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Institutionnalisation, autonomie et dépendance

Dans le document DEPENDANCE ET STIMULATION DES SENS (Page 56-60)

2.1- Le maintien à domicile

Avant d’envisager l’institutionnalisation d’une personne atteinte de démence de type Alzheimer, on peut se demander s’il n’est pas préférable de maintenir le malade à son domicile. La réponse n’est pas évidente, et dépend essentiellement de l’entourage du patient, des moyens humains (aides-soignants, infirmières etc.), techniques (livraison des courses, équipement ergonomique adapté à sa condition physique et psychique) et donc financiers dont la personne dispose pour bénéficier des meilleures conditions de vie possibles.

De même, on peut envisager en toute logique l’intervention à domicile d’un psychomotricien et ainsi limiter les risques de déclin brutal des facultés du malade, avant même d’envisager l’institutionnalisation.

Néanmoins, ne pouvant prévoir la rapidité d’évolution de la maladie, il convient de se demander jusqu’à quelle limite le maintien à domicile restera possible. A un certain stade de la perte d’autonomie, la personne âgée ne peut plus subvenir par elle même et d’une manière indépendante à ses besoins. C’est à l’initiative de son entourage, du personnel soignant à domicile ou des tuteurs qu’il faudra alors envisager son entrée en institution.

Supprimé : 3

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2.2- L’institutionnalisation

Pour certaines personnes seules, sans famille, l’institutionnalisation sera sécurisante et favorable aux stimulations. En effet, restant seule chez elle, la personne âgée peut voir son espace se rétrécir, investit moins les pièces de sa maison, et se renferme peu à peu sur elle-même. L’entrée en institution lui proposera alors une ouverture au monde, un nouveau cadre avec de nouvelles rencontres et de nouvelles stimulations.

Pour d’autres, cette entrée en institution pourra être vécue comme un véritable traumatisme. C’est une rupture à laquelle la personne n’a souvent pas été préparée psychologiquement. Parfois même, le malade n’est même pas informé à l’avance de ce changement brutal, soit que la famille n’a pas conscience du fait qu’une préparation psychique est nécessaire, soit qu’ il y a volonté délibérée de cacher au malade cette dure vérité, par besoin de se rassurer soi-même. De fait, ce départ du foyer familial est très probablement un départ définitif.

Dans la pratique, cette rupture se traduit par un changement immédiat de lieu de vie. Du jour au lendemain, la personne se retrouve à vivre en communauté, loin de son entourage, loin de ses affaires personnelles et doit réaliser un véritable effort d’adaptation face à ce nouveau lieu et ces nouveaux visages.

Tous ces bouleversements impliquent une perte de repères. Chez les patients atteints de démence de type Alzheimer, cette désorientation temporo-spatiale est d’autant plus préjudiciable qu’elle est déjà effective et les a déjà fragilisés avant leur entrée en institution.

On peut d’ailleurs se poser légitimement la question de savoir à quel moment idéal on doit institutionnaliser un patient souffrant de démence de type Alzheimer. Nous avons pu voir dans la partie théorique l’importance et la nécessité d’un diagnostic précoce et approfondi. Ainsi la personne placée en institution au début de la maladie, quand son niveau d’autonomie lui permet encore de conserver une certaine indépendance, trouvera-t-elle plus rapidement de nouveaux repères.

Son adaptation à un nouvel environnement sera donc facilitée. Elle s’installera alors dans son nouveau cadre de vie sans trop d’angoisses et d’une manière volontaire plutôt que passive et soumise.

Parallèlement, cette décision doit résulter d’une bonne relation entre l’entourage familial (quand il existe) et le personnel soignant. Pour cela, la famille doit être correctement informée afin de bien mesurer le bouleversement que l’entrée en institution va engendrer chez la personne âgée, et décider conjointement avec le corps médical du moment idéal pour le placement en institution, afin de préserver au mieux l’autonomie et le bien être de la personne.

2.3- Danger et paradoxe de l’institutionnalisation

La prise en charge en institution d’un patient atteint de démence de type Alzheimer constitue un paradoxe.

En effet, les facultés et les notions mêmes qui doivent être préservées, entretenues et utilisées pour maintenir une bonne autonomie (la mémoire, la reconnaissance d’identité, le respect humain, la considération, la communication, la liberté de choisir, la dignité etc.), sont les plus négligées.

En règle générale et par définition, l’institutionnalisation a pour objectif d’offrir un encadrement sécurisant et stimulant pour le patient. Cependant, il est évident que le placement en institution d’une personne âgée atteinte de démence de type Alzheimer, risque d’accélérer sa perte d’autonomie, de repères, sa désorganisation temporo-spatiale, déjà altérés au départ, et donc favoriser son entrée en dépendance.

Supprimé : ¶

Les contraintes d’organisation pratique de la vie en communauté, le manque de moyens, le manque de temps empêchent une prise en charge suffisamment personnalisée des patients. Le personnel soignant agit à la place du malade, impose ses propres choix (menus, heures de repas, de toilette etc.). Cela engendre chez le patient une relative inhibition intellectuelle, altère ses capacités de jugement, sa liberté de choix et d’expression.

Cette absence de considération du patient a pour conséquence une accélération de la perte d’autonomie, de la capacité de décider, de penser et d’organiser son quotidien, pour aboutir enfin à une perte d’identité. On obtient donc malheureusement un effet contraire à l’objectif visé et négatif dans le traitement de la maladie.

C’est à ce niveau que la psychomotricité a un rôle important à jouer.

Face à ces dangers et ces contraintes, il faut avant toute chose garder en mémoire que le placement du patient au sein d’une institution assure sa sécurité, propose une surveillance médicale de l’évolution de la maladie et un encadrement permanent par des professionnels.

L’institutionnalisation permet également de soulager la famille pour qui gérer le quotidien d’un proche atteint de cette maladie est très difficile. Ainsi, elle sait son parent en sécurité et peut bénéficier d’informations sur la pathologie après avoir passé le relais au personnel soignant.

2.4- La relation soignant/patient en milieu institutionnel

Dès l’arrivée du patient en institution, la qualité de la relation avec l’équipe soignante et son degré de personnalisation vont se révéler des éléments fondamentaux de la bonne intégration et du bien-être du patient au sein de son nouveau et probablement dernier cadre de vie.

Avant de débuter mon stage en maison de retraite, je n’avais encore jamais eu l’opportunité d’être en contact avec des personnes âgées atteintes de démence de type Alzheimer. Je savais pour l’avoir appris au cours de mes études que cette maladie est dégénérative, donc que le déclin observé chez ces patients est irréversible, actuellement incurable, avec comme seule issue la mort.

Dès le début de mon stage j’ai ressenti une certaine atmosphère pesante dans l’institution gériatrique, et j’ai cherché à comprendre la raison de cette ambiance tout à fait particulière qui m’a un peu déstabilisée.

Malgré le professionnalisme, la patience et la bonne volonté du personnel en milieu gériatrique, l’insuffisance de relation personnalisée que j’ai pu constater lors de mon stage est due en grande partie à des motifs d’ordre techniques et financiers.

J’ai néanmoins été amenée à me demander s’il n’existait pas une autre cause à ce manque de relation duelle entre soignant et patient.

En observant la population des personnes âgées, dans un environnement jusque-là inconnu pour moi, je me suis trouvée confrontée à la souffrance, la douleur, la déchéance et la mort. De son côté, chaque membre du personnel dispose d’une sensibilité différente au contact de la maladie et de la mort, mais en tant que professionnels, tous savent que le malade souffrant de démence de type Alzheimer est condamné à mourir dans les dix ans. J’ai donc compris rapidement que mes

Supprimé : c…

sensations devaient être partagées d’autant plus fortement par le personnel, lui même en relation quotidienne et continue avec les résidents.

A partir de cette réflexion, je me suis demandée si le déficit de considération personnalisée pour le patient n’était pas, au-delà de l’absence de moyens techniques évoquée ci-dessus, également dû à une conduite d’évitement face à cette personne en fin de vie, et si une

certaine distance de la part du personnel n’était pas à considérer comme une réaction inconsciente de protection face à ses angoisses et à sa propre mort.

Une réponse réside peut-être en une meilleure connaissance de la pathologie et de la symptomatologie spécifique à la maladie d’ Alzheimer de la part du personnel, ce qui permettrait une prise de conscience de la gravité de la perte d’autonomie chez le malade. Une meilleure compréhension de ces problèmes entraînerait certainement le personnel à favoriser une prise en charge plus personnalisée et mieux adaptée à chaque patient.

D’autre part, si l’on admet qu’une certaine distance vis-à-vis des personnes âgées est en fait pour un membre du personnel soignant un rejet inconscient de sa propre mort. Il pourrait être bénéfique pour le patient comme pour l’employé de mettre en place des groupes de parole au sein du personnel, afin de dédramatiser cette notion de mort omniprésente et d’aborder ainsi l’ensemble des relations avec plus de sérénité.

Enfin, connaissant l’issue inéluctable de la maladie, je me demandais au début de mon expérience en institution gériatrique où pouvait résider l’utilité d’une prise en charge en psychomotricité auprès des personnes souffrant d’une telle pathologie.

Dès mes premiers contacts avec elles, j’ai rapidement mesuré l’importance capitale de maintenir leurs capacités restantes, d’améliorer leur bien-être grâce à des relations humaines de qualité entre elles, le personnel et les autres résidents, et d’apporter un temps de plaisir corporel comme nous l’avons évoqué ci-dessus.

2.5- Comment prolonger l’action psychomotrice

Je considère que l’expression « fournisseurs de sensations » employée par M. CHARLIER (2003) dans son approche sensorielle de la personne âgée, convient particulièrement bien à la profession de psychomotricien.

Le psychomotricien n’est pas pour autant le seul capable de proposer des stimulations sensorielles, dans le cadre de la prise en charge de patients atteints de démence de type Alzheimer. A fortiori toute personne et catégorie de personne en contact avec ces sujets sont susceptibles de créer des sensations et de les partager.

Tout d’abord, la famille et l’entourage proche, qui peut agir précocement, dès les premiers signes de perte d’autonomie. Par exemple, feuilleter avec le sujet un album photo, lui demandant d’évoquer des noms, des situations de sa vie, des histoires de famille etc., constitue un exercice simple, mais qui, effectué régulièrement, permet d’entretenir la mémoire cognitive. Dans ce cas, l’exercice fait appel à une stimulation visuelle.

De même, il est techniquement facile de procéder à une stimulation auditive, par exemple en lui faisant écouter une chanson bien connue, deviner son titre et le nom de son interprète. Lui proposer ensuite de la chanter ensemble la forcera à un effort pour retrouver dans sa mémoire les paroles. Des rituels sensoriels pourraient ainsi être évoqués à la famille avant l’entrée en institution du résident (exemple : photos, chanson, objets...). Ne peut-on pas imaginer que ces rituels ou objets de rituel permettraient de créer un lien et constitueraient un élément de repère entre la vie chez soi et la vie en institution.

Supprimé : Citation renvoi à la mort

2.2- Prise de repères par les sens¶

Forte de ces constats, il m’a semblé intéressant de faciliter cette prise de repères par les sens.

Par exemple, un patient qui n’arrive pas à mémoriser le numéro de sa chambre et donc la retrouver malgré de nombreuses répétions verbales de la part du personnel, se repérera plus facilement par une stimulation visuelle, comme une couleur spécifique à sa chambre, une photo sur sa porte évocatrice pour elle (la personne étant jeune, une photo de ses parents…).¶

Je peux citer l’exemple de Madame BICHOT âgée de 90 ans que je prends en charge investi le cadre des séances au Supprimé : 4

Plus tard, lorsque l’institutionnalisation devient nécessaire et incontournable, c’est au personnel médical et soignant de prendre le relais de la famille au quotidien. Les accompagnants et aides-soignants ont tout au long d’une journée de multiples opportunités d’effectuer des actes de stimulation sensorielle simples et personnalisés.

Par exemple, lors de la toilette, faire sentir un savon au patient, et l’aider à en retrouver le parfum ne prendra que quelques instants, mais qui s’avèrent importants pour toutes les raisons développées ci-dessus. Dans ce cas, il s’agit d’une stimulation olfactive.

Autre exemple : au moment de l’habillage, pourquoi ne pas faire choisir au patient dans sa penderie la chemise ou la robe qu’il souhaite porter aujourd’hui, et aussi lui faire palper et exprimer sa sensation au toucher. Là encore, il s’agit d’une stimulation visuelle simple (choix entre la robe verte ou la robe rouge…), mais accompagnée cette fois ci d’une stimulation tactile. De plus, le fait de mettre le patient devant un choix, lui donne le sentiment d’exister, d’être important, de posséder une identité, et donc de rester autonome.

Lors de mon stage, j’ai pu me rendre compte que, malgré la bonne volonté et le professionnalisme de tout le personnel, la mise en place de telles actions et d’un tel comportement vis-à-vis des patients est insuffisante.

La solution à cette carence passe sans aucun doute par un effort de formation et d’information auprès du personnel, sur l’importance de l’utilisation des sens et de la stimulation sensorielle.

Nous pourrions imaginer la mise en place de rituel sensoriel afin de favoriser la prise de repères. Ainsi, Madame Warin pourrait bénéficier à un moment précis de la journée d’une écoute musicale qu’elle apprécie.

Je n’ai pas pu mettre ce « rituel » en place par manque de temps mais il serait intéressant de le suggérer à l’équipe qui est à ses côtés au quotidien.

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