabe dialectal et classique, seulement 12 sont intégrés à la langue française ; soit 2,29%, ce qui est un pourcentage nul comme le montre le secteur graphique relatif à cette question :

Outre le sentiment de l’intrus et de l’incompatibilité morphologique que procurent les arabismes, des problèmes d’intégration liés à la différence des structures entre les langues et des problèmes sociolinguistiques liés aux variations des pratiques langagières sont des obstacles compliquant encore plus la tâche des lexicologues et lexicographes dans le traitement et l’adaptation des arabismes.

Arrivé, Gadet et Galmiche parlent de « problème d’intégration de l’unité empruntée

dans les structures de la langue cible […] phonologique, orthographique, morphosyntaxique, sémantique » et de « problème sociolinguistique des différences de statut axiologique entre les langues». (Arrivé et al., 1986, pp. 250-251).

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