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1.2 L’électrification rurale décentralisée : un moyen de réduire la pauvreté en Afrique

1.2.4 Les énergies renouvelables et l’électrification décentralisée

1.2.4.2 Intégration des énergies renouvelables dans un paradigme décentralisé 30

La décentralisation des moyens de production d’électricité, ou autrement dit le rapprochement de ces moyens des sites consommateurs, a été présentée comme une alternative énergétique plau-sible dans le développement d’une Afrique subsaharienne majoritairement rurale et non électrifiée, en comparaison du modèle centralisé des pays développés. Le contexte ayant été décrit et le modèle énergétique déterminé, l’objectif est alors d’évaluer la pertinence technico-économique des différents systèmes existants, déjà usités ou non, dans un cadre décentralisé de production d’électricité. Sur ce plan, les sources conventionnelles de génération semblent peu adaptées, en raison de leur coût écono-mique toujours plus élevé, lié à l’exploitation de gisements de taille finie qui, en plus d’être couplée à une demande de plus en plus importante, réduit les ressources et nécessite l’accroissement des moyens techniques utilisés pour leur extraction, et amplifié par les infrastructures de transport très limitées sur le sous-continent. De même, pour être viables, nous avons vu que ces systèmes devaient posséder des puissances importantes, ce qui s’oppose aux caractéristiques spécifiques des zones rurales, dont la densité de population et les besoins en électricité ne sont pas aussi importants que dans les centres industriels ou urbains (Huacuz et Gunaratne, 2003). Cela est d’autant plus vrai dans le cas présent, où, les populations n’étant pas encore électrifiées, l’utilisation de l’énergie électrique devrait encore rester relativement circonscrite.

1.2 L’électrification rurale décentralisée : un moyen de réduire la pauvreté en Afrique subsaharienne

Comme nous avons pu le voir précédemment, si l’absence d’énergie électrique dans les milieux ruraux d’Afrique subsaharienne prive les populations considérées d’un grand nombre de besoins fon-damentaux, les maintenant alors dans la pauvreté, elle les pousse aussi à exploiter les ressources présentes dans leur environnement immédiat comme combustible, en particulier le bois de feu pour cuire les aliments, exerçant alors des pressions environnementales nécessaires, mais qui ont souvent des conséquences dramatiques sur le plan socioéconomique (Bugaje, 2006). À l’heure actuelle, bien que restreint, l’approvisionnement décentralisé en électricité est, lui, majoritairement réalisé par l’uti-lisation de groupes électrogènes à essence ou diesel, solution restant cependant très limitée, et peu pertinente sur le long terme, en raison des coûts croissants de fonctionnement et de maintenance (Huacuz et Gunaratne, 2003). Si le coût d’entretien est inhérent à l’équipement lui-même, la raréfac-tion de la ressource pétrolière est, elle, directement à l’origine de l’augmentararéfac-tion du coût économique du combustible, un peu plus aggravé par les difficultés que peuvent rencontrer les populations rurales pour s’en procurer, du fait de leur éloignement physique des centres d’activité et de réseaux routiers très limités. En constante augmentation lors de ces dernières décennies (Karekezi, 2002), le prix du baril de pétrole a, en effet, récemment atteint des sommets et d’aucuns craignent, non pas le pic pé-trolier mais bien le gouffre pépé-trolier (Rhodes, 2009), à savoir l’instant où la demande mondiale en pétrole dépassera les capacités d’extraction et de production de la ressource. L’état d’incertitude qui existe donc autour de ce combustible, sur les plans économique (coût croissant) et technique (épuise-ment de la ressource), ainsi que la problématique du tarisse(épuise-ment des ressources fossiles à proximité des zones rurales considérées, rendent nécessaire la recherche de nouvelles alternatives énergétiques dont la viabilité et la fiabilité dans le temps sont éprouvées.

Dans le domaine de la production d’électricité, les ressources renouvelables sont finalement le reflet de la frontière qui sépare les objectifs énergétiques des pays développés de ceux des pays en développement d’Afrique subsaharienne, entre, d’un côté, la maturité d’un schéma centralisé dans lequel les systèmes conventionnels sont remis en question et, de l’autre, les balbutiements d’une élec-trification dont les structures sont encore à trouver. Si leur mise en place dans les réseaux électriques modernes s’inscrit en effet dans un processus politique global, nous avons cependant constaté que leurs spécificités techniques s’opposaient également aux caractéristiques propres à ces réseaux, que ce soit au niveau de l’intermittence ou de la puissance limitée des systèmes de conversion. À l’inverse, nous allons voir que, dans un paradigme décentralisé plus pragmatique, qui ne nécessite non pas des alternatives, mais des moyens adaptés à l’électrification de populations vivant dans un contexte socio-énergétique spécifique, ces mêmes particularités peuvent converger avec ces nouveaux objectifs.

Les ressources renouvelables nécessitent des systèmes de conversion qui seront, dans un modèle ou dans l’autre, de taille réduite du fait de leur dispersion géographique, mais aussi possiblement en raison de leur intermittence. En effet, si, dans les réseaux électriques, cette variabilité de la ressource peut être atténuée grâce au foisonnement géographique des systèmes, dans le cadre d’une électrifica-tion décentralisée où la producélectrifica-tion et le consommateur sont plus directement reliés, il est nécessaire d’intégrer des éléments de stockage qui, au vu des filières associées actuellement aux énergies renou-velables (stockage électrochimique et mécanique), limitent de facto les puissances disponibles (Jaud et al., 1998). L’électricité ne pouvant être stockée, il faut forcément la convertir sous une autre forme d’énergie intermédiaire qui, elle, le sera et permettra de répondre aux appels de charge à n’importe quel moment, en étant de nouveau transformée en énergie électrique, et ce, même si la ressource considérée est indisponible. Dans un cadre décentralisé où la demande en électricité reste limitée, le stockage, associé à un système de régulation, constitue un excellent moyen, et à l’heure actuelle le seul, pour atténuer le phénomène d’intermittence (lissage de la production), essentiel à la bonne qualité de l’électricité distribuée. En outre, la relative faible taille de ces systèmes leur confère une

Chapitre 1 : Énergies renouvelables et électrification décentralisée en Afrique subsaharienne

certaine souplesse d’utilisation, au niveau de leur transport et du temps requis pour leur installation, une importante modularité, dans le cas de variations futures dans la consommation, et s’accorde avec les besoins en électricité plus restreints des zones rurales. La large dispersion géographique de ces ressources assure également que l’on puisse toujours avoir accès à une ou plusieurs d’entre elles, et ce, quel que soit l’endroit où l’on se trouve et où l’on consomme de l’énergie. Ainsi, si le réseau élec-trique nécessite une extension et les ressources fossiles des infrastructures de transport afin d’ache-miner l’énergie vers les lieux de consommation, la grande diffusion des ressources renouvelables augmente leur accessibilité, en particulier pour les populations isolées. Enfin, les avantages déjà cités dans la section 1.1.2.2 sont autant d’arguments supplémentaires. Les énergies renouvelables étant pra-tiquement illimitées, seuls les systèmes de conversion devront donc être remplacés, et ce, de manière relativement sporadique puisque la durée de vie de ces derniers reste importante, assurant viabilité et fiabilité de la solution. Par ailleurs, le faible impact environnemental de ces énergies représente indé-niablement une valeur ajoutée, rendant un peu plus élégant encore un choix qui semble déjà pertinent. Évidemment, selon les ressources propres à chaque pays, les systèmes de conversion à mettre en place seront nécessairement différents, mais on constate qu’au-delà de la seule image d’« alternative propre et durable », les énergies renouvelables peuvent aussi et surtout représenter, dans un cadre différent, une issue énergétique plausible et donc un maillon essentiel du développement humain.

Substantiellement, on observe donc que, dans les pays développés, les caractéristiques des sys-tèmes renouvelables impliquent de décentraliser une production que l’on voudrait centralisée, là où rapprocher la production électrique des sites de consommation apparaît pertinent dans les pays en voie de développement. Cette décentralisation de la production, rendue nécessaire par les spécificités de la ressource, coïncide alors avec celle de la consommation, issue des spécificités sociales, géographiques et énergétiques des régions considérées.

Conclusion

L’essor des ressources renouvelables prend sa source dans la conceptualisation politique du dé-veloppement durable à la fin du XXièmesiècle par les pays développés, phénomène qui, en devenant international, semble avoir aussi bien occulté l’ambivalence du contexte énergétique mondial qu’« ins-titutionnalisé » le rôle de ces énergies. Elles apparaissent en effet aujourd’hui avant tout comme une alternative nécessaire, entérinée par l’adoption d’accords officiels tels que le Protocole de Kyoto qui, bien qu’il soit originellement issu de la remise en question par les pays industrialisés de leur mode de développement, aura instauré en quelque sorte des « obligations » globales.

Dans le domaine de l’énergie électrique, nous venons par ailleurs de montrer que, si l’électricité jouait les premiers rôles dans la réduction de la pauvreté et donc dans le développement humain, le contexte spécifique de l’Afrique subsaharienne imposait également de reconsidérer le modèle centra-lisé et donc de rapprocher les centres de production des sites de consommation. En gardant à l’esprit l’idée préalablement établie d’une perception des énergies renouvelables sur le plan strictement éner-gétique et non politique, nous avons confirmé que ces ressources, et les systèmes associés, pouvaient représenter, au sein d’un paradigme décentralisé, une solution technique et économique pertinente, paramètres semblant les plus essentiels à l’heure actuelle dans des pays où la pauvreté multidimen-sionnelle est très importante.

Cependant, si la solution renouvelable semble a priori appropriée au cadre régional, il n’en reste pas moins qu’il sera nécessaire, pour chaque étude, d’analyser de manière plus détaillée les carac-téristiques de la région ou sous-région considérée, et ce, afin de déterminer la ou les ressources les

Conclusion

plus adéquates et d’appréhender avec précision le potentiel de celles-ci ainsi que celui des systèmes associés. En substance, il s’agit donc de mettre en œuvre une planification de l’électrification décen-tralisée à l’aide de ressources renouvelables d’énergie, qui sera expérimentée au travers de cette thèse sur la République de Djibouti, et dont nous allons spécifier la teneur dans le chapitre suivant.

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Planifier l’électrification photovoltaïque décentralisée en

République de Djibouti

Au commencement était l’ogresse. Puis vinrent les hommes qui la vainquirent. Sa mort avait donné naissance à cette ville blanche et lépreuse qui porte en son sein le sceau indélébile.

Le Pays sans ombre, « L’ogresse des origines » Abdourahman A. Waberi

R

ÉSUMÉ

La République de Djibouti est un petit pays situé dans la corne de l’Afrique, et particulièrement représentatif des défis social, économique et énergétique auxquels fait face l’ensemble de la région. La pauvreté multidimen-sionnelle, le faible accès à l’électricité ou les alternatives énergétiques restreintes sont autant de problématiques nationales qui touchent plus fortement les populations rurales. Mais si le pays reste particulièrement pauvre en ressources traditionnelles, il apparait beaucoup plus riche en énergies renouvelables, dont les gisements ont déjà fait l’objet d’études plus ou moins poussées dans un passé proche. Les ressources géothermique et solaire sont celles qui présentent a priori le potentiel le plus intéressant ; toutefois, leurs spécificités et la volonté immanente de généralisation de l’étude à l’ensemble de l’Afrique subsaharienne privilégient l’analyse du gisement solaire dans un cadre décentralisé de production d’énergie. Sur le plan de l’électricité d’origine solaire, les systèmes photovoltaïques paraissent bien adaptés aux caractéristiques des zones rurales, tout en représentant également la solution renouvelable la plus prisée à l’heure actuelle sur le continent. Bien que ces systèmes reposent sur une technologie relativement ancienne, ils ne sont réellement apparus sur le marché qu’avec l’avènement des pro-grammes spatiaux et le premier choc pétrolier, et la filière n’a enfin pris son essor qu’au début des années 2000, bénéficiant alors des issues politiques du Protocole de Kyoto. Au final, l’évaluation objective du degré de per-tinence de ces systèmes énergétiques, au sein du cadre de l’électrification décentralisée des populations rurales du pays, nécessite la mise en œuvre d’une étude de planification composée de deux phases : l’estimation du gisement solaire disponible à travers la République et l’analyse de performance des systèmes photovoltaïques dans ce contexte spécifique.