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P RESENTATION DE L ’E TUDE Q UALITATIVE

A. P RINCIPE DE LA METHODE QUALITATIVE

8) Insatisfaction du médecin

Les médecins des groupes 1, 2, 3 et 6 parlent d’un sentiment de frustration devant certains de leurs patients précaires.

Manque de formation

Ce sentiment de frustration est issu, selon les médecins des mêmes groupes, d’un manque de formation initiale. Les médecins du groupe 6 insistent sur le manque de formation aux démarches administratives pendant les études de médecine. Ils signalent également des difficultés dans la prise en charge des patients alcooliques par une mauvaise connaissance des méthodes d’accompagnement de ces patients.

Isolement du médecin généraliste

Des médecins des groupes 1 et 6 évoquent un sentiment d’isolement du médecin généraliste au cabinet, face à des patients qui nécessiteraient parfois une prise en charge pluridisciplinaire collective.

Prises en charge non satisfaisantes

Les groupes 1 et 2 expliquent leur malaise de ne pouvoir réaliser des prises en charge satisfaisantes par manque de moyen ou de temps.

Sentiment d’impuissance

Il est évoqué par les médecins du groupe 2, désemparés par le manque de moyens dont ils disposent.

9) Rôle du médecin généraliste

Trois des groupes (2, 5 et 6) abordent le sujet de ce qui définit le rôle du médecin généraliste.

Démarches administratives et sociales

Les médecins des groupes 5 et 6 estiment que l’accompagnement du patient dans ses démarches sociales ou administratives n’est pas le rôle du médecin généraliste. Ils le font

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Signalement d’une maltraitance

Au sein du groupe 6, les médecins s’interrogent sur l’obligation pour le médecin généraliste de faire un signalement lorsqu’il suspecte une maltraitance. Certains pensent qu’il s’agit d’une démarche à mettre en œuvre en accord avec des intervenants sociaux, plus expérimentés.

Education et prévention

Un médecin du groupe 1 explique qu'une des revendications syndicales actuelle est de pouvoir faire de la prévention dans les cabinets, mais que le manque de temps et de moyens ne le permettent pas suffisamment.

Un médecin du groupe 5 développe le rôle du médecin généraliste dans l’éducation thérapeutique de ses patients, il reconnaît aussi que c'est difficile à appliquer avec les moyens actuels donnés au médecin généraliste.

Au niveau du groupe 3, un des médecins précise que les questions de prévention sont de toute façon difficiles à aborder chez un patient précaire qui vit au jour le jour.

10) Comportement des patients

Les médecins des groupes 1, 3 et 5 signalent des difficultés face à des patients précaires en rapport avec leur comportement.

Multitude des appels et consommation de soins

Des médecins des groupes 1, 2, 3 et 5 reprochent des appels trop fréquents, notamment nocturnes, aux patients bénéficiaires de la CMU, souvent pour des motifs ne justifiant pas le déplacement.

Un médecin du groupe 2 parle aussi d’une tendance à venir consulter avec toute la famille sur un seul créneau de consultation.

Une des médecins du groupe 1 fait cependant remarquer que ce type de ressenti des médecins généralistes ne correspond pas toujours à la réalité puisque selon elle, une enquête menée par la sécurité sociale a démontré statistiquement que les patients CMU n’étaient pas plus consommateurs de soins que les autres.

Abus de la générosité du médecin et des actes gratuits

Des médecins des groupes 1 et 5 expliquent qu’ils ont parfois le sentiment que certains patients abusent de leur générosité et des actes gratuits, ils attribuent ce type de comportement à des patients issus de milieux défavorisés socialement et culturellement.

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Négligence et manque de volonté

Un médecin du groupe 1 évoque la responsabilité de certains patients dans les difficultés de prise en charge, par leur comportement négligent.

Comportement social inadapté

Il est dénoncé par les médecins du groupe 5, qui ressentent un fossé socioculturel avec certains patients qui ne semblent pas respecter le travail du médecin considéré comme un service dû.

d) Vision et expérience des relations aux différents acteurs de prise en charge (travailleurs sociaux, structures médico-sociales)

1) Les structures sociales

Les assistantes sociales

Elles sont citées par tous les groupes comme le premier relai envisagé.

Les médecins des groupes 2, 3, 5 et 6 évoquent cependant des difficultés de communication, leur reprochant principalement un manque de disponibilité. Ceci étant en réalité plutôt dû au système de soins français (groupe 5), où leur nombre est largement insuffisant, rendant la charge de travail difficile à assumer pour elles. Elles ont de plus des horaires de travail limités aux heures ouvrables (groupe 2), ne permettant pas de répondre à la plupart des demandes, notamment aux urgences.

Un médecin du groupe 6 cite par ailleurs parfois un problème de présentation. Il évoque l’exemple d’une patiente ayant des difficultés financières importantes, mais veillant à être toujours habillée proprement. Les assistantes sociales refusent de lui apporter de l’aide en raison de son apparence : elle « présente trop bien » pour être vraiment pauvre.

Les médecins du groupe 5 expliquent également qu’elles n’ont souvent guère de temps pour s’occuper des personnes âgées, déjà absorbées par d’autres problématiques, notamment les jeunes en difficultés ou leurs familles.

CCAS

Les services sociaux communaux sont cités par les médecins des groupes 1, 3 et 4 avec des expériences variables d’un secteur à l’autre.

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Dans le groupe 4 également, au niveau du nord du département, les communes semblent très réactives et travailler en bonne collaboration avec les médecins du secteur.

Deux des médecins du groupe 3 expliquent par contre que sur la ville de Nancy, ils n’ont quasiment jamais obtenu de réponse à leurs demandes.

Services d’aides à domicile / ADAPA-SSIAD

Ils sont fréquemment sollicités par les médecins des groupes 4, 5 et 6 avec dans l’ensemble des réponses satisfaisantes.

Conseil général

Certains médecins des groupes 2 et 5 disent plutôt faire appel à lui, notamment ceux qui connaissent les médecins y travaillant.

Aide Sociale à l’Enfance (ASE)

L’ASE est mentionnée par des médecins des groupes 2 et 6, ayant eu à faire face à des cas de maltraitance à enfant.

2) Les structures médicales ou paramédicales

Hôpital/Urgences

Le recours médical le plus nommé est celui de l’hôpital, via les urgences ou non, par les médecins des groupes 2, 3, 4 et 6.

Des médecins du groupe 2 signalent cependant des problèmes de communication ville-hôpital importants, en rapport avec des courriers de sortie non faits ou tardifs. Ils déplorent des sorties parfois hâtives en raison d’une pénurie de lits d’hospitalisation, et des patients qui peuvent être mal stabilisés cliniquement. Ceci rend la prise en charge en relai par le médecin traitant très difficile, que ce soit à domicile ou en institution.

Infirmières libérales

Les médecins des groupes 1 et 4 disent faire souvent appel à elles. Elles sont un relai précieux dans le suivi et la surveillance de certains patients à domicile.

Spécialistes faisant des actes gratuits

Les médecins des groupes 1 et 3 évoquent la nécessité d’avoir dans leur carnet d’adresses les coordonnées de certains confrères spécialistes réalisant des actes gratuits en l’absence de couverture sociale, ou soignant sans difficulté les patients bénéficiaires de la CMU.

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Médecins scolaires

Ils sont mentionnés par les médecins du groupe 1 comme un relai utile dans le suivi des enfants de familles défavorisées.

Hôpital local

Un des médecins du groupe 5 évoque l’hôpital local, où il exerce à temps partiel, comme une structure de grand intérêt, en relai de la gestion à domicile. Il convient pour certains patients de santé précaire mais qui ne nécessitent pas une prise en charge médicale relevant d’un véritable centre hospitalier.

3) Les structures médico-sociales

Protection Materno-Infantile (PMI)

La PMI représente une structure relai efficace pour le suivi de familles en difficulté selon les médecins des groupes 1, 2 et 4.

Unité médico-sociale (UMS)

Cette structure n’est évoquée que par les médecins du groupe 1, dont l’un des membres y effectue des vacations hebdomadaires, tandis qu’un autre a eu également une activité dans l’unité il y a quelques années.

Permanence d’Accès aux Soins de Santé (PASS)

La PASS de Toul est citée par un des médecins du groupe 6, qui lui envoie ses patients sans couverture sociale.

Centre médico-social (CMS)

Un des médecins du groupe 2 explique qu’il contacte le CMS de secteur dès qu’il se trouve confronté à une situation sociale difficile et que cela lui permet de résoudre la plupart des problèmes.

SAMU Social

Un médecin du groupe 2 le cite comme un recours utile, de jour comme de nuit.

Unité Fonctionnelle d'Accueil et Traitement des Toxicomanes (UFATT)

Cette unité d’accueil est citée par un des médecins du groupe 6, mais selon lui, les patients en sont peu satisfaits.

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PAIS/CLIC personnes âgées

Cette structure est également citée par le même médecin du groupe 6.

4) Les structures administratives

Municipalité

Un des médecins du groupe 6 dit préférer s’adresser directement à la mairie, plutôt qu’aux assistantes sociales, et semble satisfait des réponses obtenues.

Interprètes de la mairie

Un médecin du groupe 2 explique qu’il a parfois recours à la mairie de Nancy pour trouver des interprètes.

5) Les associations

Médecins du Monde

L’association est citée par les médecins du groupe 1, ceux exerçant en zone rurale ou semi rurale précisant qu’ils ne peuvent pas y envoyer leurs patients en raison de la distance au centre-ville de Nancy où se trouvent les locaux de l’association. Elle est également citée par un médecin du groupe 2 et un du groupe 3.

Secours catholique

Un des médecins du groupe 5 exerçant en zone rurale l’évoque comme une des structures auxquelles il a régulièrement recours.

6) Manque de structures de proximité

Les médecins des groupes 2 et 6 précisent qu’il existe selon eux, un manque notable de structures relais adaptées aux besoins des médecins et des patients, ainsi qu’un défaut important d’information sur les structures déjà existantes.

e) Besoins et propositions pour faciliter votre exercice/optimiser les prises en charges/améliorer l’accès aux soins

1) Mesures concernant les médecins

Meilleure coordination des intervenants

Un interlocuteur unique

L’idée d’un interlocuteur unique auquel les médecins pourraient s’adresser pour toute situation de précarité est soulevée par les médecins des groupes 2, 5 et 6.

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On parle plutôt d’un « guichet social unique » au niveau du groupe 2.

Les médecins du groupe 5 souhaiteraient un « travailleur social spécialisé » auquel ils pourraient se référer, travaillant éventuellement dans un service social d’urgence. Ceci permettrait une prise en charge rapide des cas les plus critiques.

Plusieurs médecins du groupe 6 précisent qu'une structure à type d'interlocuteur unique est en train d'être mise en place sur le secteur de Toul pour les difficultés rencontrées dans la prise en charge des personnes âgées. Il devrait s'agir d'une infirmière coordinatrice qui permettra d’orienter les médecins, et d’assurer un relai dans la prise en charge.

Un réseau Précarité

On évoque, au sein des groupes 1, 2 et 3, l’idée de développer un « réseau Précarité » sur la région, qui serait comparable aux réseaux déjà existants pour le diabète et l’insuffisance cardiaque (ICALOR).

Un des médecins du groupe 3 met cependant en garde contre le risque de stigmatiser une condition sociale qui n’est pas une pathologie, et d’ainsi compromettre les chances pour certains patients de se sortir de cette condition.

Des rencontres entre les différents intervenants

Des médecins des groupes 1 et 3 proposent des rencontres organisées entre les médecins généralistes et les intervenants sociaux. Il apparaît en effet plus facile de collaborer avec des personnes déjà rencontrées de visu.

Selon la même idée, le développement de maisons de santé pluridisciplinaires est à favoriser selon les mêmes médecins car cela facilite les rapports entre les différentes professions. Les médecins du groupe 4 développent également l’intérêt du travail en groupes de pairs, qu’ils pratiquent le plus régulièrement possible. Ils évoquent aussi la nécessité d’un dossier médical partagé pour faire face aux difficultés induites par le nomadisme médical de certains patients.

Formation/Information

Les médecins des groupes 2, 3, et 6 proposent de développer les supports d’information des médecins généralistes comme des annuaires comprenant les numéros de téléphones utiles locaux avec mise à jour régulière.

Ils évoquent tous la nécessité d’améliorer la formation initiale et continue des médecins généralistes.

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Le groupe 2 émet l’idée d’un guide écrit expliquant les droits et les différents recours possibles pour un patient en situation de précarité financière.

Les médecins du groupe 3 reconnaissent la nécessité d’une éventuelle formation des médecins centrée sur la relation avec un patient en situation de précarité.

Au sein du groupe 6, on propose la création d’arbres décisionnels spécifiques.

Autres propositions

Un médecin du groupe 5 pense qu’il faudrait un geste politique pour favoriser les actions d’éducation et de prévention des médecins généralistes.

2) Mesures concernant les patients

Augmenter le nombre d’assistantes sociales

Les médecins des groupes 4 et 5 sont unanimes sur l’insuffisance du nombre d’assistantes sociales par rapport aux besoins actuels.

Faciliter l’accès aux transports

Un médecin du groupe 1 propose la gratuité des transports en commun pour permettre un accès plus facile aux consultations spécialisées et examens complémentaires.

Faciliter les démarches administratives

Des médecins du groupe 6 rappellent la difficulté des démarches administratives à réaliser, notamment pour obtenir ses droits à la CMU. Une simplification serait nécessaire, en particulier pour réduire les délais d’application de ces droits.

Lutter contre l’isolement

Un médecin du groupe 4 identifie l’isolement, notamment des personnes âgées, comme la source principale de leur précarité. Il propose une réflexion sur des mesures visant à réduire cet isolement.

3) Intérêt du travail en réseau multidisciplinaire

En ce qui concerne les propositions d’amélioration, nous retenons que tous les groupes mentionnent le travail en réseau multidisciplinaire comme un des outils essentiels de l’amélioration de la prise en charge des patients en situation de précarité.

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D.D

ISCUSSION

Nous discuterons en premier lieu le choix de la méthode, puis nous reviendrons sur les résultats.

1. Le matériel et la méthode